lundi 28 février 2011

Hamma Hammami :: « On a vaincu le dictateur, pas encore la dictature »

Article du PTB

Emprisonné à de nombreuses reprises sous la dictature de Ben Ali pour son opposition, Hamma Hammami, porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT), est aujourd’hui une des figures les plus en vue de la révolution tunisienne. Nous l’avons rencontré à Tunis.

Baudouin Deckers

Les révolutions et grandes manifestations dans le monde arabe font souffler un vent d’optimisme dans le monde entier. Que signifie, pour vous, ce mouvement qui a démarré dans votre pays ?

Hamma Hammami. C’est une grande révolution, que ce soit au niveau des pays arabes ou d’autres pays de notre région. D’autres peuples peuvent tirer de cette révolution quelques leçons.

D’abord, le peuple tunisien a fait cette révolution en s’appuyant sur ses propres forces. Dans beaucoup de pays arabes, des gens prétendaient qu’on ne pouvait pas faire de révolution contre des dictatures comme celle de Ben Ali sans le soutien de la France, des États-Unis ou d’autres forces étrangères. Notre peuple a montré qu’en s’appuyant sur ses propres forces, on peut déposer un dictateur comme Ben Ali, fort d’un appareil sécuritaire gigantesque.

Ensuite, le peuple tunisien a fait cette révolution dans une unité presque totale. Pendant plus d’un mois, on n’a pas entendu un seul mot d’ordre religieux, qui aurait pu diviser le peuple tunisien. Le peuple tunisien s’est uni autour de ses aspirations démocratiques, économiques et sociales.

Pour vous, cette révolution n’est pas finie. Pourquoi ?

Hamma Hammami. La révolution est encore toujours en cours. Elle n’a pas encore vraiment réalisé ses buts démocratiques et sociaux. Elle a vaincu un dictateur, mais elle n’a pas encore vaincu la dictature. La police politique, pilier principal de la dictature, est encore toujours là et très active d’ailleurs. Le parlement est toujours là. C’est un parlement fantoche car il fallait l’accord de Ben Ali pour pouvoir y sièger. Le président par intérim est un membre du parti de Ben Ali, très proche de lui. Le gouvernement est toujours dirigé par le premier ministre de Ben Ali, Mohammed Ghannouchi, et ses ministres viennent du même entourage. Les hauts responsables, corrompus, détiennent toujours leurs postes. La Constitution a rendu possible la dictature, elle est encore inchangée. La dictature a fait passer d’innombrables lois anti-démocratiques et antisociales pour se protéger et elles sont encore toutes en vigueur. Aux mains du gouvernement actuel, toutes ces lois et institutions peuvent à nouveau être utilisées contre le peuple. Le régime de Ben Ali est donc encore toujours en place.

C’est pour cela que le mouvement populaire continue, malgré les promesses du gouvernement actuel. Il exige la dissolution de l’actuel gouvernement. Il refuse des gouvernements « remaniés » comme celui qu’on a maintenant. L’ancien parti au pouvoir, le RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique, qui était jusqu’au 18 janvier dernier encore membre de l’Internationale Socialiste, NdlR), doit être réellement dissous.
Non, on ne peut donc pas dire que la révolution soit terminée. Elle n’a pas encore vaincu les forces réactionnaires. Elles sont toujours là, mais affaiblies. On doit continuer cette révolution avec grande détermination, mais aussi avec beaucoup de sens tactique pour préserver l’unité du peuple tunisien et ne pas tomber dans des divisions qui pourraient avoir des répercussions très négatives sur la marche de cette révolution, que les peuples du monde arabe regardent avec beaucoup d’espoir.

Certains présentent la révolution en Tunisie comme un événement spontané...

Hamma Hammami. C’est faux. Ils le disent pour discréditer et nier, au cours de ces dernières années, le rôle des forces révolutionnaires et progressistes dans l’opposition. C’est une manière aussi de dire qu’il faut chercher une issue à cette révolution avec l’ancien parti au pouvoir, que les hommes politiques traditionnels sont obligés de reprendre la direction d’un mouvement qui n’en a pas. Ce mouvement n’était spontané que dans la mesure où il n’était pas organisé au niveau national. Il n’avait pas une direction unique, un programme commun. Mais ça ne veut pas dire absence de conscience et absence d’organisation.

