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mardi 31 janvier 2017

Pas une vie de plus perdue à cause de la violence suprémaciste blanche et impérialiste!

Comité exécutif central, YCL-LJC

C'est dans le deuil et avec un sentiment d’indignation que nous recevons les nouvelles du massacre qui a eu lieu dans une mosquée de la ville de Québec. Avec affection et avec rage, nous sommes solidaires avec les familles qui ont perdu leurs proches et avec à la communauté musulmane du Québec et du Canada, qui est la cible de cet attentat  terroriste.

Prenant naissance avec le colonialisme, le racisme a été depuis lors un outil de la classe dirigeante canadienne. La xénophobie n'est pas une nouveauté au Canada dont l’histoire est marqué tout au long par la lutte pour les droits des personnes immigrantes et contre les diverses formes de racisme. Cependant, il y a aujourd’hui une recrudescence des crimes de haine dont les meurtres de masse.

Cette montée du racisme et de la xénophobie est particulièrement visible avec la croissance des mouvements appelés «droite alternative» (alt-right) depuis l'élection de Donald Trump en tant que président des États-Unis. En Colombie-Britannique, le KKK a organisé et distribué des dépliants xénophobes aux familles blanches. À Richmond, des affiches ont été placardées un peu partout, affirmant que les communautés chinoises «nous envahissent». Des affiches de la « droite alternative» ont été distribuées à l'Université McMaster. À McGill, des dépliants contenant des images anti-communistes, anti-musulmanes et anti-homosexuelles, ainsi qu'un appel à «rendre le Canada grand à nouveau» (Make Canada great again) démontrent que la rhétorique raciste et d'extrême droite de Trumps a influencé les groupes réactionnaires sur les campus canadiens.

Aujourd'hui, l'islamophobie et la xénophobie sont des idéologies violentes qui sont promues par celles et ceux qui disposent du pouvoir économique et politique au Canada. Ces idées trouvent résonance dans les principaux partis capitalistes, comme en témoigne la campagne de Kellie Leitch pour la direction du Parti conservateur. La candidature de l'ex-star de télé-réalité et homme d'affaires, Kevin O'Leary, dans la course à la direction du Parti conservateur sera l’occasion encore plus, d’importantes batailles contre l’extrême droite au sein de la politique bourgeoise «dominante».

Au Québec, la lutte contre le projet islamophobe de la Charte des valeurs québécoise n'est pas encore terminée, même si le projet de loi est tombé de lui-même avec la défaite du gouvernement du PQ en 2014. La Coalition Avenir Québec et le Parti Québécois continuent à pousser pour ces politiques xénophobes. Sous le couvert de la défense de la laïcité, le gouvernement libéral québécois se prépare à adopter le projet de loi 62. Ce projet régressif n'est en fait qu'une version plus récente et plus douce de la Charte des valeurs. La loi 62 cible principalement les communautés musulmanes et le débat qui se trame autour de ce nouveau projet de loi confond encore immigration avec terrorisme et fondamentalisme religieux. Le Québec, tout comme que le reste du Canada, souffre de la présence grandissante des radio-poubelles qui souffle régulièrement la haine sur leurs ondes. Souvenons-nous de Jeff Fillion qui disait il n’y a pas si longtemps: «Ceux qui veulent nous éliminer, nous les occidentaux, c’est pas mal les musulmans», ou encore de Sylvain Bouchard de FM93 qui expliquait il y a quelques semaines que l'esclavage n'était pas du racisme.

Le Canada a des troupes militaires en Asie centrale et au Moyen-Orient depuis 2001. La dernière élection fédérale s'est concentrée sur le Niqab dans un débat public complètement raciste. Les médias de masse caricaturent constamment les pays majoritairement musulmans. Toute cette violence est liée.

Ce massacre est loin d'être un acte isolé de violence. L'islamophobie et la xénophobie ont été promues par les médias et les politiciens dans le contexte d’un projet d’expansion impérialiste dans les pays majoritairement musulmans. Cette dangereuse montée de la suprématie blanche se déroule à un moment où la grande majorité des gens sont confrontés à la pauvreté et l'insécurité économique, en pleine crise climatique. La suprématie blanche et la guerre sont les outils du système pour intensifier l'oppression afin d'approfondir l'exploitation des sols, de la classe ouvrière et des ressources du monde. L'islamophobie fait partie intégrante des crises sociales du capitalisme.


Pas d’expulsions, pas de mur, droit d’asile pour toutes et tous! 

Donald Trump et son nouveau gouvernement d'extrême-droite aux États-Unis ont à la fois profité de cette xénophobie et l'ont enhardie. Nous savons maintenant que le suspect dans les meurtres de Québec est un admirateur du président Trump, un opposant à l’immigration et un supporteur d’Israël. Il est très probable que ce massacre soit lié au récent décret du régime Trump qui interdit d'entrer aux États-Unis toutes personnes provenant de 7 pays à majorité musulmane.

Comme les politiciens bourgeois, les médias et même la droite essaient de prendre leurs distances des meurtres de masse racistes en Amérique du Nord, nous devons nous rappeler qu’ils sont à blâmer en grande partie. Nous devons faire ceci afin de lutter contre l'islamophobie et l’enrayer à la source.

Nous saluons et nous nous mobilisons pour les actions qui auront lieu partout au Canada pour condamner la violence. Il y a en ce moment un formidable élan de solidarité contre cette attaque raciste. Il y a beaucoup de rassemblements et manifestations organisées par la communauté musulmane et les organisations progressistes. Nous sommes aussi inspirés par les grands rassemblements qui ont lieu dans les aéroports aux États-Unis pour exiger le droit d'entrée pour les personnes ayant la nationalité de pays à majorité musulmane. Le racisme et le fascisme peuvent être vaincus. Nous pouvons faire peur à nouveau aux racistes, et les jeunes sont en lutte contre l'impérialisme dans le monde entier. Nous appelons le mouvement de la jeunesse, des étudiantes et des étudiants à prendre la rue en solidarité avec la communauté musulmane au Canada et aux États-Unis.

Des journées d'action «Contre la suprématie blanche et l'islamophobie» ont été appelées le samedi 4 février et le dimanche 5 février. La YCL-LJC soutient pleinement les revendications de ces actions, qui sont: 

(Notre traduction) 
1) Le gouvernement canadien doit faire une condamnation publique immédiate du décret du président Trump qui interdit aux détenteurs de visas de sept pays musulmans ainsi qu’à tous les réfugiés d'entrer aux États-Unis.

2) Le Canada doit ouvrir immédiatement la frontière Canada-États-Unis.

Cela inclut la révocation de l’accord sur les tiers pays sûr qui interdit  aux demandeurs d'asile d’entrer par les États-Unis pour demander l'asile au Canada. La liste de pays d’origine désigné comme sûr qui rend presque impossible aux citoyen-ne-s américains et aux citoyen-ne-s de quarante autres pays à demander l'asile au Canada doit être éliminée. 

3) Le Canada doit mettre fin à l’exclusion raciste, anti-réfugiés, anti-noir et islamophobe des personnes immigrantes et des réfugié-e-s à l’intérieur de cette frontière coloniale. 

