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mardi 10 mars 2015

Le déclin des syndicats accentue les inégalités

Article publié dans le Devoir du 6 mars 2015 

Washington — Le déclin des syndicats dans les pays riches a alimenté la flambée des inégalités sociales en restreignant les moyens d’action des salariés face aux hauts revenus, affirme une étude d’experts du Fonds monétaire international.

  « Le déclin de la syndicalisation semble être un élément-clé de la hausse des plus gros salaires », écrivent deux chercheuses du FMI dans le magazine de l’institution, Finance and Development, du mois de mars.

  Selon leur étude qui couvre la période 1980-2010, les syndicats permettent d’abord de freiner les inégalités en assurant une distribution des salaires plus équitable et en faisant pression sur les autorités pour s’engager dans cette voie. Mais surtout, notent les chercheuses, une faible syndicalisation réduit la capacité de négociation des salariés sur leur rémunération, au bénéfice des actionnaires et des plus hauts revenus.

  Selon l’OCDE, le taux de syndicalisation dans les principaux pays développés a reculé de 20,8 % en 1999 à 16,9 % en 2013.

  « Si la désyndicalisation affaiblit les revenus pour les salariés du milieu et du bas de l’échelle, cela augmente nécessairement la part des revenus perçus par l’encadrement des entreprises et par les actionnaires », écrivent les deux économistes du Fonds, Florence Jaumotte et Carolina Osorio Buitron. Selon leur étude — qui ne représente pas la position officielle du FMI —, des syndicats plus faibles peuvent également réduire l’influence des salariés sur les décisions liées aux plus hauts revenus dans les entreprises, telles que l’ampleur et la structure de leur rémunération.

  D’ordinaire très discret sur ces questions, le FMI s’est récemment penché sur le mouvement de concentration des richesses dans les pays développés, notamment aux États-Unis.

jeudi 9 octobre 2014

Les syndicats nuisent-ils au Québec?

http://iris-recherche.qc.ca/publications/syndicats

Grève de la SEUQAM en ce moment

Ce matin, les piquets de grève ont été placé devant toutes les portes de l'UQAM. Malgré un message de l'administration de l'université qui prétendait que les cours se tiendrait normalement, la majorité des classes ont été annulées.

Voici une statut facebook de la SEUQAM :  «2e journée de grève en 32 ans! Cette fois-ci on a installé des piquets de grève à toutes les portes (et il y en a des portes à l'UQAM!). La majorité des personnes respectent nos piquets de grève. Un gros merci! C'est certain, il y en a qui sont rentrés, mais comme la plupart des profs et chargés de cours n'ont pas passé les lignes...les classes étaient vides et les étudiants sont ressortis. D'autres nouvelles un peu plus tard durant la journée.»








mercredi 8 octobre 2014

Grève demain pour les employé-e-s de l'UQAM



Les quelque 2000 membres du personnel de l'UQAM seront en grève pour une journée le jeudi 9 octobre afin d'augmenter la pression sur l'administration de l'université montréalaise. Les piquets de grève pour bloquer l'université seront organisé dès 7h30 le matin.  

Le syndicats des employé-e-s de l'UQAM a reçût l'appuie des autres syndicats de l'UQAM et des associations étudiantes. On demande aux étudiant-e-s et aux autres employé-e-s de l'UQAM de ne pas franchir les lignes de piquetage demain en solidarité avec le SEUQAM. Des appels à la mobilisation ont été lancé pour se joindre aux grévistes. Les membre du  SEUQAM (SCFP 1294) proviennent de quatre groupes distincts : métiers et services, bureau, technique et professionnel. Sans contrat de travail depuis le 31 mai 2012, le personnel de soutien de l'UQAM est composé à 60 % de femmes.