La conscience existe, car les acteurs de ce mouvement sont avant tout des militants de gauche, des progressistes, des syndicalistes, des militants des droits humains. Ce sont des jeunes diplômés chômeurs qui appartiennent au mouvement étudiant. Notre parti est là, nos forces sont présentes. Les islamistes, par contre, n’ont pas vraiment participé. C’est pour cela que, dans cette révolution, il n’y a aucun mot d’ordre religieux. Même si politiquement, les islamistes ont soutenu le mouvement.

Au niveau de l’organisation, les militants se sont très vite organisés en comités. Dès le premier jour de cette révolution, il y a eu dans certains villages un vide de pouvoir réel. Ensemble avec les démocrates, nous avons alors appelé les gens à s’organiser. Ce qu’ils ont fait dans les villages et dans les régions, parfois dans des assemblées, qui s’appellent « assemblées populaires » ou « assemblées de sauvegarde de la révolution », parfois en comités ou en ligues, cela dépend. Ici à Tunis, les gens se sont organisés en comités populaires ou comités de quartier. Ils ont choisi leurs dirigeants parmi les militants les plus actifs au cours de cette révolution. La structuration est encore faible et embryonnaire. Il n’y a pas encore de véritable centralisation au niveau national. Mais, petit à petit, ces comités se sont transformés en comités qui discutent de la situation et de l’avenir, et de ce que la population peut faire.

Le Front du 14 janvier s’est constitué il y a quelques semaines. Qui y retrouve-t-on ? Quel est son programme ou que revendique-t-il ?

Hamma Hammami. Au niveau politique, la gauche est parvenue à se rassembler dans un front qui s’appelle le « Front du 14 janvier » en référence au jour de la fuite de Ben Ali. La gauche a un poids indéniable dans notre pays. Que ce soit au niveau politique ou syndical, au niveau de la jeunesse ou du mouvement des femmes, au niveau des droits humains ou du mouvement culturel. Ce front s’est rassemblé autour des mots d’ordre et revendications populaires. On y trouve donc la revendication de dissolution du gouvernement, la dissolution du parti au pouvoir. Le Front revendique aussi la formation d’un gouvernement provisoire, constitué par des éléments qui n’ont rien à voir avec le régime de Ben Ali, son parti, la dictature. Ce gouvernement provisoire aurait pour tâche essentielle la préparation d’élections pour une Assemblée Constituante. C’est celle-ci qui devra rédiger la Constitution, les institutions, les lois fondamentales d’une République Populaire Démocratique à laquelle aspire le peuple tunisien.

Nous sommes aussi unis autour d’une plateforme économique et sociale, car nous considérons que la dictature était liée à une base économique et sociale, une bourgeoisie compradore (bourgeoisie tirant sa fortune de ses liens avec les multinationales étrangères, NdlR) qui pille la Tunisie en collaboration avec des sociétés et entreprises françaises, italiennes, espagnoles, portugaises, belges. Nous voulons non seulement une démocratie politique mais aussi une démocratie sociale, parce que nous considérons que la révolution actuelle est une révolution démocratique et nationale, une révolution populaire qui doit préparer des changements fondamentaux pour toute la société tunisienne dans l’avenir.

Le Front du 14 janvier a tenu le samedi 12 février son premier grand meeting public au Palais des Congrès de Tunis. Avec une grande réussite, qui dépassait de loin nos attentes. La mobilisation n’a pris qu’à peine trois à quatre jours. Plus de 8 000 personnes étaient réunies, beaucoup n’ont pas su entrer. Du jamais vu.

Le 11 février, un comité beaucoup plus large s’est constitué.

Hamma Hammami. Oui, une réunion au siège du Conseil National des Avocats a rassemblé les représentants de 28 organisations. Presque toute l’opposition à Ben Ali, sauf deux partis qui sont entrés dans le gouvernement de Ghannouchi. Hormis les 10 organisations du Front du 14 janvier, il s’agit de la centrale syndicale unique UGTT, du parti islamiste Ennadha, des Associations des Avocats, des Ecrivains, des Journalistes, de l’Union des Étudiants Tunisiens et d’autres encore. Tous sont d’accord sur des propositions concernant la fondation d’un « Conseil National pour la Sauvegarde de la Révolution ». La plateforme ne va pas aussi loin que le Front du 14 janvier, puisqu’elle ne demande pas la dissolution de ce gouvernement. Certaines forces comme l’UGTT ont accepté ce gouvernement. Mais les 28 signataires exigent que ce « Conseil National » ait un pouvoir de décision concernant toutes les lois et mesures en préparation des nouvelles élections, afin de garantir qu’elles seront vraiment démocratiques et se dérouleront dans la liberté totale. Ils réclament le droit de surveillance de toutes les décisions du gouvernement et l’obligation de soumettre pour approbation au Conseil National toutes les nominations à des hautes fonctions. Les signataires appellent la population de toutes les régions et localités à former des Comités de Sauvegarde de la Révolution et l’UGTT met tous ses locaux à leur disposition. Ces Comités seront représentés dans le Conseil National.