Cela inclut de mettre fin au système de détention illimitée des personnes immigrantes. Le gouvernement fédéral doit créer un programme de régularisation afin que tous les résident-e-s sans papiers puissent vivre ici avec leurs familles plutôt que craindre la déportation. Le statut permanent et les permis de travail ouverts doivent être donnés aux travailleuses et aux travailleurs migrants au Canada. Nous voulons un droit d’asile réel, et non symbolique, qui garantit l'accès aux services et refusent la collaboration avec les agents frontaliers canadiens et américains.

4) Le Canada doit abroger toutes les lois fédérales qui s’attaquent aux musulman-e-s et aux réfugié-e-s noirs ou au teint foncé, y compris la loi de tolérance zéro pour les pratiques culturelles barbares ainsi que la législation anti-terroriste telle que les certificats de sécurité et la loi C51.

lundi 4 avril 2016

Invitation d'Échec à la Guerre : Conférence «La guerre en Syrie et en Irak, l’État islamique et le Canada»


Samedi, le 23 avril 2016, de 13 h à 17 h
À la Maison Bellarmin, 25 rue Jarry Ouest, Montréal (métro Jarry)

CONFÉRENCIÈRE et CONFÉRENCIERS INVITÉS :
Valérie Amiraux, Michael Hennessy Picard et Samir Saul
 
L’objectif de la conférence est d’offrir à ceux et celles que ces sujets préoccupent une occasion d’aller au-delà de la présentation simpliste de cette guerre et de l’État islamique (EI) par nos pouvoirs politiques et nos grands médias. Nous tenterons de cerner les nombreux enjeux régionaux et géostratégiques des guerres en Syrie et en Irak , de resituer l’émergence et la consolidation de l’EI et d’autres groupes djihadistes dans l’histoire récente de ces pays et du Moyen-Orient, d’identifier les bases de l’attraction que peut exercer leurs discours en Irak, en Syrie et ailleurs dans le monde, etc. Il y sera aussi question, évidemment, de la nouvelle position et de la participation canadienne à la guerre en Irak et en Syrie.

Grosso modo, la conférence se déroulera en quatre parties d’une heure chacune. Chaque partie comportera une présentation de 25 à 30 minutes et sera suivie d’une période de questions/discussion de 30 minutes.

1 => Guerres en Syrie et en Irak : enjeux, intérêts et forces en présence
        par Samir Saul, professeur agrégé d’histoire des relations internationales au Département d’histoire de l’Université de Montréal.
 
Portrait, à grands traits, des conflits pluriels qui traversent ces guerres, des diverses forces en présence – localement, régionalement et globalement – et de leurs intérêts spécifiques; enjeux régionaux et géostratégiques. Dans ce contexte, quels sont les objectifs du processus de négociation actuel parrainé par l’ONU et ses “chances” d’aboutir ?

2 => Guerres en Irak et en Syrie : émergence et consolidation de l’EI
        par Michael Hennessy Picard, chargé de cours et doctorant en droit à l’Université du Québec à Montréal.
 
Comment l’histoire récente, en Irak et en Syrie, permet-elle de comprendre l’émergence et la consolidation de groupes djihadistes et, en particulier, de l’État islamique ? Sur quelles bases le discours et l’action de l’EI arrivent-ils à susciter l’adhésion d’une partie de la population ?

3 => En Occident, au Canada et au Québec : “radicalisation” et lutte contre la “radicalisation”
        par Valérie Amiraux, professeure titulaire au Département de sociologie de l’Université de Montréal.
 
Compréhension des facteurs qui président au phénomène que les autorités désignent sous le terme de “radicalisation” et critique du discours officiel à ce sujet; impacts dans nos sociétés de la façon dont se mène la soi-disant guerre “contre le terrorisme” (en particulier : islamophobie et atteinte aux libertés civiles)

4 => Participation du Canada à la guerre en Irak et en Syrie
        par Raymond Legault du Collectif Échec à la guerre.
 
Comment comprendre les modifications de la participation du Canada à la guerre en Irak et en Syrie apportées par le nouveau gouvernement libéral ? À quel genre de redéfinition de la politique étrangère canadienne faut-il s’attendre après la fin des “années Harper” ? Les nouveaux défis qui nous attendent.

Nous espérons que cet événement suscitera votre intérêt,  qu’il contribuera à répondre à certains de vos questionnements et vous stimulera à poursuivre la lutte contre la guerre et le militarisme ici même !

jeudi 28 janvier 2016

Répondre aux attentats en intensifiant la guerre « contre le terrorisme »?

par Suzanne Loiselle et Raymond Legault[1]


Suite au terrible attentat à Ouagadougou, qui a fait 30 morts, les médias ont unanimement fait écho aux propos de Madame Camille Carrier, mère de l’une des six victimes québécoises. Elle décriait en ces termes la promesse électorale de Justin Trudeau (non encore appliquée) de mettre fin à la participation canadienne aux bombardements aériens coordonnés par les États-Unis en Irak et en Syrie : « Heille, il y a six Québécois de touchés. Pis de savoir qu’il ne participe pas aux combats (…) Il veut envoyer des couvertes… qu’il aille donc les abattre, ces gens-là ». Des éditorialistes et autres commentateurs politiques ont renchéri en qualifiant de faible, d’idéaliste ou de dépassée toute position autre que celle de faire la guerre à « cet ennemi [qui] veut tuer des Occidentaux. Même lorsque nous ne sommes que de dévoués travailleurs humanitaires venus pour aider à construire des écoles et des puits » (Antoine Robitaille, Le Devoir, 20 janvier 2016).

Si on peut facilement comprendre la douleur, la révolte et la colère d’une mère ayant perdu sa fille aussi tragiquement, on ne peut s’empêcher de voir dans ses paroles et dans leurs échos médiatiques un dangereux appel à une riposte de l’Occident qui ferait totalement fi de ses responsabilités et de celles de ses proches alliés au Moyen-Orient dans la genèse de ce type de terrorisme, et de l’échec lamentable de la soi-disant « guerre contre le terrorisme ».

Des victimes par dizaines, voire par centaines de milliers

« Heille », serait-on tenté de répondre, à côté des quelques milliers de victimes occidentales d’attentats djihadistes depuis 2001, pourquoi ne pas voir aussi les CENTAINES de milliers de victimes – très majoritairement civiles – engendrées par les guerres d’occupation qu’ont menées les États-Unis et leurs alliés en Irak et en Afghanistan, par la guerre civile et ses commanditaires extérieurs en Syrie, par les bombardements occidentaux en Libye? Pourquoi ne pas essayer de saisir le portrait global qui s’en dégage et d’en comprendre les sources?

La douleur extrême ressentie par Madame Carrier et les proches des victimes occidentales a été ressentie par un nombre bien plus grand de personnes sur d’autres continents. Mais elles sont demeurées anonymes et sans visages pour nous. Des proches d’enfants et d’enseignant.e.s bombardés dans leurs écoles… Des proches de malades et de personnel soignant bombardés dans leurs hôpitaux ou leurs cliniques… Des proches de familles bombardées lors de cérémonies ou de réceptions de mariage… Des proches de milliers de jeunes gens torturés… etc.

