jeudi 24 janvier 2013

Enseignement supérieur: absence d'un réel débat

Quelques mois plus tard, les grandes questions soulevées... (LaPresse)
Jérémie Bédard-Wien et Blandine Parchemal
Les auteurs sont respectivement porte-parole et secrétaire aux affaires académiques de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ).

Publier originalement dans La Presse

Aux côtés de centaines de milliers d'étudiants et de citoyens, nous avons revendiqué une vision différente de l'université le temps d'un printemps étudiant. Ce dernier a ouvert l'univers des possibles: bien au-delà de la seule question de la hausse des droits de scolarité, le mouvement étudiant a remis en question les fondements mêmes du système d'éducation québécois. Au fil des manifestations, des assemblées générales, nous avons su imposer la plus grande tempête d'idées que le monde de l'éducation a connu depuis longtemps.

Quelques mois plus tard, les grandes questions soulevées par la grève restent sans réponse. Le Sommet sur l'enseignement supérieur avait pourtant comme rôle de favoriser une confrontation d'idées. Au contraire, dans sa forme actuelle, il sert surtout à remblayer la floraison du printemps plutôt que de repenser les finalités de l'université québécoise. Au lieu d'impliquer la population - qui doit bien se demander où va cet exercice! - dans une réflexion de grande ampleur, le Sommet est une course au compromis chiffré. Il offre peu d'espace de débat et se contente de placer différents acteurs l'un contre l'autre, chacun se battant dans l'espace médiatique pour sa part de gâteau. Le gouvernement est en train de refermer la fenêtre ouverte par la grève étudiante en verrouillant le débat sur des enjeux technocratiques, et beaucoup s'en rendent complices en s'engageant dans un débat économique stérile.

La guerre médiatique entourant le financement des institutions d'enseignement supérieur en est un exemple frappant. Sous-financement ou mal-financement? Le second, incontestablement. C'est d'ailleurs une position que l'ASSÉ défend depuis 2010. Cela dit, nous devons aller plus loin: à partir du moment où le financement est disponible, qui devrait l'administrer et comment devrait-il être partagé? Au-delà des chiffres se trouve un vide que les acteurs du Sommet ne pourront combler: celui de la composition, de la mission et de l'organisation des instances universitaires. En effet, comment remettre en question la participation majoritaire de membres externes sur les conseils d'administrations avant d'avoir statué la place que nous voulons accorder au privé au sein de nos institutions d'enseignement supérieur?

Si l'ASSÉ débat de sa participation au Sommet, c'est d'abord parce que ses membres constatent que le Sommet ne correspond guère à l'une des revendications fondamentales de la grève générale illimitée: la tenue d'états généraux réunissant la communauté universitaire. Devant un précédent gouvernement buté, incapable de parler une langue autre que celle de la démagogie, les étudiants et étudiantes ainsi que d'autres actrices et acteurs de la société civile ont envisagé la tenue d'états généraux de l'enseignement supérieur. Nous avons revendiqué le dialogue.

L'appel au dialogue du ministre Duchesne est différent. Il semble exclure un dialogue au sein même de nos organisations, ou le mode de revendication tout à fait légitime de la manifestation. Son dialogue est celui du nivellement par le bas, rompu à trois reprises par des coupures au sein du réseau universitaire. Un dialogue de sourds.

Le ministre se plaint sur toutes les tribunes de la «tentative de division» de l'ASSÉ: nous lui répondons qu'il existe plusieurs divisions autour de la table du Sommet. La vision que nous défendons, avec plusieurs syndicats, est celle d'une université publique et accessible à tous et toutes, celle d'une université construite autour de principes fondateurs de collégialité et d'autonomie: celle d'une université qui a pour mission première la transmission d'un savoir et le développement de l'esprit critique.

La CRÉPUQ, le Conseil du patronat et d'autres acteurs du secteur privé souhaitent plutôt accélérer des réformes déjà en place, favorisant une université pensée en fonction de sa rentabilité économique et gérée de façon managériale, en excluant ceux qui font vivre l'université. Or, c'est cette vision qui est reprise par le gouvernement. S'il écoute la nôtre, c'est d'une oreille bien distraite et sans réelle prise en considération, en témoignant sa volonté maintenue de mettre en place des mécanismes d'assurance-qualité et d'instaurer l'indexation des frais de scolarité.

L'ASSÉ représente près de 70 000 étudiants et étudiantes et fonctionne par démocratie directe: elle n'est en aucun cas un bloc monolithique. Certaines de nos associations membres aimeraient participer au Sommet, d'autres non. L'important, c'est que les étudiants eux-mêmes, par la base, soient en mesure de se poser la question, de remettre en question un processus qui n'inspire guère confiance.
Si Pauline Marois nous tend la main, ce n'est pas par volonté d'écouter le discours de l'ASSÉ, mais plutôt de s'assurer que la deuxième plus grande association étudiante du Québec légitimise les conclusions du Sommet. Nous ne sommes pas un acteur marginal: ce sont 25 000 étudiants et étudiantes qui ont rejoint l'ASSÉ l'an dernier pour défendre un projet politique, la gratuité scolaire, radical pour une classe politique qui a oublié ses programmes de la révolution tranquille.

Nous avons fait part de notre critique du Sommet sur la place publique pendant des mois, sans réponse. Aujourd'hui, le gouvernement réagit enfin. Il aurait pu créer un véritable espace de débat il y a longtemps. À présent, le temps presse. Nous débattrons de notre participation les 2 et 3 février: du côté gouvernemental, est-ce que les gestes suivront les paroles?

jeudi 10 janvier 2013

SOLIDARITÉ AVEC LE MOUVEMENT « IDLE NO MORE » !