«Pas moins de 17 séances de négociation ont eu lieu entre le personnel de soutien et l'UQAM depuis le dépôt des demandes syndicales le 12 mars 2013. Lors des assemblées des membres des 8 et 10 juillet dernier, le Syndicat a fait rapport sur l'état des négociations. À l'issue d'un vote secret, c'est à 93,4 % que les membres du SEUQAM ont appuyé le recours à des moyens de pression, pouvant aller jusqu'à cinq jours de grève. La dernière séance de négociation entre les deux parties remonte au 1er octobre. Rappelons que lors de la rentrée universitaire, les employés de l'UQAM avaient tenu une journée de grève de 24 heures le 3 septembre dernier.» (extrait du communiqué de presse)


lundi 8 septembre 2014

À bas le projet de loi 3 sur les régimes de retraite.



Par Robert Luxley
Journal Clarté


Le gouvernement Couillard s’est empressé de répondre aux demandes des maires de Montréal et de Québec pour s’attaquer aux régimes de retraite des employées-és municipaux en déposant le projet de loi 3.

Le projet de loi couvre l’ensemble des municipalités de la province indépendamment que leurs régimes de retraite soient ou non en difficulté, soit 170 régimes, comptant 50 000 retraités et 122 000 participants.

Il a pour effet de forcer une renégociation de ce qui avait déjà été convenu entre les municipalités et leurs employées-és, mais en déterminant d’avance les concessions qu’on veut arracher à ces derniers. Les syndicats déclarent que la négociation ainsi imposée sera complètement bidon et que le projet de loi constitue une atteinte à la liberté d'association et de négociation.

Notamment, pour combler les déficits passés des caisses de retraite,  le projet de loi s’attaque aux rentes des retraitées-és en suspendant leur indexation. D’autre part, le projet de loi  impose aux villes et aux employées-és municipaux de rembourser, à parts égales, le déficit des caisses de retraite accumulé par les villes.
 
Or, comme le rappelle les organisations syndicales et de retraitées-és, ce sont, d’une part sur leurs propres salaires que sont prélevées les cotisations finançant les rentes. Les employés ont financé, souvent exclusivement, les caisses de retraite en y versant près de 10% de leurs salaires. D’autre part, les rentes sont déjà bien souvent insuffisantes, laissant les bénéficiaires dans  la pauvreté. Par exemple, la rente moyenne des retraitées-és des cols bleus de Montréal ne s’élève qu’à $24 000 par année, en incluant les prestations de la Régie des rentes et la pension de sécurité de la vieillesse.

Les déficits actuariels des régimes sont causés essentiellement par le fait que les employeurs se réservaient le droit de ne pas verser dans les caisses de retraite leur quote-part tel qu’il était convenu dans les conventions collectives. Le projet de loi va donner l’autorité aux municipalités de faire payer leurs dettes contractuelles par leurs employées-és et par les retraitées-és. Il s’agit ni plus ni moins d’un vol qualifié et d’une baisse rétroactive des salaires.

Effrontés pas à peu près

Pendant que le gouvernement s’apprête à dévaliser les travailleuses et les travailleurs, les discussions sont en cours entre les députés à l’Assemblée nationale en vue de faire des modifications à leur propre régime de retraite. Celui-ci est le plus généreux au Canada. Mais les députés ne sont pas trop pressés d’abaisser leurs conditions dorées.

Rappelons qu’un député peut retirer sa pleine pension à 60 ans, et qu’elle peut aller jusqu’à 100% de son salaire (environ $90 000 par année). Le premier ministre serait disposé à augmenter le salaire des députés de $46 000 par année pour compenser les concessions que ces petits chéris consentiraient à leur régime de retraite.

La résistance s’amplifie

Les protestations s’amplifient. Le 18 août dernier, des manifestantes et manifestants ont envahi l’Hôtel-de-Ville de Montréal et ont un peu chahuté les élus municipaux. Le premier Ministre Couillard s’est déclaré outré par de telles actions, affirmant que la bonne chose à faire serait de faire des représentations à la commission parlementaire sur le projet de loi. Or, il venait de déclarer quelques jours plus tôt à l’occasion d’un congrès des jeunes Libéraux, que de toute façon, il ne reculerait pas d’un pouce sur son projet de loi.