« Bavures » et « dommages collatéraux » sont les termes aseptisés dont on enrobe ces drames-là pour l’opinion occidentale, à la fois pour les déshumaniser et pour occulter leur illégalité au regard du droit international. Mais leur impact là-bas, est toujours le même : à chacun de ces drames, de nouveaux djihadistes sont recrutés, motivés par la douleur, la révolte, la colère et prêts à « aller abattre ces gens-là ». Et « ces gens-là » faut-il le rappeler, ce sont d’abord des Musulmans chiites – de loin les plus nombreuses victimes du djihadisme d’inspiration wahhabite – ensuite des membres des minorités religieuses (chrétiennes et autres) de ces pays ravagés par la guerre et, seulement en bout de ligne, des victimes occidentales.

Un fléau en grande partie créé et alimenté par l’Occident et ses alliés

La responsabilité des États-Unis et de leurs alliés occidentaux de l’OTAN ne se limite pas à celle, indirecte, de créer de nouveaux djihadistes par les innombrables drames humains qu’entraînent leurs guerres dans des pays lointains. Et ceux qui critiquent le caractère malhabile et creux des déclarations récentes du Premier ministre Trudeau concernant la guerre en Syrie et en Irak sont dans la position de ceux qui ne voient qu’un arbre qui leur cache la forêt. Car depuis des années, la phrase creuse et mensongère suprême est justement celle de la « guerre contre le terrorisme ».

Bien loin de mener une guerre conséquente contre le terrorisme djihadiste, de nombreuses enquêtes ont révélé que les États-Unis ont, secrètement et constamment, instrumentalisé ce terrorisme pour l’avancement de leurs intérêts stratégiques, souvent en le finançant, en l’armant et en l’entraînant ou en laissant leurs alliés moyen-orientaux le faire. Évidemment, cette instrumentalisation s’est régulièrement retournée contre eux, mais ils n’y ont pas renoncé pour autant lorsqu’ils passaient à de nouveaux « théâtres d’opération ».

On n’a qu’à penser d’abord à l’appui étasunien à Oussama Ben Laden et à ses moudjahidines dans leur guerre contre l’URSS et le régime communiste local en Afghanistan dans les années 1980. Plus récemment, en Libye, par leurs bombardements mais aussi par les tractations de leurs forces spéciales et de leurs services de renseignement, ils ont non seulement entraîné la chute du régime de Mouammar Gaddafi mais favorisé l’armement et la montée en force des djihadistes dans ce pays, maintenant devenu totalement chaotique. De même, dans la poursuite de leur objectif de renverser le régime de Bachar el-Assad en Syrie, les États-Unis ont favorisé le transfert d’armes et de combattants de la Libye vers la Syrie et laissé leurs très proches alliés – en particulier l’Arabie saoudite et le Qatar – financer l’État islamique (EI), Jabhat al-Nusra et d’autres groupes djihadistes ou, dans le cas de la Turquie, laisser passer librement leurs combattants à travers leurs frontières ou même acheter et revendre le pétrole produit par l’EI. De façon plus générale, les États-Unis ont aussi maintenu une très étroite alliance stratégique avec l’Arabie saoudite, alors que ce pays dépense des milliards de dollars chaque année pour disséminer partout dans le monde le wahhâbisme, ce courant particulièrement rétrograde et sectaire de l’Islam sunnite dont se revendiquent les groupes djihadistes. Avec le résultat, comme l’écrit le journaliste britannique Patrick Cockburn dans son livre « The Rise of Islamic State », que l’on se retrouve maintenant face à « un mouvement cent fois plus gros et bien mieux organisé qu’Al-Qaïda d’Oussama Ben Laden » (notre traduction).

Quoi faire ?

La seule véritable façon d’en finir avec les attentats dont sont victimes les Occidentaux dans leurs pays ou à l’étranger est d’abord et avant tout de mettre un terme aux politiques hégémoniques et guerrières de l’Occident qui sont menées sous le couvert fallacieux de la « guerre contre le terrorisme ». Dans le cas du Canada, il faudrait non seulement retirer les CF-18, mais aussi les forces spéciales canadiennes, et cesser toute participation à la guerre en Irak et en Syrie. Il faudrait également rompre nos contrats militaires avec l’Arabie saoudite et dénoncer le rôle particulièrement pernicieux que joue ce pays dans le monde et la protection que lui accordent les États-Unis. Voilà tout un programme à réaliser ! D’autant plus qu’en matière d’affaires étrangères et de guerre, probablement plus que dans tout autre domaine, c’est le 1 %, les puissants, qui déterminent les politiques et les 99 % de la population qui en gobent la propagande, en paient les coûts et en subissent les conséquences.
   

[1] Les auteurs sont des porte-paroles du Collectif Échec à la guerre, mais ils s’expriment ici à titre personnel.

lundi 7 décembre 2015

Conférence «War is not the answer – La guerre n'est pas la bonne réponse»

Le groupe Action citoyenne de Montréal (Citizens in Action) présente une conférence de Pierre Jasmin, vice-président des Artistes pour la paix, intitulée "War is not the answer – La guerre n'est pas la bonne réponse". Cette conférence sera prononcée en anglais et suivie d'une période de discussion :
 
Mardi le 8 décembre 2015, à 19 h
À l’École des affaires publiques et communautaires
de
l’Université Concordia
2149 rue Mackay  (entre Sherbrooke & De Maisonneuve)
métro Guy-Concordia
 
 
Pierre Jasmin est un pianiste accompli, qui a joué, avec succès, dans les grandes capitales du monde. Il est un ardent promoteur des résolutions pacifiques aux conflits dans la tradition gandhienne. Il est également un membre des exécutifs du Réseau canadien pour l'abolition des armes nucléaires et de Pugwash Canada. Il a écrit des centaines d'articles sur la question des résolutions pacifiques, qui peuvent être trouvés sur: http://artistespourlapaix.org/ Le professeur honoraire de l’UQAM prendra la parole sur la façon de vaincre ISIS sans recours à des bombes et des frappes  aériennes qui détruisent les maisons des civils et provoquent la mort de milliers d'innocents, ce qui entraîne à son tour le recrutement de plus de djihadistes et le cycle infernal de la vengeance. Venez en grand nombre pour écouter un point de vue progressiste et amenez vos amis/es.


vendredi 4 décembre 2015

Ne nous laissons pas enrôler dans leur sale logique de guerre !

Tract du Parti communiste de France section Paris 15 diffusé le 24 novembre 2015

Les horribles attentats du 13 novembre ont suscité une immense émotion collective et un élan de fraternité dans le pays. Le pouvoir en France s’empresse de les récupérer pour tenter de justifier sa politique guerrière, répressive et antisociale. Les grandes puissances de l’UE, les Etats-Unis, Israël félicitent Hollande et Valls. La quasi-totalité des dirigeants politiques français se rallient à cette nouvelle « union sacrée ». Ils viennent d’approuver notamment l’établissement et la prolongation de l’ « état d’urgence ». Avec quelques voix, notamment syndicalistes, nous nous élevons devant cette politique dangereuse et nous appelons les travailleurs et la population à ne pas se laisser embrigader aux dépens de leurs propres intérêts. 

Les violences aveugles et les provocations des terroristes nous révulsent. Autant que tout le monde, nous voulons que les auteurs de ces crimes – s’il y a des survivants – et leurs commanditaires soient arrêtés et jugés. Les moyens sécuritaires considérables dont dispose l’Etat (sans « état d’urgence ») doivent être dirigés vers cet objectif.