Vous rassemblez là les différentes classes et couches de la population qui étaient et sont en opposition à la dictature. Cette démarche correspond au caractère de cette révolution, que vous appelez nationale et démocratique, pourquoi ?

Hamma Hammami. Depuis Hannibal (général de Carthage, ancêtre de la Tunisie, dans l’Antiquité, NdlR), ce pays n’a jamais connu de démocratie. Ni les paysans, ni les petits commerçants, ni les artisans ou petits producteurs, ni les professeurs ou instituteurs. Tout ce monde aspire avant tout à la démocratie, ensemble avec les ouvriers. Il faut en être conscient.

Nous essayons d’unir le peuple autour d’une seule tâche : en finir avec la dictature. Nous essayons d’éviter toute divergence parmi les forces populaires, ce qui pourrait être exploité par la réaction. On s’est mis d’accord avec les islamistes et avec les autres forces pour préserver cette unité du peuple tunisien et ne pas tomber dans des luttes partisanes.

Mais cette révolution est aussi nationale. Les gens se rendent compte que l’élite bourgeoise corrompue est de nature compradore, qui pille notre pays au profit de sociétés étrangères. Celles-ci cherchent à produire à bon marché pour exporter ces produits vers leurs marchés, non pas pour satisfaire les besoins de la société tunisienne. L’ingérence des puissances européennes et américaines provient entre autres de ce qu’elles veulent à tout prix protéger leurs multinationales. Nous avons besoin d’un plan d’industrialisation en fonction des besoins de notre peuple. C’est cela que les gens réclament. Le Front du 14 janvier revendique la construction d’une économie nationale au service du peuple où les secteurs vitaux et stratégiques sont sous la supervision de l’État.

Vous êtes porte-parole d’un parti communiste. Qu’en est-il d’une perspective socialiste en Tunisie ?

Hamma Hammami. Une révolution socialiste n’est pas à l’ordre du jour aujourd’hui. Oui, en tant que marxistes nous estimons qu’en définitive, il faudra passer au socialisme. Ce sera nécessaire pour ne pas être pris dans le filet du capitalisme mondial qui est tenu par des grandes multinationales américaines et autres. Ce sera aussi la seule façon de mettre fin à l’exploitation de l’homme par l’homme. Mais cette façon de voir les choses n’est pas encore partagée largement du tout ici. Nous ne pouvons pas marcher trop vite.

Il faut tenir compte des rapports de force politiques. La classe ouvrière est en retard sur le plan de la conscience et d’organisation. Le mouvement communiste est encore assez faible dans notre pays, même s’il progresse beaucoup. Les autres classes sont assez présentes par l’intermédiaire du camp libéral, du camp islamiste... Il ne faut donc pas faire de faux pas.

A travers cette révolution, des premiers jalons du socialisme peuvent néanmoins être établis au niveau économique. Ainsi, nous sommes pour la nationalisation des grandes entreprises au profit des travailleurs. Comme dit plus haut, cela s’impose déjà d’un point de vue du recouvrement de notre indépendance. Nous n’allons pas nationaliser pour que cela profite à une bourgeoisie d’État (une classe qui s’enrichirait à la tête du nouvel État, NdlR). La classe ouvrière doit pouvoir diriger ces entreprises d’une manière démocratique.

Mais cela ne vaut pas pour tous les secteurs de l’économie. Nous effraierions les petits commerçants, les artisans, les petits patrons des nombreux ateliers que compte notre pays, nous les monterions contre la révolution.