Le Projet de loi 3 s’inscrit dans l’attaque générale prévu dans l’agenda néolibéral contre le droit à la retraite de toutes les travailleuses et tous les travailleurs au Québec et au Canada. La voie à suivre, c’est l’unité dans la lutte. Le Syndicat des cols bleus de Montréal s’est déclaré prêts à tout pour s'opposer au projet de loi 3 et même s'il le faut, aller en grève générale illimitée. C’est la bonne chose à faire.

dimanche 7 septembre 2014

«Il faut gagner le monde, prolétaires, debout!»



Journal Clarté, aout 2014
Bureau de Montréal


Portugal: 40 000 manifestants dans les rues de Lisbonne

Le 11 juillet dernier, plus de 40 000 travailleurs tant du secteur public que privé a battu le pavé place São Bento à Lisbonne. Ce rassemblement a été convoqué par la CGTP, principal syndicat portugais affilié à la Fédération syndicale mondiale, pour s’opposer à la nouvelle Loi générale du travail dans la fonction publique et aux plans d’austérité imposés par le gouvernement. Cet appel a été relayé notamment par le Parti communiste portugais qui y a participé en masse et a réclamé, avec les salariés, la démission de l’actuel gouvernement illégitime, la hausse des salaires et des prestations de retraite ainsi que l’adoption d’une politique patriote et de gauche.

40 ans après la Révolution d’Avril, le Portugal connait la pire situation économique et sociale depuis l’instauration de la démocratie. Ceci n’empêche toutefois pas le patronat et le gouvernement qualifié d’illégitime par le PCP de s’engager dans un 7e amendement au code du travail qui a pour objectif de passer
les conventions collectives à la casse, de paver la voie au chantage patronal en imposant une coupe dans les salaires et les prestations de retraites s’élevant à plus de 4 milliards d’euros pour l’année 2014 - 2015.  Les autres lignes de cette nouvelle loi sont l’augmentation de la journée de travail, l’augmentation de la précarité des travailleurs, la baisse de droits sociaux.

Ce rassemblement a été l’occasion de s’opposer aux nouvelles mesures dictées par la Troïka (UE-BCE-FMI), en violation totale de la Constitution, qui imposent une réforme de l’État se traduisant par le démantèlement des pouvoirs locaux et des fonctions sociales de l’État.

Désireux de défendre leurs droits et ainsi réaffirmer les valeurs de la Révolution d’Avril, les travailleurs portugais sont à l’avant-garde des luttes sociales contre les plans d’austérité. En plus de cette importante manifestation, d’autres actions ont eu lieu notamment le 21 juin dernier à Lisbonne et, début juillet, à Porto. La CGTP et le PCP assurent  que d’autres mobilisations sont en préparation et qu’il n’est pas question de laisser le gouvernement diriger dans l’illégalité impunément. 


Afrique du Sud: les mineurs de platine obtiennent gain de cause

On se rappelle le massacre de la mine Marikala en 2012 par les forces de l’ordre qui a fait environ 47 victimes. Pour autant, les employés des trois magnats de l’industrie de l’extraction de platine que sont Amplats, Lonmin et Imapala Platinum, qui, à elles seules, contrôle près de 60% de la production mondiale, n’ont pas renoncé à lutter pour leurs droits.

Au contraire, plus de 70 000 salariés se sont engagés, le 23 janvier dernier, dans une grève historique qui allait durer environ 5 mois. Malgré les SMS de menaces envoyés à répétition par les patrons, le blocage des négociations et toutes les tentatives de sabotage du mouvement, les mineurs ont obtenu gain de cause. Non seulement les entreprises ont-elles dû leur accorder l’augmentation salariale demandée de 150% (de 5000 rands au «minimum vital» de 12500 rands), mais aussi le paiement rétroactif des salaires et l’amélioration des conditions de vie dans les villages miniers. Cette augmentation salariale sera, selon les cas, immédiate ou s’étalera d’ici 2017. La grève a été tellement intense que les minières ont dû consentir, à la reprise du travail, à mettre en place des dispositifs afin de pallier la fatigue chronique des gueules noires.