Mais, le terrorisme et la guerre impérialiste sont les deux faces de la même pièce. Certaines réalités sont indiscutables. C’est la politique des Etats-Unis, suivie par la France, qui a dévasté et démantelé l’Irak, la Libye, la Syrie, sans parler de l’Afghanistan et de plusieurs pays l’Afrique. Elle a fait le lit des groupes et armées terroristes. Ce sont les alliés, les si « bons amis » de la France (du PSG!) – Arabie Saoudite et Qatar, l’allié dans l’OTAN – la Turquie – qui ont financé et armé Daesh. Les puissances impérialistes ont cherché à créer le chaos dans cette région sensible et pétrolifère. En 15 ans, elles y sont parvenues, causant des centaines de milliers de morts, une désolation et un exode sans précédent.

Prétendre combattre le terrorisme en continuant cette politique, en ajoutant des bombes est inacceptable ! Valls se dresse aujourd’hui au garde-à-vous parce qu’il a fait larguer quelques bombes sur des bases de Daesh. Mais, malgré les proclamations suivant les attentats de « Charly », Etats-Unis et France se sont bien gardées de bombarder les forces de Daesh devant Palmyre pour « ne pas aider Assad ». Quelle hypocrisie ! Quel cynisme !

En 2004, 192 Espagnols succombaient aux attentats terroristes dans les trains à Madrid. Les mêmes, USA et UE, promettaient alors qu’ils allaient en finir avec Al Qaïda. Maintenant, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, félicite Al Nosra, la branche syrienne d’Al Qaïda, pour son « bon boulot sur le terrain » !

Al Qaïda, Daesh, quoi d’autre demain ? Aujourd’hui, les puissances impérialistes occidentales sont peut-être prêtes à laisser tomber Daesh de peur que la puissance russe leur dame le pion. Mais cela n’apportera aucune solution à l’escalade recherchée de la terreur et de la guerre. Cynisme intégral !

Après les attentats de Paris, nous appelons à une rupture totale de la France avec cette politique de guerre impérialiste. Nous appelons à rompre le soutien politique et les livraisons d’armes aux relais du terrorisme que sont l’Arabie Saoudite et le Qatar, à s’attaquer aux sources de financement de Daesh, à revoir les relations avec le pouvoir turc. 

Hollande et Valls, après Sarkozy et Fillon nous expliquent qu’il n’y a pas d’argent pour la santé ou l’éducation. Mais ils trouvent des milliards d’euros pour de nouvelles dépenses militaires. Stop ! Arrêtons de payer pour les marchands de canons ! Les avions Rafale et les bateaux Mistral livrés à l’Egypte sont financés en fin de compte par le contribuable français. En échange des livraisons de Rafales au Qatar, Hollande donne un terminal aéroportuaire à Qatar Airways à Nice (contre Air France !). Assez : plus un sou pour la guerre impérialiste !

Les puissances impérialistes se disputent âprement les richesses. La destruction de la Libye a permis aux groupes pétroliers de s’emparer à vil prix des ressources du pays. Mais les guerres impérialistes actuelles, notamment au Moyen-Orient, ont aussi pour but de contribuer à créer un climat de peur, d’intimider et de diviser les travailleurs dans chaque pays.

Hollande et Valls sautent sur l’occasion des attentats pour surenchérir avec la droite dans le discours sécuritaire tout en faisant le jeu du FN. Pour de minables intérêts électoralistes à court terme mais pas seulement !

Fermer les frontières ? Hollande alimente délibérément le fantasme de l’ennemi de l’extérieur, du « danger des migrants ». C’est indigne ! Les réfugiés fuient les mêmes attentats – quotidiens chez eux – que ceux du 13 novembre. Ils fuient le terrorisme et la guerre ne demandent qu’à pouvoir retourner dans leur pays! Horriblement cynique encore: Les puissances européennes se disputent les plus formés des réfugiés comme main d’œuvre à bon marché !

Déchoir certains de leur nationalité française ? Comme si la France ne pouvait pas enfanter aussi des criminels et des monstres ? Hollande distille la méfiance vis-à-vis de telle ou telle composante de la population.

Plus que jamais, communistes, nous refusons que les travailleurs et habitants de France soient ramenés à une « identité » ethnique, religieuse ou « sociétale » et opposés les uns aux autres en ce nom et en dévoyant le concept de « laïcité ». Le crime, la mort, la guerre et le terrorisme ne font pas de différences !

Communistes, nous refusons que les uns et les autres, nos collègues ou nos voisins, soient amenés à se prononcer suivant telle ou telle « identité » présumée. Nous sommes d’abord tous des travailleurs, des retraités, des jeunes, des habitants, des locataires, des parents d’élèves, unis par nos intérêts communs, en tant que tels. Ces intérêts sont des intérêts de classe, ceux du monde du travail qui constitue l’immense majorité du pays. C’est leur défense qui a construit et construit la cohésion nationale.

Ce n’est pas un hasard si le pouvoir et l’ensemble des grands partis politiques utilisent les attentats pour tenter de museler le mouvement social, la lutte des classes. La prétendue riposte au terrorisme fait diversion et tente d’étouffer les mouvements sociaux sous une chape de peur et de fausse unité. Les attentats servent aussi de prétexte à la banalisation d’un appareil répressif, prêt à être dirigé contre les luttes populaires de France.

Nous affirmons notre rejet total de l’établissement de l’« état d’urgence et de sa prolongation votée par la quasi-totalité des députés et sénateurs. Il ne sert à rien contre les terroristes. Il ne fait que renforcer le climat de peur et l’arsenal répressif attentatoire aux libertés démocratiques.

Ces dernières semaines ont vu l’émergence de luttes sociales importantes, dans de nombreuses entreprises. Malgré le dévouement héroïque des personnels hospitaliers après les attentats, la direction de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris continue de vouloir supprimer leurs jours de repos pour faire le lit du privé. Les mesures antisociales, autoritaires, du gouvernement s’aggravent. La colère de salariés d’Air France devant le chantage exercé contre leur emploi, leur vie de famille, est criminalisée par Valls.

Tout est lié. Communistes, dans cette situation, nous réaffirmons donc plus que jamais :
  • Le refus conjoint du terrorisme et de la guerre impérialiste, des politiques qui les entretiennent
  • L’exigence immédiate de la fin des livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite et au Qatar
  • La nécessité de la sortie de la France de l’OTAN et de la rupture avec la politique extérieure commune de l’Union européenne
  • Le retour en France de tous les soldats français déployés à l’extérieur
  • Le rejet, plus que jamais, des tentatives de divisions « identitaires », la solidarité de classes entre les travailleurs
  • Notre priorité au relais et à l’animation des luttes sociales en France
  • Notre volonté de défendre la paix, les droits sociaux et démocratiques.
NI TERORISME, NI GUERRE IMPERIALISTE : UNE FRANCE DE PAIX ET DE JUSTICE SOCIALE !

jeudi 3 décembre 2015

Attentats de Paris : la sempiternelle logique de guerre

Ce texte a été produit par le Collectif Échec à la guerre et co-signé par 65 personnes.