Et, surtout, il faut penser aux paysans. La paysannerie chez nous est très diversifiée. Elle n’est pas organisée et elle accuse en général un très grand retard au niveau de la conscience. Quelques régions sont plus avancées, là où il y a des ouvriers agricoles, qui sont parfois devenus des paysans pauvres. Ils ont reçu des lopins de terre, mais ne les travaillent pas par manque de moyens. Ceux-là verront eux-mêmes la collectivisation comme une issue positive. Mais il y a aussi des régions où les paysans réclament depuis des décennies la terre que de grands capitalistes leur ont confisquée mais qu’ils travaillent néanmoins. Parler de collectivisation, cela leur rappellerait toute de suite le pillage de leurs terres au cours des années 60. A notre avis, on pourra passer de façon graduelle et diversifiée au socialisme, tout en maintenant l’unité la plus grande du peuple et dans la mesure où son expérience le mène à en voir l’utilité et la nécessité. Il n’y a pas de schéma unique. Mais il y a un but unique, le socialisme.

lundi 21 février 2011

Le monde change, et nous avons un grand rôle

Michel Collon

Après les Latinos, les Arabes. Et demain, les Africains ? Pourquoi Washington et Paris ont dû reculer en Tunisie et Egypte. Comment ils vont essayer de sauver l’essentiel du système néocolonial. Et quel est notre rôle à tous pour que le monde se transforme vraiment.

Longtemps, l’Empire a paru invincible. Les Etats-Unis pouvaient à leur guise et sous les prétextes les plus absurdes, violer la Charte de l’ONU, appliquer de cruels embargos, bombarder ou occuper des pays, assassiner des chefs d’Etat, provoquer des guerres civiles, financer des terroristes, organiser des coups d’Etat, armer Israël pour ses agressions…

Ils semblaient pouvoir tout se permettre, et le pessimisme dominait. Combien de fois ai-je entendu : « Ils sont trop forts, comment pourrions-nous mettre fin à ces régimes arabes corrompus et complices d’Israël ! » La réponse est venue d’en bas : les peuples sont plus forts que les tyrans.

Mais chacun sent que le combat ne s’est pas terminé en éliminant juste Ben Ali et Moubarak, il ne fait que commencer. Pour arracher de véritables changements, il faudra neutraliser ceux qui tiraient les ficelles en coulisses. D’où l’importance décisive de bien cerner les mécanismes de ce système qui produit les tyrans, les protège et au besoin les remplace. Pourquoi cet Empire s’affaiblit, et comment il va essayer de se maintenir à tout prix.

Aucun Empire n’est éternel
Aucun Empire n’est éternel. Tôt ou tard, l’arrogance des crimes provoque une résistance générale. Tôt ou tard, le coût du « maintien de l’ordre » dépasse les profits que ces guerres apportent aux multinationales. Tôt ou tard, les investissements dans le militaire font défaut aux autres secteurs qui perdent la compétition internationale.

Et les Etats-Unis n’échappent pas à la règle. Le taux de profit de leurs multinationales décroît depuis 1965, et les bulles d’endettement et de spéculation n’ont fait que reporter et aggraver le problème. Leur part dans l’économie mondiale est passée de 50% en 1945 à 30% dans les années 60, autour de 20% aujourd’hui et 10% environ dans vingt ans. Or, aucune armée ne peut être plus forte que son économie, et les USA sont donc de moins en moins en état d’être le gendarme du monde. Aujourd’hui, la planète devient « multipolaire » : un autre équilibre s’installe entre USA, Europe et Russie et surtout avec les grands pays du Sud. Particulièrement, la Chine qui a prouvé qu’être indépendant était la meilleure façon de progresser. USA et Europe ne peuvent plus imposer leurs volontés comme avant. Leur néocolonialisme pourrait mourir bientôt.

En fait, ce déclin US est de plus en plus visible depuis dix ans… En 2000, la bulle Internet explose. En 2002, le peuple vénézuélien fait échouer le coup d’Etat made in USA et Hugo Chavez entame ses grandes réformes sociales qui entraîneront toute l’Amérique latine dans la résistance. En 2003, la machine de guerre de Bush s’enlise en Irak, comme en Afghanistan. En 2006, Israël échoue au Liban et en 2009 à Gaza. Les défaites s’accumulent.

Après les Latinos, les Arabes. Et demain, les Africains ?
La merveilleuse révolte des Tunisiens et des Egyptiens a fait des miracles : on entend à présent les Etats-Unis vanter la « transition démocratique » alors que pendant des décennies, ils ont fourni aux tyrans chars, fusils-mitrailleurs et séminaires de formation à la torture ! La France pareil. Et cette révolte plonge dans l’angoisse les stratèges du Grand Empire US, du Petit Empire français et leurs protégés israéliens. Merci, les Arabes !

Objet de cette angoisse : comment changer un peu pour ne rien changer à l’essentiel ? Comment maintenir leur domination sur le pétrole du Moyen-Orient, sur les matières premières et sur les économies en général ? Comment empêcher que l’Afrique aussi se libère ?