Si cette grève a eu un tel impact, c’est qu’elle a touché un secteur vital de l’économie sud-africaine qui enregistrait un recul de 0,6%. Les compagnies, quant à elles, ont calculé qu’elles auraient perdu 21 milliards de dollars!
Quoi qu’il en soit, les mineurs sud-africains ont bien montre que la lutte paye! 


 Grande-Bretagne: 1,5 million de salariés en grève

La coupe dans les services publics est une constante pour tous les pays capitalistes avancés et la crise de 2008 sert de prétexte au patronat pour imposer l’austérité à tous les salariés, accélérer les privatisations et la casse du service public. Aux premiers rangs de la riposte: les travailleurs.

Alors qu’au Québec, les fonctionnaires semblent s’unir pour former un front commun contre le projet de loi 3 au printemps 2015, le 10 juillet dernier, ce sont 1,5 million de salariés du secteur public qui ont pris part à une journée de grève historique pour dénoncer les politiques austéritaires du gouvernement Cameron et leurs conditions de travail. En effet, si la Grande-Bretagne est souvent présentée comme un exemple en termes de reprise économique (on parle d’environ 2,7% de croissance), il reste que celle-ci s’est bâtie sur le dos des travailleurs qui ont perdu 15% de pouvoir d’achat et ce, alors que leur temps de travail augmente et que l’âge de la retraite a été fixé à 68 ans. En outre, on estime qu’environ 500 000 fonctionnaires gagnent moins que le minimum vital.

Devant l’impact de cette grève qui a pratiquement paralysé le pays (on parle entre autres de plus de la fermeture de 6000 écoles en Angleterre, des musées nationaux, de fortes perturbations dans les aéroports, etc.), le gouvernement Cameron, vraisemblablement en vue de la prochaine campagne électorale de 2015, a menacé d’implanter des lois contraignantes dans le vote de mandats de grève.

Les salariés n’en démordent pas pour autant: assez, c’est assez. Ils ont même fixé à septembre leur prochaine action... 


Espagne: la solidarité prime contre les syndicalistes injustement emprisonnés

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Rajoy (PP, droite) ne cesse de multiplier les projets de loi antisociaux et les attaques contre les travailleurs. Si les femmes ont été durement touchées par la nouvelle loi restreignant l’accès à l’avortement, les travailleurs l’ont été tout autant puisqu’en 2013, on estime à 120 000 le nombre de licenciements alors que le patronat s’est partagé 8 milliards d’euros de bénéfices.

Dans ce pays durement touché par la crise, ces dernières années ont été marquées par plusieurs mobilisations de masse (certes spontanées) en opposition aux plans d’austérité (on peut penser, entre autres, au mouvement des Indignados qui a inspiré le mouvement Occupy ici en Amérique ou encore aux Marches de la dignité). Pour empêcher les travailleurs de se mettre en grève générale, le gouvernement n’a pas hésité à employer la manière forte et faire peur aux grévistes potentiels. Ainsi, pas moins de 265 syndicalistes sont aux prises de poursuites judiciaires ou de sanctions administratives pour avoir soit appelé à la grève, soit organisé des piquets de grève lors de journées d’action en 2010 et en 2012 principalement. Les charges les plus lourdes vont jusqu’à huit ans d’emprisonnement pour certains salariés d’Airbus et à 7 ans pour tous les travailleurs du secteur hôtelier de Madrid. Parmi les mis en cause dans cette affaire, la secrétaire générale du syndicat Comisiones Obreras des Baléares. Au total, les accusés risquent jusqu’à 120 ans de prison cumulative simplement pour avoir fait grève!