Revendiqués par l’organisation dite État islamique (EI), des attentats horribles ont foudroyé Paris, vendredi le 13 novembre, faisant 130 morts et 367 blessés. Des milliers de parents et de proches ont été touchés en plein cœur. Une onde de choc a secoué et secoue encore Paris et toute la France. Un sentiment de révulsion et de solidarité s’est manifesté plus largement en Occident et ailleurs dans le monde.

Court-circuitant toute réflexion sérieuse sur des événements aussi violents et dramatiques, de nombreux dirigeants politiques – notamment en France, aux États-Unis et ici même au Québec – ont immédiatement appelé à une riposte de « l’humanité » et de la « civilisation » contre la « barbarie », bref à enfoncer nos sociétés encore plus profondément dans la logique de la guerre. Nous sommes convaincus du non-sens d’un tel discours et particulièrement inquiets de ses conséquences.

Un concept d’humanité limité à l’Occident

Quand des attentats terribles ont lieu en sol occidental, à New York en 2001 ou à Paris en 2015, les mots « attaque contre toute l’humanité » surgissent. Mais ils ne sont pas prononcés pour le million de victimes des sanctions internationales contre l’Irak entre 1990 et 2003, ni pour les centaines de milliers de victimes de la guerre illégale des États-Unis par la suite. On ne les entend pas non plus quand Israël, à l’été 2014 à Gaza, prend délibérément pour cible des civils, du personnel médical et des ambulances et détruit des quartiers entiers. Pendant des années, ces mots ne sont pas prononcés quand l’EI et al Qaïda assassinent des milliers et des milliers de civils dans les marchés publics et les mosquées shiites d’Irak. Ni même, tout récemment, lors des attentats à Ankara et Beyrouth, et ceux au Nigéria et en Somalie…

Nos valeurs et nos libertés leur répugnent ?

Allant dans le même sens que le président Obama, le premier ministre du Québec a déclaré « Nous n’accepterons jamais que des barbares s’attaquent lâchement à nos valeurs de justice, d’égalité, de fraternité, de tolérance et d’inclusion ».

Sans que cela ne justifie leur geste en quoi que ce soit, ce qui révulse plus vraisemblablement les auteurs d’attentats (et probablement une large partie des opinions publiques dans le monde musulman) ce ne sont pas les valeurs et les libertés dont nous jouissons dans nos sociétés mais bien les ravages que nos pays ont fait et continuent de faire dans plusieurs sociétés musulmanes : l’appui à Israël dans la dépossession violente du peuple palestinien depuis des décennies, l’appui à de nombreux régimes dictatoriaux, les guerres qui ont semé la mort, la destruction et le chaos en Irak, en Afghanistan et en Libye, etc. Au regard de tout cela, l’hypocrisie des dirigeants qui invoquent des valeurs « universelles » saute aux yeux, quand des milliers de morts civiles ailleurs dans le monde ne semblent pas faire le poids d’une seule en Occident.

C’est notamment sur un tel constat que les recruteurs de djihadistes ont beau jeu d’enrégimenter et de manipuler bon nombre de jeunes.

La logique guerrière et sécuritaire s’amplifie en France

Le président Hollande déclare à répétition que « la France est en guerre ». Sur le fond, il n’y a rien de vraiment nouveau en cela, puisque la France a continuellement été en guerre – avec ou sans mandat de l’ONU – depuis 2001 : en Afghanistan, en Libye, au Mali, en Centrafrique, en Irak et en Syrie.

Ce qu’il y a de nouveau, c’est le ressac terrible qui vient de frapper le pays et l’accélération de la dérive guerrière et sécuritaire qui en découle, alors que la mise en application de plusieurs mesures réclamées depuis longtemps par la droite, la suspension prolongée des libertés civiles et une posture ouvertement belliciste valent maintenant au président un large appui auquel il n’avait pas eu droit auparavant.

Le monde démocratique est en guerre ?

Ce sont plutôt les États-Unis et, dans leur sillage, les pays membres de l’OTAN, qui sont de plus en plus engagés dans une spirale de guerres. Cette politique n’a pas commencé en 2001, avec la soi-disant guerre contre le terrorisme, mais dès la fin de la Guerre froide, avec la guerre du Golfe de 1991, alors que George Bush père proclamait l’avènement d’un Nouvel ordre mondial (comprendre par là unipolaire, réglé par la seule puissance étasunienne). Quelques années plus tard, les néoconservateurs du Project for the New American Century, pour qui le leadership étasunien est fondamentalement bon et nécessaire pour le monde, insistaient sur le maintien de la suprématie militaire étasunienne comme clé pour l’avènement de ce nouveau siècle étasunien. Sur le fond, cette politique étrangère de suprématie étasunienne par la force a été poursuivie par le président Obama, qui en a développé un tout nouveau pan : la guerre des drones.

Dans un tel contexte, nous avons assisté, au cours des 25 dernières années, à l’effritement de l’ordre international mis en place au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, un effritement marqué par le non-respect de la Charte des Nations Unies, le dénigrement des instances internationales.  En témoignent, notamment, l’invasion illégale de l’Irak en 2003, l’opération Enduring Freedom, strictement sous commandement étasunien en Afghanistan, le détournement de la résolution 1973 du Conseil de sécurité en carte blanche pour le renversement du régime Gaddafi, etc.

La coalition dirigée par les États-Unis qui bombarde en Irak et en Syrie pour « contenir et éradiquer l’EI » est toute aussi illégale au regard du droit international. La Charte des Nations-Unies stipule en effet que le Conseil de sécurité doit être saisi de toute « menace à la paix et à la sécurité internationale » et que c’est à cette instance qu’il revient de prendre les mesures appropriées. Le fait que l’Irak ait appelé à l’aide ne fournit aucune justification à ce qu’un groupe de pays se lance en guerre dans la région, en profitant même pour bombarder un autre pays, la Syrie. La participation de la Russie à la guerre en Syrie, à l’invitation du régime el-Assad, est toute aussi problématique au regard du droit international et l’impact de ses bombardements est tout aussi dévastateur.

Une situation extrêmement dangereuse

L’accentuation de cette spirale guerrière, qui semble être recherchée par certains pouvoirs politiques occidentaux, est une voie totalement contre-productive et très dangereuse.

Le bilan des 14 dernières années de la soi-disant guerre contre le terrorisme est catastrophique. En plus de mettre à feu et à sang des pays entiers et de créer des millions de réfugié.e.s ou de déplacé.e.s internes, elle a entraîné l’éclosion de dizaines de nouvelles milices djihadistes, dont l’EI, souvent armées et financées par des intérêts proches des États-Unis et de leurs alliés au Moyen-Orient.

La guerre qui fait rage en Syrie est également le théâtre de tous les antagonismes entre puissances régionales rivales (Israël, Iran, Arabie saoudite, Turquie) et entre les Kurdes et la Turquie. Plus inquiétant encore, elle met pour la première fois en présence, directement sur le terrain, les États-Unis et la Russie, les deux plus grandes puissances militaires et nucléaires, dont les projets pour l’avenir de la Syrie sont en opposition et dont le monde ne peut pas se permettre qu’elles entrent ouvertement en guerre l’une contre l’autre!