Mais il faut aller au fond des choses. Se réjouir des premiers pas ne peut cacher le chemin qui reste à parcourir. Ce n’est pas le seul Ben Ali qui a pillé la Tunisie, c’est toute une classe de profiteurs, tunisiens, mais surtout étrangers. Ce n’est pas le seul Moubarak qui a opprimé les Egyptiens, c’est tout un régime autour de lui. Et derrière ce régime, les Etats-Unis. L’important, ce n’est pas la marionnette, mais celui qui en tire les fils. Washington, comme Paris, cherche seulement à remplacer les marionnettes usées par d’autres plus présentables.

Pas de véritable démocratie sans justice sociale
La question que les Tunisiens, les Egyptiens et les autres souhaitent résoudre n’est pas : « Quel ‘nouveau’ dirigeant nous fera de nouvelles promesses qu’il ne tiendra pas, avant de nous taper dessus comme avant ? » Leur question est plutôt : « Aurai-je un vrai travail avec un vrai salaire et une vie digne pour ma famille ? Ou bien aurai-je pour seule issue une barque qui ira s’échouer en Méditerranée ou dans une prison européenne pour sans-papiers ? »

L’Amérique latine vivait tout récemment encore la même pauvreté et le même désespoir. Les énormes profits du pétrole, du gaz et des autres matières premières partaient gonfler les coffres-forts d’Exxon et de Shell pendant qu’un Latino sur deux vivait sous le seuil de pauvreté, sans pouvoir payer le médecin ou une bonne école à ses enfants. Tout a commencé à changer en 2002 quand Hugo Chavez a nationalisé le pétrole, modifié tous les contrats avec les multinationales, exigé qu’elles paient des taxes et que les profits soient partagés. L’année suivante, 11,4 milliards arrivaient dans les caisses de l’Etat (pendant vingt ans, c’était zéro !), et celui-ci mettait en route des programmes sociaux ; soins de santé et enseignement pour tous, doublement du salaire minimum, aide aux coopératives et aux petites entreprises créatrices d’emplois. En Bolivie, Evo a fait de même. Et l’exemple se répand. Atteindra-t-il la Méditerranée et le Moyen-Orient ? A quand un Chavez ou un Evo arabe ? Le courage de ces masses en révolte mérite une organisation et un leader, honnêtes et décidés à aller jusqu’au bout.

Une véritable démocratie politique est impossible sans la justice sociale. En fait, les deux problèmes sont étoitement liés. Car personne n’installe une dictature pour le plaisir ou par simple perversion. C’est toujours pour pour maintenir les privilèges d’une petite couche qui accapare les richesses. Les dictateurs sont les employés des multinationales.

Qui ne veut absolument pas de la démocratie ?
Face à la colère des Tunisiens, quel « homme nouveau » a proposé Washington ? Le premier ministre de l’ancien dictateur ! Face au désir de changement des Egyptiens, qui ont-ils tenté de mettre au poste ? L’ancien chef de l’armée, créature de la CIA ! On se moque des gens.

Il y a cinq ans, l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Védrine, osait déclarer que les peuples arabes n’étaient pas mûrs pour la démocratie. Cette théorie reste dominante dans une élite française qui pratique plus ou moins ouvertement le racisme anti-arabe et l’islamophobie.

En réalité, c’est la France qui n’est pas mûre pour la démocratie. C’est la France qui a massacré les Tunisiens en 1937 et 1952 et les Marocains en 1945. C’est la France qui a mené une guerre longue et sanglante pour empêcher les Algériens d’exercer leur droit légitime à la souveraineté. C’est la France qui, par la bouche d’un président négationniste, refuse de reconnaître ses crimes et de payer ses dettes aux Arabes et aux Africains. C’est la France qui a protégé Ben Ali jusqu’au pied de l’avion qui l’emportait. C’est la France qui a imposé et maintient les pires tyrans dans toute l’Afrique.

L’actuel racisme antimusulman permet de faire d’une pierre deux coups. Premier coup : en Europe, on divise les travailleurs selon leur origine (un tiers des ouvriers français ou belges sont d’origine immigrée récente) et pendant qu’on fantasme sur la burqa, les patrons attaquent allègrement les salaires, les conditions de travail et les retraites de tous les travailleurs, voilés ou pas. Deuxième coup : par rapport aux pays arabes, l’islamophobie permet d’éviter les questions gênantes. Au lieu de se demander « Mais qui leur a imposé ces dictateurs ? » et de répondre : l’Europe, l’Europe d’en haut, l’Europe des multinationales, on présente les Arabes comme « pas mûrs pour la démocratie » et donc dangereux. On diabolise en inversant la victime et le coupable.