Les deux principaux syndicats, CCOO et UGT, ont dénoncé cette opération de restriction du droit de grève et ont appelé, le 9 juillet dernier, à un rassemblement de solidarité avec les syndiqués mis en cause et ont appelé à la révision du Code pénal pour empêcher que les droits fondamentaux ne soient bafoués de plus belle.

mercredi 3 septembre 2014

Négociation des secteurs public et parapublic au Québec :

Faisons de la lutte pour les salaires une lutte de classe!

PIERRE FONTAINE*
Journal Clarté


Au moment d’écrire ces lignes, le processus de consultations des membres du Front commun syndical du secteur public sur leurs revendications est en cours. Le Front commun propose de faire porter la négociation prioritairement sur les salaires afin de faire un rattrapage salarial pour « combler le retard de la rémunération globale accusé par le secteur public par rapport aux autres secteurs d’emploi ».

Dans son cahier de consultation, le Front commun explique que…« les faibles augmentations salariales offertes à coups de gels de nos salaires et de décrets de nos conventions collectives ont entraîné, lentement, mais sûrement, un écart croissant entre nos salaires et ceux offerts dans le secteur privé ainsi que dans la fonction publique fédérale et municipale. En novembre dernier (2013, ndlr), l’Institut de la statistique du Québec statuait que la rémunération globale (La rémunération globale inclut outre le salaire, l’ensemble des avantages sociaux, régimes de retraite, assurances, congés, vacances, etc., ndlr) octroyée dans le secteur public accusait un retard de 8,3 % par rapport aux autres salariés québécois. Cet écart se situait à 2,9 % il y a à peine cinq ans. »

Toujours selon l’ISQ, c’est pire si on ne considère que le salaire, les employées-és du secteur public gagnant en moyenne 11,7 % de moins que toutes les autres travailleuses et travailleurs du Québec, et même 3% de moins que les salariées-és non syndiqués du secteur privé.

Le tableau ci-dessous illustre l’évolution réelle des salaires des employées-és du secteur public depuis le décret imposé par le gouvernement libéral de Jean Charest en 2005 (Le salaire de 2005 servant de point de départ correspond donc à 100%). Pour les fins de la démonstration, on y utilise le taux horaire du salaire de préposé à l’entretien ménager travaux lourds du secteur de la santé parce que ce titre d’emploi n’a jamais bénéficié de redressement lié à l’équité salariale.


Le tableau montre bien que de 2005 à 2008, les hausses du salaire nominal décrétées (2% par année) par le gouvernement étaient inférieures à la hausse du coût de la vie, de telle sorte qu’à la fin de 2008, les salaires avaient diminué en réalité de 1,3% (C’est ce qu’on appelle une croissance réelle négative, ndlr.).

En 2009, dernière année du décret, la survenance de la crise économique avait provoqué une certaine déflation et le salaire réel a pu ainsi remonter légèrement au dessus du niveau qu’il avait eu en 2005.

Cette situation a inquiété le gouvernement et a déterminé sa stratégie dans la négociation qui a suivi pour que soit rapidement rétablie une courbe descendante de l’évolution réelle des salaires.

Il a donc offert des hausses de salaire extrêmement basses. Les augmentations accordées étaient les suivantes : 0,5 % le 1er   avril 2010, 0,75 % le 1er  avril 2011, 1,0 % le 1er  avril 2012, 1,75 % le 1er  avril 2013 et de 2,0 % le 1er avril 2014. Pour les trois premières années de la convention, les hausses consenties se retrouvaient donc très nettement sous le niveau d’inflation.

Quant aux deux dernières années de la convention, les hausses accordées demeuraient malgré tout inférieures au taux d’inflation (En 2014, le taux annualisé d’inflation est actuellement à 2,4%), et étaient assorties d’une formule d’indexation partielle, conditionnelle à une progression du produit intérieur brut (PIB) au-delà d’un seuil déterminé. Toutefois, la majoration ainsi calculée ne pouvait être supérieure à 0,5 %. Malgré ce compromis qu’il consentait aux syndicats, cette formule assurait au gouvernement la garantie d’une régression récurrente des salaires réels.