La seule issue possible consiste dans la désescalade graduelle du conflit en respectant la souveraineté du pays et le droit international et dans le rétablissement d’un cadre multilatéral légitime, reflétant le contexte multipolaire du monde actuel. Les pays occidentaux doivent rejeter le projet étasunien d’hégémonie mondiale et le monde entier doit renoncer à la guerre. Même si la proposition peut sembler irréaliste, l’humanité a, là-dessus, une obligation de résultats aussi urgente et incontournable que pour les changements climatiques. Dans les deux cas, des intérêts énormes s’y opposent. Mais alors que dans le premier cas l’urgence d’agir est déjà bien comprise, dans le second elle l’est très peu, spécialement en Occident, fauteur de guerres et principal trafiquant d’armes dans le monde.

Décrochons des énergies fossiles ET décrochons de la guerre. C’est une question de survie!

lundi 16 novembre 2015

Un monde immonde engendre des actes immondes : Ne pas renoncer à penser face à l’horreur

A l’heure où nous écrivons le bilan des tueries parisiennes est de 128 morts et de 300 blessés. L’horreur de cette violence injustifiable est absolue. La condamnation doit l’être tout autant, sans aucune restriction et/ou nuance. Les acteurs et/ou commanditaires de ces meurtres aveugles ne peuvent invoquer aucune raison légitime pour justifier ces actes immondes. La tragédie que nous vivons débouchera sur une prise de conscience collective des dangers qui nous menacent ou au contraire sur un processus de reproduction dramatique, en fonction de notre capacité collective à tirer les leçons de la situation qui engendre un tel résultat. L’émotion est légitime et nécessaire mais ne peut pas être la seule réponse. La réponse uniquement sécuritaire est également impuissante. C’est justement dans ces moments marqués par l’émotion collective que nous ne devons pas renoncer à la compréhension, à la recherche des causes et à la lucidité face aux instrumentalisations de l’horreur.



Les postures face à notre tragédie

En quelques heures toute la panoplie des postures possibles face à la tragédie s’est exprimée. Il n’est pas inutile de s’arrêter sur chacune d’entre elles. La première se contente de dénoncer Daesh et à exiger cette dénonciation de manière pressante de nos concitoyens musulmans réels ou supposés. Le projet politique de Daesh et les actes qui en découlent ont déjà été dénoncés par la très grande partie des habitants de notre pays, populations issues de l’immigration incluses.

Il faut vraiment être coupés de nos concitoyens musulmans réels ou supposés pour en douter. Ces concitoyens français ou étrangers vivant en France sont les premiers à souffrir de cette instrumentalisation de leur foi à des fins politiques, réactionnaires et meurtrières. « Qu’est-ce qu’on va encore prendre » est la réaction la plus fréquente qui suit l’émotion face à ces meurtres, conscients qu’ils sont des instrumentalisations de l’émotion à des fins islamophobes qui ne manquerons pas. Il ne s’agit pas d’une paranoïa mais de l’expérience tirée du passé et en particulier des attentats du début de l’année. Dans ce contexte les injonctions à la dénonciation sont ressenties comme une suspicion de complicité ou d’approbation. Une nouvelle fois ce qui est ressenti c’est une accusation d’illégitimité de présence chez soi. Voici ce qu’en disait Rokhaya Diallo dans une émission radio à la suite des attentats de janvier :

« Quand j’entends dire que l’on somme les musulmans de se désolidariser d’un acte qui n’a rien d’humain, oui, effectivement, je me sens visée. J’ai le sentiment que toute ma famille et tous mes amis musulmans sont mis sur le banc des accusés. Est-ce que vous osez me dire, ici, que je suis solidaire ? Vous avez vraiment besoin que je verbalise ? Donc, moi, je suis la seule autour de la table à devoir dire que je n’ai rien à voir avec ça (1). »

La seconde posture est l’essentialisme et le culturalisme. Les actes barbares que nous vivons auraient une explication simple : ils sont en germe dans la religion musulmane elle-même qui à la différence des autres, porterait une violence congénitale, une barbarie consubstantielle et une irrationalité dans son essence. Cette religion à la différence des autres religions monothéiste serait allergique à la raison et inapte à la vie dans une société démocratique. De cette représentation de la religion découle la représentation de ses adeptes. Les musulmans seraient, contrairement aux autres croyants, une entité homogène partageant tous le même rapport au monde, à la société et aux autres. Une telle posture conduit inévitablement à l’idée d’une éradication, l’islam apparaissant comme incompatible avec la république, la laïcité, le droit des femmes, etc. Résultat de plusieurs décennies de diffusion politique et médiatique de la théorie du « choc des civilisations », cette posture s’exprime dans des formes plus ou moins nuancées mais est malheureusement bien ancrée dans notre société (2).

La troisième posture est celle de la relativisation de la gravité des tueries. Celles-ci ne seraient que le résultat d’une folie individuelle contre laquelle on ne pourrait rien si ce n’est de repérer le plus tôt possible les signes annonciateurs dans les comportements individuels. Nous ne serions qu’en présence d’accidents dans les trajectoires individuelles sans aucune base sociale, matérielle, politique. Une telle posture de "psychologisation" occulte que les individus ne vivent pas hors-sol et que leur mal-être prend telle ou telle forme en rencontrant un contexte social précis. C’est à ce niveau que se rencontre l’individu et sa société, la trajectoire individuelle et son contexte social, la fragilisation et les offres sociales et politiques qui la captent pour l’orienter. Il est évident que les candidats « djihadistes » sont issus de trajectoires fragilisées mais cela ne suffit pas à expliquer le basculement vers cette forme précise qu’est la violence nihiliste (3).

La quatrième posture s’exprime sous la forme de la théorie du complot. Les tueries seraient le fait d’un vaste complot ayant des objectifs précis : complot juif mondial, "illuminati", actes des services secrets, etc. Elle conduit à un aveuglement face au réel et à l’abandon de l’effort de compréhension du monde et des drames qui le secouent. Elle suscite une dépolitisation se masquant derrière une apparente sur-politisation : dépolitisation car il serait vain de rechercher dans l’économique, le social, le politique, etc., les causes de ce que nous vivons et sur-politisation car tout serait issu d’une cause politique occulte portée par un petit groupe secret. Elle est entretenue par la négation dominante de la conflictualité sociale, des oppositions d’intérêts et des stratégies des classes dominantes pour orienter l’opinion dans le sens de ses intérêts matériels. A ce niveau l’accusation de « confusionnisme » de toute dénonciation des stratégies des classes dominantes conduit consciemment ou non à entretenir la théorie du complot. Certains « anti-confusionnistes » de bonne foi ou non entretiennent en effet boomerang le « complotisme ». Ce faisant, certains « anti-confusionnistes » entretiennent la confusion (4).

La cinquième posture est l’explication en terme du « virus externe ». Notre société serait victime d’une contamination venant uniquement de l’extérieur contre laquelle il faudrait désormais se prémunir. Elle débouche sur une logique de guerre à l’externe et sur une logique sécuritaire à l’interne. Elle est créatrice d’une spirale où la peur et le discours sur la menace externe suscite une demande d’interventions militaires à l’extérieur et de limitation des libertés à l’interne. Susciter une demande pour ensuite y répondre est un mécanisme classique des périodes historiques réactionnaires. L’absence de mouvement anti-guerre dans notre société est le signe que cette posture est largement répandue. Or comme la précédente, elle conduit d’une part à l’abandon de la recherche des causes et d’autre part au sentiment d’impuissance (5).

