Marianne
Breton Fontaine
Jeunesse
militante
Il ne passe pas une journée sans que la vie me rappelle la
nécessité du féminisme, quoiqu'en dise la campagne surréaliste de «Women
against feminism», une initiative américaine où des femmes publient des photos
d'elles-mêmes expliquant pourquoi le féminisme est inutile pour elles. «Je n'ai pas besoin du féminisme,
car si je porte un haut comme celui-ci, c'est pour que tu regardes » dit l'une
d'entres-elles. «Je n'ai pas besoin de féminisme car j'aime cuisiner pour mon
petit copain » dit une autre. C'est drôle, parce que moi, ces arguments, ils me
convainquent de la nécessité de continuer la lutte...
Ce matin, ce rappel quotidien s'est fait lorsque j'ai appris
que le gouvernement Couillard coupera dans le programme «Chapeau les filles!», programme qui faisait la promotion des études
pour les femmes dans des secteurs encore réservés aux hommes, tel que les
sciences et l'ingénierie. Pourtant, cette coupe ne fera économiser que de
minuscules miettes au trésor public.
Cerise sur le sundae, un peu plus tôt la veille, ce même gouvernement
annonçait qu'il volerait au secours de Bombardier si la compagnie le demandait,
car la compagnie connaît en ce moment quelques baisses de profits. Y en a-t-il
encore qui doute que l'État soit au service d'une classe bien précise ?
Cette coupe budgétaire ne fait que s'ajouter à une longue
liste d'attaques; Les CPE, les services de santé, l'éducation, les organismes
communautaires, etc. et même le
programme «Égalité pour décider»
(programme pour la participation des femmes à la vie politique) y ont passé. Les
coupes dans ces organismes auront des impacts disproportionnés sur les femmes.
C'est le genre d'analyse que le Conseil du statut de la
femme peut faire lorsqu'il se penche sur les politiques publiques. Mais cet
organisme est lui aussi passé à la tronçonneuse de l'austérité. Il a vu son
budget largement amputé et se voit maintenant forcé de fermer ces quelques
bureaux en région. Comme le soulignait le Réseau des Tables régionales de
groupes de femmes dans un communiqué : «Il
semble que l’obsession de ce gouvernement pour imposer à tout prix son
programme d’austérité ne connait aucune limite, particulièrement dans son
acharnement à s’attaquer aux droits des femmes. Ce gouvernement ne
respecte ni le droit des femmes à l’égalité pour toutes, ni sa
propre politique qui l’oblige à tenir compte des impacts sur les femmes
des mesures budgétaires qu’il met de l’avant, ni les régions dont il est
en train de saccager le tissu organisationnel.» Un organisme comme le
Conseil du statut de la femme ne peut que mettre des bâtons dans les roues à
l'agenda d'austérité. Pire, il aide à formuler des revendications. Du point de
vue de Couillard ces femmes, comme toutes les femmes organisées, ne sont que
des voix à faire taire.
Depuis les 15 dernières années, les femmes s'appauvrissent.
Les regroupements de femmes le voient dans les détails du quotidien. De plus en
plus de travailleuses ont recours à l'aide alimentaire. Faut-il répéter encore
et encore que les femmes ne gagnent pas à travail égal un salaire égal encore
aujourd'hui? Faut-il répéter que les emplois précaires et à temps partiel sont
encore majoritairement occupés par des femmes ? Faut-il répéter encore que les
enfants et les tâches domestiques sont dans une proportion démesurée sous la
responsabilité des femmes ? Des éléments factuels connus qui pourtant doivent
sans cesse être répétés.
Même nos chers députés, qui sont pourtant supposés avoir une
certaine formation générale, ne semblent pas tous capables d'intégrer ces
notions de base sur le caractère sexiste de notre société. Tout récemment, la
Fédération des Femmes du Québec (FFQ) déposait en commission parlementaire son
mémoire sur les impacts du projet de loi 28 concernant la mise en œuvre des
mesures austéritaires. Le député caquiste André Spénard considérait le rapport
de la FFQ comme étant alarmiste. Pour lui, l'égalité était chose acquise et «On ne peut pas faire beaucoup plus que ça»,
ni «faire juste des lois pour les femmes». Sans gène, il s'adressait à la
présidente de la FFQ, Mme. Alexa Conradi, pour lui expliquer qu'il avait tout
fait pour impliquer les femmes en politiques, mais qu'elles ne participaient
pas malgré ses bons efforts. L'homme terminait son intervention en déplorant
l'analyse de la FFQ sur la hausse des agressions sexuelles dans le contexte du
développement dans le Nord du Québec. «On
n'arrêtera pas les ressources naturelles et l'extraction du minerai de fer, de cuivre,
ou l'or, parce qu'il y a plus d'agressions sexuelles dans ce coin-là!».
Pour lui, il fallait simplement envoyés plus de policier si le problème
existait véritablement.
Répondre à M. Spénard serait répéter encore et encore les
bases 101 du féminisme. Mais répéter ne suffit pas, car encore faut-il avoir
une tribune. Encore faut-il que le pouvoir politique réagisse aux
revendications et aux discours féministes. Encore faudrait-il que nous ayons
accès au pouvoir.
Je me rappelle en 2012 comment le bouillonnement social de la grève étudiante avait permis à des revendications et des discours féministes de refaire surface. Je me rappelle comment ce mouvement avait permis d'impliquer des femmes qui ne l'avaient pas fait avant, des femmes magnifiques dans leur diversité. Je me rappelle les « Pink Blocs ». Je me rappelle les occupations de mamans. Je rêve au printemps et je me répète que la pensée féministe se réalise dans l'action militante.
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