Comité central du Parti communiste du Canada, 15-16 Décembre 2012, Toronto
 
Le 10 Décembre, Journée internationale des droits humains de l'Organisation des Nations Unies, les peuples autochtones sont descendus par milliers dans les rues des villes et des villages du Canada. Le Comité central du Parti communiste du Canada exprime sa plus profonde solidarité avec le mouvement « Idle no more » qui a initié cette lutte historique contre le projet de loi C-45 et l'ensemble du programme raciste du gouvernement conservateur d’Harper.

Les actions de décembre, qui reflètent une forte augmentation des protestations chez les peuples autochtones, ont fait voler en éclat l’arrogant mensonge colonial prétendant que le Canada serait un pays d'égalité, d'équité et de justice sociale. Au Canada, aujourd'hui, les peuples autochtones souffrent de taux élevés de pauvreté, de chômage et d'incarcération, et une durée de vie nettement plus courte. À Attawapiskat et dans d'autres réserves, et même dans les centres urbains, beaucoup vivent dans des conditions de logement épouvantables. Plus de 100 communautés parmi les Premières Nations n'ont pas d'eau potable. Au Manitoba, plus de 2000 membres de la communauté de Lac St. Martin demeurent sans abri 18 mois après que leur réserve ait été délibérément inondée pour épargner Winnipeg et d'autres communautés des grandes inondations de 2011. Malgré des siècles de traités promettant un traitement équitable rompus, et des décennies de protestation et de rapports, cette situation ne s'est pas améliorée. Parmi les plus récents exemples se retrouve le projet de loi C-45 qui supprime la protection fédérale de l'environnement pour des milliers de lacs, de ruisseaux et de rivières qui sont cruciaux pour le bien-être des peuples autochtones dans toutes les régions du Canada, et le gouvernement conservateur bafoue les droits sur le territoire et sur l’eau des Premières Nations qui s'opposent à l'expansion des exportations de sables bitumineux.

Refusant d'accepter ces politiques génocidaires, quatre femmes autochtones de la Saskatchewan ont pris l'initiative l'automne dernier de lancer la campagne Idle No More, en utilisant les médias sociaux et des séminaires pour passer le mot. Leur courageux exemple a inspiré à un certain nombre de chefs de porter leur cause directement au premier ministre Stephen Harper, pour être empêchés finalement d'entrer dans le Parlement. Maintenant, ce mouvement a pris racine dans les communautés de toutes les régions du pays.

Le Parti communiste du Canada appelle les mouvements ouvrier et démocratiques à renforcer leur solidarité avec le mouvement Idle no more et la lutte générale pour les droits des peuples autochtones, y compris la grève de la faim de la chef Theresa Spence d'Attawapiskat et le jeûne entrepris par d'autres femmes.

Le manifeste de Idle No More place véritablement cette lutte dans le contexte de la question nationale au sein de l'État canadien. Comme cette déclaration le dit: «Les traités sont des accords de nation à nation entre le Canada et les Premières nations, qui sont des nations souveraines. Les traités sont des accords qui ne peuvent pas être modifiés ou brisés unilatéralement par une des deux nations qui s’y sont engagées. L'esprit et l'intention de ces traités étaient à l’effet que les peuples des Premières Nations accepteraient de partager la terre, mais conserveraient leurs droits inhérents aux terres et aux ressources. Au lieu de cela, les Premières nations ont connu une histoire de colonisation qui a donné lieu à des revendications territoriales laissées en suspens, au manque de ressources et à un financement inéquitable pour des services tels que l'éducation et le logement. Le Canada est devenu l'un des pays les plus riches au monde en exploitant la terre et ses ressources. Les entreprises canadiennes de l'exploitation minière, forestière, du pétrole et de la pêche sont les plus puissantes dans le monde en raison de la terre et des ressources. Certaines des communautés des Premières Nations parmi les plus pauvres (comme Attawapiskat) ont des mines ou d'autres développements sur leurs terres, mais n’obtiennent aucune part des bénéfices. L’exploitation des ressources a laissé de nombreuses terres et eaux empoisonnées - les animaux et les plantes meurent dans de nombreuses régions du Canada. Nous ne pouvons pas vivre sans la terre et l'eau Nous avons des lois plus anciennes que de ce gouvernement colonial sur la façon de vivre avec la terre. Actuellement, ce gouvernement essaie de faire passer plusieurs lois pour que les terres des réserves puissent également être achetées et vendues par les grandes entreprises pour tirer profit des ressources. Ils promettent de partager cette fois... Pourquoi ces promesses seraient-elles différentes des promesses passées? Nous nous retrouverons avec rien sinon l'eau, la terre et l'air empoisonné. C'est une tentative visant à retirer la souveraineté et le droit inhérent à la terre et aux ressources des peuples des Premières Nations. Nombreux sont les exemples d'autres pays en mouvement vers le développement durable, et nous devons exiger du développement durable aussi. Nous croyons en des communautés en bonne santé, justes, équitables et durables et nous avons une vision et un plan sur la façon de les construire. S'il vous plaît joignez-vous à nous pour créer cette vision. »

Ce manifeste profond confronte le programme destructeur des Conservateurs d’Harper, et présente une alternative qui place les intérêts du peuple et de l'environnement avant les profits des entreprises. Le Parti communiste du Canada se réjouit de ce manifeste pour l'avenir des peuples de ce pays. Nous nous engageons à renforcer et à trouver de nouvelles façons de construire l'alliance des mouvements ouvrier et démocratiques avec les peuples autochtones, dont l'objectif est d’obtenir une pleine justice et le respect des droits nationaux des peuples autochtones au Canada, et la création d'une société plus juste et sans racisme pour toutes et tous.