Il reste la posture matérialiste ne renonçant pas à comprendre le monde et encore plus quand il prend des orientations régressives et meurtrières. Minoritaire dans le contexte actuel, cette posture est pourtant la seule susceptible d’une reprise de l’initiative progressiste. Elle suppose de recontextualiser les événements (et encore plus lorsqu’ils prennent des formes dramatiques) dans les enjeux économiques, politiques et sociaux. Elle nécessite la prise en compte des intérêts matériels qui s’affrontent pour orienter notre demande et qui produisent des conséquences précises. Elle inscrit les comportements individuels comme étant des résultats sociaux et non des essences en action. Elle prend l’histoire longue et immédiate comme un des facteurs du présent. Elle peut certes se tromper en occultant par méconnaissance une causalité ou en la sous-estimant, mais elle est la seule à permettre une réelle action sur ce monde.

Dans un monde marqué par la violence croissante sous toutes ses formes, le renoncement à la pensée nous condamne pour le mieux à une posture de l’impuissance et pour le pire à la recherche de boucs-émissaires à sacrifier sur l’autel d’une réassurance aléatoire.

Une offre de « djihadisme » qui rencontre une demande


Il existe une offre de « djihadisme » à l’échelle mondiale et nationale. Elle n’est ni nouvelle, ni inexplicable. Elle a ses espaces de théorisations et ses Etats financeurs. L’Arabie Saoudite et le Qatar entre autres, pourtant alliés des Etats-Unis et de la France, en sont les principaux (6).

Ces pétromonarchies appuient et financent depuis de nombreuses années des déstabilisations régionales dont elles ont besoin pour maintenir et/ou conquérir leur mainmise sur les richesses du sol et du sous-sol du Moyen-Orient. Cette base matérielle est complétée par un besoin idéologique. Elles ont besoin de diffuser une certaine vision de l’Islam pour éviter l’émergence et le développement d’autres visions de l’Islam progressistes et/ou révolutionnaire qui menaceraient l’hégémonie idéologique qu’elles veulent conquérir. Plus largement les pétromonarchies sont menacées par toutes les théorisations politiques qui remettent en cause leur rapport aux grandes puissances qui dominent notre planète : nationalisme, anti-impérialisme, progressisme dans ses différentes variantes, communisme, théologie de la libération, etc.

C’est à ce double niveaux matériel et idéologique que s’opère la jonction avec la « réal-politique » des puissances impérialistes. Elles aussi ont un intérêt matériel à la déstabilisation de régions entières pour s’accaparer les richesses du sol et du sous-sol, pour justifier de nouvelles guerres coloniales en Afrique et au Moyen-Orient, pour supplanter leurs concurrents, pour contrôler les espaces géostratégiques et pour balkaniser des Etats afin de mieux les maîtriser. Elles aussi ont un besoin idéologique de masquer les causes réelles du chaos du monde c’est-à-dire la mondialisation ultralibérale actuelle. Il n’y a aucune amitié particulière entre les classes dominantes occidentales et les pétromonarchies et/ou les « djihadistes », mais une convergence relative d’intérêts matériels et idéologiques. Comme le soulignait De Gaulle pour décrire la réal-politique : « Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ». C’est cette réal-politique qui a conduit dans le passé à présenter les « djihadistes » en Afghanistan comme des combattants de la liberté et qui conduit un Fabius à dire aujourd’hui : « El Nosra fait du bon boulot ».

Mais se limiter à l’offre ne permet pas de comprendre l’efficacité actuelle du phénomène. Encore faut-il expliquer le fait que cette offre rencontre une « demande ». Nous disions plus haut que cette offre n’est pas nouvelle. Nous l’avons-nous même rencontrée dans les quartiers populaires, il y a plus de trois décennies. Simplement à l’époque, elle ne rencontrait aucune « demande ». Nous pensions à vivre, à nous amuser, à militer et à aimer et regardions ces prédicateurs comme des allumés. C’est la raison pour laquelle il faut se pencher sur les processus d’émergence et de développement de cette demande « made in France ». A ce niveau force est de faire le lien avec les processus de paupérisation et de précarisation massive qui touchent les classes populaires. L’existence avérée de candidats « djihadistes » non issus de familles musulmanes souligne que c’est bien l’ensemble des classes populaires qui sont concernés par ces processus conduisant les plus fragilisés de leurs membres à sombrer dans des comportements nihilistes. Force également est de faire le lien avec les discriminations racistes systémiques et institutionnelle qui abîment des vies pour nos concitoyens noirs, arabes et musulmans. Force enfin est de prendre en compte dans l’analyse les effets des discours et pratiques islamophobes qui se sont répandus dans la société française et qu’il de bon ton de relativiser, d’euphémiser, voir de nier. Ce sont l’ensemble de ces processus qui conduisent à l’émergence du nihilisme contemporain.

Enfin la vision méprisante des habitants des quartiers populaires comme « sous-prolétariat » incapable de penser politiquement conduit à sous-estimer le besoin du politique dans les classes populaires en général et dans leurs composantes issues de l’immigration post-coloniale en particulier. Ces citoyennes et citoyens observent le monde et tentent de le comprendre avec les grilles disponibles dans une séquence historique donnée. Ils et Elles ne peuvent que constater que des guerres se multiplient et que l’on trouve des financements pour le faire alors qu’on leur serine que les caisses sont vides. Elles et ils ne peuvent qu’interroger la soi-disant nécessité urgente d’intervenir en Irak, en Afghanistan, en Syrie, en Lybie, en Côte d’Ivoire, au Mali, etc. et à l’inverse la soi-disant nécessité urgente à soutenir l’Etat d’Israël en dépit de ses manquements à toutes les résolutions des Nations-Unies. Tous ces facteurs conduisent pour la majorité à une révolte qui cherche un canal d’expression et pour une extrême minorité à l’orientation nihiliste.

A ne pas vouloir comprendre qu’un monde immonde conduit à des actes immondes, on constitue le terreau de la rencontre entre l’offre et la demande de nihilisme.

Notes :
1) http://www.atlasinfo.fr/Charlie-Heb...
2) Voir sur ce sujet : Jocelyne Cesari, l’Islam à l’épreuve de l’Occident, La Découverte, Paris, 2004.
3) Sur la rencontre entre le contexte social et effets fragilisant sur les trajectoires individuelles voir Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Le Seuil, 1952.
4) Luc Boltanski, Enigmes et complots. Une enquête à propos d’enquêtes, Gallimard, Paris, 2012.
5) Voir notre article avec Yvon Fotia « Discrimination systémique » , Dictionnaire des dominations de sexe, de race, de classe, Syllepse, Paris, 2012.
6) David Benichou, Farhad Khosrokhavar, Philippe Migaux, Le jihadisme, comprendre pour mieux combattre, Plon, Paris, 2015. Et Richard Labévière, Les dollars de la terreur, Les Etats-Unis et l’islamisme, Grasset, Paris, 1999.