Comme le tableau le démontre, selon son point de vue, le gouvernement a ainsi réussi à corriger les effets de la crise économique en réduisant drastiquement les salaires réels de 4% durant les trois premières années de la dernière convention et il a pu les maintenir en bas de ce qu’ils étaient réellement en 2005 jusqu’à aujourd’hui.

PETIT RETOUR SUR LA NÉGOCIATION DE 2010

Lors de la négociation de 2010, les salaires étaient aussi une priorité de négociation pour les syndicats. Ils demandaient alors une augmentation salariale de 11,25% sur trois ans, un peu comme dans la négociation qui s’en vient (On demande 13,5% sur trois ans).

La première réponse du gouvernement fut d’offrir une hausse salariale de 5% sur 5 ans, avec une possible amélioration de son offre pour les deux dernières années, conditionnée par une croissance du PIB au-delà de 4%. Au niveau des conditions de travail, négociées aux tables sectorielles, le gouvernement déposa le 26 mars 2010 des demandes de reculs majeurs pour créer un état de panique dans les rangs syndicaux. Ce dépôt n’étant rien de moins qu’un affront, les syndicats se mirent en recherche de mandats de grève.

Soudain en juin 2010, coup de théâtre : le gouvernement retira ses demandes de reculs aux tables sectorielles et la négociation débloqua rapidement. C’est là la « fenêtre » de règlement dans laquelle ont sauté les négociateurs syndicaux, pour arriver à une entente de principe, qui grosso-modo assurait le statu quo des conditions de travail. Sur le plan des salaires, le gouvernement n’a eu qu’à ajouter 1% à son offre initiale, soit un total de 6% sur 5 ans, et promettre 1% supplémentaire à verser à la fin de la convention collective le 31 mars 2015, si la hausse totale du coût de la vie durant la convention était supérieure aux augmentations consenties (Ce qui sera assurément le cas, mais cette indexation pourrait être compromise avec l’annonce récente du gouvernement de gel de la masse salariale).

Bref, pour le gouvernement aussi, les salaires étaient une priorité, et il a pu célébrer l’atteinte ses objectifs.

MAIS POUR QUELLE RAISONS LE GOUVERNEMENT SE VOUE-T-IL TANT À L’APPAUVRISSEMENT DE SES EMPLOYÉES-ÉS?

Le développement des services publics sous la gouverne de l’État avec la révolution tranquille durant les années 1960 a entraîné la syndicalisation des employées-és. Mais,  «…la situation monopolistique de l’employeur des secteurs public et parapublic entraîne chez la partie syndicale un processus d’adaptation : elle tente en conséquence de créer en monopole syndical ou, du moins, de présenter un « front commun » de manière à équilibrer les forces en présences. (… ) Pour infléchir le rapport de force en sa faveur, la partie syndicale fondera ses revendications sur des thèmes mobilisateurs : sécurité d’emploi, revenu familial minimum…, amélioration de la qualité de l’enseignement ou des services de santé, etc. Qui pourrait valablement s’insurger contre de tels objectifs dans une perspective sociale? On cherche aussi à réaliser des gains importants (indexation des salaires, congés de maternité, etc.) qu’on tentera par la suite de généraliser ailleurs. (…) Il s’ensuit que les négociations collectives dans les secteurs public et parapublic revêtent un caractère essentiellement politique. »
(Rapport Martin-Bouchard, Commission d’étude et de consultation sur la révision du régime des négociations collectives dans les secteurs public et parapublic, Yves Martin et Lucien Bouchard, Février 1978).