Or, voici le débat fondamental, et il dépend de nous tous qu’il soit mené ou occulté : pourquoi les Etats-Unis, la France et compagnie - qui n’ont que le mot « démocratie » à la bouche - ne veulent en réalité absolument pas d’une véritable démocratie ? Parce que si les peuples peuvent décider eux-mêmes comment utiliser leurs richesses et leur travail, alors les privilèges des corrompus et des profiteurs seront en grand danger !

Pour cacher leur refus de démocratie, les Etats-Unis et leurs alliés agitent dans les médias le « péril islamiste ». Quelle hypocrisie ! Les voit-on nous alerter et mener de grandes campagnes médiatiques sur les islamistes qui leur sont dociles comme le régime odieux d’Arabie Saoudite ? Les entend-on s’excuser d’avoir financé les islamistes de Ben Laden pour renverser un gouvernement afghan de gauche qui avait émancipé les femmes ?

Notre rôle est important
Le monde change à toute allure. Le déclin des USA ouvre de nouvelles perspectives pour la libération des peuples. De grands bouleversements s’annoncent…

Mais dans quel sens iront-ils ? Pour qu’ils soient positifs, il dépend de chacun de nous qu’une véritable information circule, que les dossiers honteux soient largement connus, que les stratégies secrètes soient démasquées. Tout ceci permettra d’instaurer un grand débat, populaire et international : de quelle économie, de quelle justice sociale les peuples ont-ils besoin ?

Or, l’information officielle sur tout ceci est une catastrophe, et ce n’est pas par hasard. Dès lors, pour que ce débat se mène dès maintenant et partout, chacun de nous a un grand rôle à jouer. Informer est la clé. Comment ? Nous y reviendrons dans un prochain texte, d’ici quelques jours…


Bruxelles, 19 février 2011
Source : www.michelcollon.info

mercredi 16 février 2011

Droit à l’eau : Victoire au Botswana

La cour d’appel du Botswana entend depuis le 17 janvier une cause qui porte sur la reconnaissance du droit d’accès à l’eau des Bushmen de la réserve centrale du Kalahari. Ces gens avaient été chassés de leurs terres. Un hôtel luxueux a été construit sur les terres ancestrales dans leur réserve. Les Bushmen ont perdu l’usage d’un puits qu’ils utilisaient depuis des décennies, en même temps que le gouvernement faisait creuser de nouveaux puits pour les animaux sauvages de la réserve. Les Bushmen sont rentrés chez eux après une 1ère victoire en cour, puis déboutés par le tribunal de grande instance en 2010 par un jugement qui leur nie le droit d’accès à leur puits. Ce jugement est survenu avant les Résolutions prises à l’ONU en juillet et septembre 2010 qui reconnaissent comme un droit humain fondamental l’accès à l’eau et à l’assainissement. Les Bushmen ont donc fait appel de la décision du tribunal de grande instance. C’est la première fois qu’une cour d’appel accepte d’entendre une cause reliée directement à la reconnaissance du droit à l’eau, après les Résolutions adoptées en juillet et septembre 2010 à l’ONU, respectivement par l’Assemblée Générale et par le Conseil des Droits de l’Homme. De plus, c’est la reconnaissance du droit d’une communauté privée d’accès à l’eau qui est en jeu. La cause pourrait paver la voie pour bien des luttes de groupes de citoyenNEs ayant des problématiques d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, jusqu’ici au Québec où des citoyenNEs des régions éloignées, parmi lesquelles on compte des communautés autochtones, sont aux prises avec des réseaux de distribution d’eau potable ayant besoin de sérieuses améliorations.

http://www.canadians.org/

mardi 15 février 2011

MOTION DE L’ADQ, DU PQ ET DU PLQ « DÉPLORANT » LA CAMPAGNE DE BOYCOTT DES PRODUITS ISRAÉLIENS DEVANT LA BOUTIQUE LE MARCHEUR :