Source : www.investigaction.net

dimanche 15 novembre 2015

Coeur Chaud et Tête froide, dans la dignité et contre toutes les formes de violences


Déclaration du Mouvement des jeunes communistes de France à propos des attentats du 13 novembre


La violence de ce monde s'est concentrée hier soir au cœur de Paris et en Île de France. Le sentiment d'effroi et de tristesse s'empare de nous. La terrasse d'un bar, les abords d'un stade ou une salle de concert ne sont pas des lieux pour se faire ôter la vie et la jeunesse supposée de nombreuses victimes rajoute à la tristesse.

Ces attaques à l'arme lourde sont d'une violence extrême et jaillissent dans un climat de guerre dans le monde, de haine et de divisions. Comment ne pas penser à Beyrouth ou Suruç où des attentats d'une gravité extrême ont également eu lieu dernièrement.

L'exigence de rassemblement, de paix et de lutte contre toutes les formes d'impérialisme et de violences qui en découlent est plus que jamais nécessaire.

Le temps est au deuil et à la solidarité aux proches des victimes. L'enquête doit suivre son cours et des réponses en ressortiront.

L'Etat d'urgence décrété, renforcé par l'empressement médiatique et les propos de certains responsables politiques, ne doit pas dicter la réponse politique à ces attentats, notamment sur de possibles dérives sécuritaires et liberticides.

C'est le cœur chaud et la tête froide que nous serons à la hauteur de la difficulté et vigilants au sujet des interprétations.

Paris-Beyrouth : la compassion à géométrie variable

24 heures avant Paris, l’Etat islamique autoproclamé frappait Beyrouth, sans susciter la même solidarité internationale avec les victimes. De quoi s’interroger sur les raisons de ces perceptions différentes.


Un article de Rue89  par Pierre Haski 

Il y a, dans le jargon journalistique, une « loi » bien connue, celle du « mort kilomètre » ; une règle qui veut que deux morts dans un accident de métro à Paris ou Londres pèsent plus lourd que 100 morts dans un accident de train à l’autre bout du monde, en Inde ou en Bolivie.

Une loi absolument cynique mais qu’un rédacteur en chef de 20 heures télé connaît parfaitement : un téléspectateur français s’identifiera avec un « commuter » anglais qui a le même mode de vie que lui, pas avec un habitant de Bombay qui, pourtant, va lui aussi bosser.

Appliquée au terrorisme, cette règle connaît quelques variantes qui montrent que ce que nous considérons parfois comme des « émotions collectives planétaires » sont effectivement à géométrie variable : toutes les victimes du terrorisme ne se valent pas dans la bourse aux émotions, et les terroristes l’ont bien compris en ciblant Paris et ses habitants.

Deux exemples de ces perceptions, qui en disent long sur les lignes de fracture et les fossés qu’elles engendrent.

 

Beyrouth-Paris, même souffrance ?

24 heures avant Paris, l’Etat islamique autoproclamé a frappé à Beyrouth, plus précisément dans le quartier chiite de Borj el-Barajneh, faisant 43 morts et 239 blessés. C’est l’attentat le plus sanglant dans la capitale libanaise depuis plus de vingt ans.

Le lieu du double attentat à Beyrouth, le 13 novembre 2015
Le lieu du double attentat à Beyrouth, le 13 novembre 2015 - Bilal Hussein/AP/SIPA

Mais cette attaque n’a pas suscité la même émotion que les attaques de Paris par les mêmes auteurs, 24 heures plus tard. Pas de monuments illuminés avec un cèdre, pas de photos de profil barrées de noir sur les réseaux sociaux, pas de veillées à la bougie aux quatre coins du monde.

Très vite, de surcroît, l’attentat de Beyrouth a été occulté par les événements de Paris, sans précédent par leur ampleur et le modus operandi, terrifiants par la froideur de leur exécution.

 

Pourquoi cette différence de traitement ?

Il aura fallu que quelques personnes s’en émeuvent pour que commence à apparaître le lien entre deux capitales endeuillées : Paris-Beyrouth, même souffrance. D’abord des Libanais, mais aussi des célébrités comme Angelina Jolie, qui a posté sur ses différents comptes un appel à ne pas oublier le Liban.
« Alors que tout le monde parle de Paris, personne ne mentionne l’attaque de l’Etat islamique contre le Liban. Je prie pour les deux pays ».
Pourquoi cette différence de traitement ? De fait, c’est le même mécanisme de l’identification sociale qui est à l’œuvre, comme dans le « mort kilomètre » des accidents de train.

Tout le monde, de San Francisco à Sydney en passant par Varsovie, peut s’identifier à un jeune Parisien présent à un concert de rock, se souvenir qu’il est allé ou rêve d’aller en vacances à Paris ; personne ne s’identifiera avec l’habitant d’un quartier chiite de Beyrouth (donc « pro-Hezbollah »...), même si c’est un jeune du même âge pas très différent de la victime parisienne...

 

Vraies et fausses symétries

Si l’absence relative de compassion pour les victimes de l’attentat de Beyrouth résulte des représentations forgées au fil du temps, il est un autre débat sur la différence de traitement des victimes qui, lui, est plus dérangeant.
C’est celui qu’entretiennent les pro-djihadistes sur les réseaux sociaux. Le site de veille des réseaux djihadistes en ligne Site (Search for International Terrorist Entities) donne ainsi des extraits de discussions autour de cette question.
Un internaute demande à Israfil Yilmaz, un Néerlandais décrit comme combattant de l’Etat islamique, s’il est favorable aux attaques de Paris. Réponse :
« Je suis favorable aux attaques de Paris autant que le gouvernement français est pour le bombardement et la terreur de musulmans innocents en Syrie, en Irak et ailleurs. Ça te va ?
Est-ce que ça te semble cohérent que le sang musulman coule depuis des décennies sans que personne ne s’indigne ? Et pourtant, dès que nous répondons, que nous leur prenons ce qu’ils nous prennent en employant les mêmes méthodes qu’eux, ça devient une grosse affaire. »
Le site recense de nombreuses autres prises de position du même ordre sur les plateformes et réseaux sociaux djihadistes qui, toutes, mettent sur le même plan les victimes d’attaques comme celles qui viennent de se produire à Paris, et les victimes des guerres « impérialistes » dans le monde musulman.

 

Le discours émoussé des démocraties

Cette symétrie sera jugée insupportable par tout lecteur occidental qui refusera de mettre sur le même plan un acte de terreur absolue comme l’attaque d’une salle d’un concert ou d’un restaurant, et des opérations militaires menées par une armée régulière contre des objectifs théoriquement ciblés et légitimes.

Il est évident, pourtant, que les aventures militaires occidentales de la dernière décennie, en Afghanistan où les « libérateurs » de 2001 se sont imperceptiblement mués en « occupants » aux yeux d’une partie de la population, et surtout l’Irak en 2003 et la Libye en 2011, qui ont provoqué l’effondrement des Etats et un chaos sanglant sans fin, ont affaibli le noble discours des grandes démocraties.

La légitime compassion des Occidentaux pour « leurs » victimes du terrorisme ne devrait pas faire oublier les autres victimes du terrorisme ailleurs, ni l’introspection sur leur propre comportement, en particulier dans les pays arabo-musulmans eux-mêmes.

Ce message de compassion et de solidarité est non seulement « normal », humain pourrait-on dire ; il est aussi le seul moyen de déconstruire le discours des extrémistes qui dénoncent nos hypocrisies pour mieux couvrir leurs propres crimes.