Ce caractère objectivement politique de la négociation des secteurs public et parapublic est aussi renforcé du fait qu’elle peut mettre en cause le budget de l’État. À l’époque, contrairement aux avis de la majorité des associations patronales qui plaidaient qu’il appartenait au gouvernement seul de déterminer la masse monétaire globale que les citoyennes et les citoyens sont en mesure de payer pour les missions sociales, la commission Martin-Bouchard avait recommandé « qu’il soit clairement établi que sont objets de négociations aussi bien les principes ou paramètres de la politique salariale du Gouvernement que la masse monétaire en découlant, de même que toute autre matière ayant une incidence sur le budget de l’État ». La commission arguait à juste titre: « Comment pourrait-on prétendre garder son sens véritable à la négociation si, dès le départ, on y soustrayait tout le champs des matières ayant une incidence sur le budget de l’État?… Il apparaît, en effet complètement illusoire de concevoir une négociation authentique dans le cadre d’une masse monétaire prédéterminée. »

Malgré tout,  le gouvernement ne respectera pas cette recommandation par la suite. Il aura au contraire régulièrement recours à des décrets et à des lois spéciales déterminant unilatéralement le gel et même la baisse des salaires, et les législations encadrant cet aspect des négociations chercheront plutôt à soustraire cette question à la libre négociation. Aujourd’hui, le gouvernement Couillard récidive.

Néanmoins cela n’en atténue d’aucune façon le caractère politique, mais au contraire l’accentue. En effet, la négociation des salaires est à l’origine même du mouvement syndical, elle fait partie de son essence. Empêcher la libre négociation des salaires n’est rien de moins que remettre en question le droit d’association.

Finalement, ce qui plus que tout confère un caractère objectivement politique à la négociation des salaires dans les secteurs public et parapublic est qu’elle implique en même temps une large part de l’ensemble du mouvement syndical québécois (environ 35% de tout le mouvement) et que de ce fait, ses résultats ont nécessairement un effet d’entraînement, positif ou négatif, sur l’ensemble des salaires de la classe ouvrière au Québec.

La bourgeoisie et le gouvernement étant bien conscients de cela, savent qu’en neutralisant une force aussi formidable que le front commun et en empêchant que se produisent une hausse réelle des salaires dans le secteur public, ils pourront ensuite réussir beaucoup plus facilement à contenir les salaires dans le secteur privé, où les négociations se font en général en détachements isolés.

Éventuellement, c’est toute la classe ouvrière, tant syndiquée que non syndiquée, qui subit les conséquences des défaites dans le secteur public, permettant ainsi à la bourgeoisie d’augmenter globalement la plus-value, et par conséquent, d’augmenter le taux des profits. Outre le fait que « la tendance générale de la production capitaliste n’est pas d’élever le salaire normal moyen, mais de l’abaisser (Karl Marx, Salaire prix et profit), une bonne part de l’accroissement des écarts de richesse entre les plus riches et les plus pauvres des dernières décennies au Québec est attribuable au fait que le front commun syndical des secteurs public et parapublic a pu être tenu en échec sur cette question essentielle.

LUTTONS CLASSE CONTRE CLASSE POUR DE MEILLEURS SALAIRES

Des critiques se sont fait entendre sur le choix du front commun de prioriser les revendications salariales. On soutient qu’il serait mieux de prioriser la lutte contre la fiscalité régressive, l’élimination d’emplois et la réduction de l’offre de services publics.

Sans nier que ces revendications soient importantes, je dirais qu’en réalité, la revendication prioritaire la plus appropriée sera sûrement celle qui sera la plus susceptible d’unir et de mobiliser le plus les membres des syndicats. À cet égard, les revendications salariales ont historiquement joué un rôle du dénominateur le plus commun pour réunir les centaines de professions et de titres d’emploi différents que rassemblent le front commun. De plus, comme je viens d’essayer de le démontrer dans les lignes précédentes, l’appauvrissement systématique subi par les travailleuses et les travailleurs des secteurs public et parapublic depuis de nombreuses années a créé énormément d’appétit pour des augmentations salariales et en rend la demande extrêmement pertinente.

C’est encore plus vrai pour les couches prolétariennes du front commun dont le revenu souvent se situe très près du seuil de pauvreté, voire en dessous, si on tient compte que de nombreux emplois sont précaires et à temps partiel.