UNE MOTION QUI PASSE À CÔTÉ DE LA QUESTION DE FOND
UNE MOTION INQUIÉTANTE AU PLAN DE LA DÉMOCRATIE

Le Comité BDS-Québec « déplore » à son tour le dépôt d’une motion à l’Assemblée nationale du Québec, le 9 février dernier, par trois élus de trois partis (ADQ, PQ et PLQ) dirigée contre la campagne de boycott de produits israéliens devant la Boutique Le Marcheur, à Montréal.
Cette motion passe à côté de la question de fond soit la situation inacceptable faite par Israël au peuple palestinien et raison d’être de la campagne. Pas un seul petit mot pour les Palestinien-ne-s dans ce texte ! Les initiateurs de la motion cautionnent ainsi l’impunité d’un État qui bafoue systématiquement les centaines de résolutions de l’ONU et du Conseil de sécurité, le droit international et les droits des Palestinien-ne-s depuis des décennies ; un État qui contrevient aux dispositions de la Convention internationale sur l’Élimination et la répression du crime d’apartheid (1973) et qui est de plus en plus considéré comme un État d’apartheid selon nombre de juristes, israéliens et juifs inclus, et selon des personnalités aussi peu « terroristes » que Mgr Tutu et l’ex-président Jimmy Carter.

Cette motion vise à discréditer une campagne internationale pacifique initiée par la société civile palestinienne elle-même, et endossée par des centaines d’organisations et des dizaines de milliers de citoyennes et citoyens de plusieurs pays, dont Israël, pour amener l’État hébreu à se conformer au droit international. Elle porte trois revendications majeures toutes fondées en droit international :

1 L’exercice du droit de retour pour les Palestinien-ne-s chassés de leur maison et de leurs terres lors de la création de l’État d’Israël conformément à la résolution 194 votée le 11 décembre 1948 par l’Assemblée des Nations Unies;

2 La fin de l’occupation conformément à la résolution 242 des Nations Unies qui enjoint Israël de se retirer des territoires occupés depuis 1967, y compris de Jérusalem-Est de même que du Golan syrien; et la fin de la colonisation conformément à l’article 49 de la IVe Convention de Genève qui interdit à une puissance occupante de procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population dans les territoires occupés par elle;

3 L’égalité des droits pour les citoyen-ne-s palestinien-ne-s vivant en Israël i.e. le démantèlement du système d’apartheid, un système institutionnalisé de discrimination raciale qui prévaut dans ce pays contre la population non-juive.

Comment des élus de l’Assemble nationale du Québec peuvent-ils ignorer des revendications aussi fondamentales et aussi justifiées ?

La motion enfin est inquiétante au niveau de la démocratie. L’appel à un boycott de produits de consommation fait partie de la liberté d’expression. L’Assemblée nationale n’a ni à le déplorer ni à le décourager, ni surtout à l’interdire, seulement à s’assurer qu’il s’exerce pacifiquement ce qui a été scrupuleusement respecté dans le cas de la Boutique Le Marcheur : aucun client n’a été intimidé, aucun consommateur n’a été empêché de pénétrer dans la boutique, aucun passant n’a été forcé de prendre le feuillet d’information offert. L’Assemblée nationale n’a pas à appuyer un marchand : si ce dernier se sent lésé dans ses droits, c’est au système judiciaire qu’il doit s’adresser.

La liberté de vendre n’est pas absolue. Les produits israéliens proviennent d’un État qui viole les droits humains fondamentaux des Palestinien-ne-s. La campagne appelle à boycotter ces produits et non les commerces qui les vendent: aux consommateurs à faire leur choix en étant informés sur leur origine et les conditions de leur fabrication ! Elle appelle également les propriétaires à les retirer de leurs tablettes au nom d’une certaine responsabilité éthique : aux propriétaires à prendre leur décision !

Ajoutons que cette campagne n’a rien d’antisémite : elle ne critique pas les Juifs mais les politiques de l’État israélien. Nous rejetons donc à l’avance les accusations d’antisémitisme qui ne manquent jamais de pleuvoir chaque fois que des groupes et des individus osent dénoncer les politiques israéliennes et dont l’acharnement contre le député Amir Khadir est emblématique. Mais désormais, cette grossière intimidation ne fait plus peur.

Au Québec, la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions est encore jeune. Un nombre grandissant d’organisations syndicales, communautaires, des groupes de femmes, des associations de défense des droits, des groupes religieux, des étudiants, des artistes, des enseignant-e-s s’y engagent. L’appel au boycott des produits israéliens se fera de plus en plus insistant.

Il serait peut-être temps d’ailleurs que l’Assemblée nationale réévalue la pertinence de son accord Québec-Israël jusqu’à ce que cet État se conforme au droit international et au respect des droits des palestinien-en-es.