À titre d’exemple, j’avais déjà fait une intervention au micro lors d’un conseil fédéral de la FSSS pour témoigner du fait qu’une fois toutes les déductions faites de mon salaire brut, mon salaire net pour un poste à temps complet dans un hôpital dépassait à peine celui au net de mon fils qui venait de débuter un emploi non syndiqué, à temps complet, au salaire minimum. En fait, c’était en juin 2013. Je gagnais $410 net par semaine alors qu’il en gagnait un peu plus de $350. À ce niveau de salaire, dans mon quartier d’Hochelaga-Maisonneuve, le coût moyen d’un loyer pour un 4½ absorbe très souvent la moitié d’un pareil salaire mensuel. Pour tout le reste, il n’en reste donc pas beaucoup.

Je ne raconte pas cela pour me plaindre mais pour illustrer le fait que l’appauvrissement des employées-és des secteurs public et parapublic, majoritairement des femmes, nous ramène un peu à la situation qu’on avait connu en 1972, lorsque le front commun se battait pour le $100 par semaine au minimum pour toutes et tous. Il existe cette possibilité de faire des revendications salariales une véritable lutte de classe.

Il sera cependant nécessaire que dans sa propagande, le front commun ne se contente pas comme il le fait présentement de parler de rattrapage et de comparaison avec le privé, et d’attraction de personnel, mais place plutôt ses revendications dans la perspective d’exiger que les besoins vitaux de la classe ouvrière soient satisfaits. Il s’agit de rechercher la sympathie de la classe ouvrière pour les revendications salariales pour contrer la division que tente de faire le gouvernement entre employées-es syndiqués et usagers payeurs de taxes. Par exemple, la demande d’augmentation du front commun  pour un préposé à l’entretien ménager est de l’ordre de $100 par semaine sur trois ans. C’est loin d’être exagéré. Aujourd’hui personne ne peut vivre décemment et reproduire sa force de travail avec moins que cela.

C’est en réunissant les conditions d’une victoire que les syndicats seront le plus en mesure de résister et de lutter contre toute les attaques du patronat sur toutes les questions et sur tous les fronts, incluant la sauvegarde des services publics.

LA VRAIE QUESTION : PRÉPARER LA GRÈVE.

L’une des principales raison du succès du mouvement étudiant en 2012, mouvement auquel on se réfère volontiers en tant qu’exemple positif, est d’avoir pris le temps de préparer la grève pendant de longs mois. Cette préparation consistait notamment dans le développement d’un argumentaire et un travail d’éducation des étudiantes et des étudiants à l’effet que non seulement la grève était nécessaire, mais qu’elle pourrait être victorieuse malgré la détermination du gouvernement.

En 1989, la Fédération des affaires sociales de la CSN (la FSSS aujourd’hui) avait obtenu l’un des mandats de grève le plus fort de son histoire. Mais, cela avait été aussi longuement préparé. La FAS avait même organisé un large débat sur le thème de la grève avec un panel lors d’une de ses instances au moins une année auparavant. Notamment, l’existence d’obstacle comme la loi 160 extrêmement répressive que le gouvernement avait adoptée en 1986 fit partie des considérations. Un travail de mobilisation intensif s’ensuivit.

L’une des raisons importante de la régression salariale des secteurs public et parapublic tient justement au fait que dans le réseau de la santé et des services sociaux en particulier, les salarié(e)s n’ont plus réellement fait de grève véritable après 1989. Cela a bien sûr affecté le résultat des négociations, en particulier pour la question salariale, de l’ensemble du secteur public québécois puisque le secteur de la santé compte pour une part significative de l’ensemble, et de ce fait, un élément essentiel du rapport de force nécessaire pour gagner des hausses réelles de salaire.

Il faudrait être très naïf pour croire que l’État-employeur, qui cherche toujours à réduire ses dépenses et à contrôler les salaires, pourrait accorder une hausse sans y être obligé.

*L’auteur a été vice-président du syndicat des employé(e)s du CHUM
   et vice-président de la FSSS-CSN responsable des régions de Montréal, Laval et Grand-Nord