Signataires du communiqué :

Ligue des Droits et Libertés
Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes STTP-CUPW
FNEEQ-CSN
CCMM-CSN,
Fédération des Femmes du Québec (FFQ)
Artistes pour la Paix
Centre Justice et Foi
Voix Juives Indépendantes
Collectif D’Abord Solidaires
PAJU
Groupe Rezeq-Faraj/Un seul État
College and University Workers United (CUWU)
L’Entraide missionnaire
Parole arabe
Tadamon
Students for Palestinian Human Rights (SPHR)
Conseil musulman canadien (section québécoise)
Comité pour la paix en Palestine-UQAM
Québec Solidaire

mardi 8 février 2011

Aide financière aux étudiants: discorde autour d'un chèque d'Ottawa

Daphnée Dion-Viens
Le Soleil

(Québec) Un chèque de 275 millions $ provenant d'Ottawa a semé la discorde vendredi entre le gouvernement Charest et les associations étudiantes. La contribution fédérale au programme provincial de prêts et bourses est plus importante cette année, mais rien n'indique que l'argent supplémentaire retournera dans les poches des étudiants.

Puisque Québec a choisi de mettre sur pied son propre programme d'aide financière aux étudiants, Ottawa lui verse chaque année un «montant compensatoire» qui s'élève à 275 millions $ pour l'année 2009-2010. Il s'agit d'une hausse de 70 millions $ par rapport au chèque de 205 millions $ attendu par Québec.

Or, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, refuse de s'engager à réinvestir les sommes supplémentaires dans le programme d'aide financière.

«Les choix que l'on fait comme gouvernement québécois ne dépendent pas du gouvernement fédéral. Si le montant était inférieur, est-ce que je devrais revoir à la baisse? Non. Nous, peu importe les décisions politiques du gouvernement fédéral, on applique le programme de prêts et bourses qui est déjà le plus généreux au Canada», a-t-elle affirmé en entrevue téléphonique. Le Québec a dépensé au total 534 millions $ en prêts et bourses pour l'année 2009-2010, a-t-elle ajouté.

Hausse de la facture

Par ailleurs, le gouvernement Charest a déjà annoncé qu'il augmentera la facture étudiante à partir de 2012 et cette hausse ira de pair avec une bonification du programme de prêts et bourses, a répété vendredi Mme Beauchamp.

De leur côté, les étudiants sont outrés et dénoncent haut et fort la position de la ministre de l'Éducation.

«Le gouvernement du Canada a bonifié ses engagements envers les étudiants, maintenant c'est au gouvernement du Québec de faire sa part», a affirmé vendredi Léo Bureau-Blouin, président de la Fédération étudiante collégiale.

Même son de cloche de la part du président de la Fédération étudiante universitaire, Louis-Philippe Savoie. «Ce gouvernement-là n'est pas intéressé à aider les étudiants. Tout ce qu'il veut faire, c'est augmenter les frais de scolarité.»

Le Parti québécois s'est rangé du côté des étudiants, sommant le gouvernement Charest d'investir dans le programme d'aide financière la totalité des sommes provenant d'Ottawa.

De son côté, la ministre Josée Verner a affirmé vendredi en point de presse que Québec est libre de faire ce qu'il veut avec ce chèque, puisqu'il s'agit d'un champ de compétence provincial.

Aux côtés de son collègue, le ministre Christian Paradis, Mme Verner a refusé de voir un lien entre cette annonce et les rumeurs de campagne électorale qui se multiplient à Ottawa.

vendredi 4 février 2011

Conférence et vidéo sur la délégation québécoise au 17e FMJEE

Le 17 février à 19h00
Au Café l'Exode, 255 Ontario est
Entrée gratuite, bière 2$

En décembre dernier, 15 000 jeunes se sont réunis à Pretoria en Afrique du Sud sous le slogan «Faisons échec à l'impérialisme, pour un monde de paix, de solidarité et de transformations sociales». Au Québec, 13 délégué-e-s ont participé au rassemblement. Nous avons pu voir en direct les changements sociaux en Afrique du Sud et comment le peuple surmonte le terrible héritage du régime d'apartheid ; nous avons échanger avec des associations étudiantes d'à travers le monde qui luttent comme nous pour l'éducation gratuite, nous avons créé des liens avec d'autres ligues de jeunes communistes; nous avons rencontrer COSATU et d'autres jeunes syndicalistes qui affrontent en ce moment les attaques brutale du capital en ces temps de crise ; nous avons marcher au côté des cubains et des cubaines, des palestiniens et des palestiniennes, des sahraouis et de d'autres nations de ce monde qui luttent contre l'impérialisme. En ces temps de résistance, il nous faut êtres solidaire au delà de nos frontières.


Organiser conjointement par la LJC-Q et l'AGECVM