Jeunesse Militante reproduit ici une lettre ouverte publié sur différent média le 6 mars dernier pour dénoncer le cybersexisme et signée par 45 féministes. Une lettre à lire si ce n'est pas déjà fait. Les propos de cette lettre sont importants et ne doivent pas tomber dans l'oubli. L'intimidation sexiste sur le net continue et vise à faire taire les femmes et les idées féministes. Il faut que cela cesse. La lute continue.
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Nous sommes féministes. Nous partageons
nos idées sur le web. Et nous sommes unies par l’expérience de la
misogynie latente qui ronge Internet, les médias sociaux, notre vie
publique, notre vie privée.
Lorsque nous prenons la parole sur le web, surtout pour dénoncer la
violence sous toutes ses formes que subissent les femmes, le retour de
bâton s’associe à une pluie d’insultes et de menaces : « Conne », «
J’vais te venir dessus », « Féminazie », « Ostie, j’te fourrerais avec
ta p’tite jupe», « Sale chienne », « Grosse truie », « Je te
cockslaperais jusqu’à ce que tu fermes ta yeule », « Tu mérites de te
faire gang raper », « Tu ne devrais pas avoir le droit de te reproduire
», « Impossible qu’elle se fasse pénétrer par un homme sans qu’elle crie
au viol », « Fermez don’ vos gueules… pendant qu’elles ferment encore! »
Ceci n’est qu’un échantillon du refrain entonné ad nauseam par les
graphomanes misogynes qui sévissent sur la Toile. Ces mots témoignent
d’un sexisme, d’un antiféminisme, voire d’une haine des femmes si
répandue qu’ils frôlent désormais la banalité.
Le cybersexisme est omniprésent dans les conversations en ligne. Il
imprègne les fils de commentaires sur les réseaux sociaux et sur les
blogues, partout où les femmes prennent la parole dans l’espace public
virtuel. Il prend diverses formes : paternalisme, infantilisation, «
mansplaining », surveillance, attaques personnelles, « slut-shaming », «
fat-shaming », diffusion publique de données personnelles, attaque à
l’intégrité physique, menace de viol et de mort, etc. Cette violence
misogyne prend une consonance particulière quand elle s’exerce avec des
accents racistes, islamophobes, xénophobes, transphobes ou lesbophobes.
De telles attaques cherchent intentionnellement à humilier et à
effrayer les femmes pour les exclure du débat public, les museler ou les
réduire à la plus simple expression du préjugé culturel et des
stéréotypes de genre auxquels on les associe.
Certes, cela n’a rien de nouveau : le sexisme précède l’écran.
L’écran offre toutefois des possibilités de techniques nouvelles à
l’expression de la haine envers les femmes. Les canaux sont multiples :
mots-clics, sites web, tribunes médiatiques, pages Facebook, événements…
Souvent, l’anonymat permet à la misogynie de se répandre en toute
impunité.
Les recours sont restreints. Répondre aux commentaires sexistes
demande beaucoup d’énergie. L’antiféministe de fond moyen considère
toute réaction sur le web à ses propos comme l’acte d’une hystérique.
Retirer leurs commentaires ? Il s’en trouvera pour parler de censure :
comme si la liberté d’expression incluait l’injure et les discours
haineux. Porter plainte ? Quoiqu’une menace soit toujours virtuelle, une
menace issue du web sera traitée avec peu de sérieux. Tout se passe
comme si le cybersexisme était socialement acceptable, normal, et qu’y
réagir était la pire des choses à faire : « ignore-les », « t’as pas la
couenne bien dure », «t’as pas le sens de l’humour», «parlez-en en mal,
parlez-en en bien, mais parlez-en ». La violence bien réelle que
subissent les femmes dans l’espace virtuel est banalisée, et les auteurs
de cette violence disculpés.
Nous déplorons cette situation et demandons à ce que la prise de
parole des femmes de tout horizon soit respectée. Le web et les réseaux
sociaux sont des lieux hostiles aux femmes, surtout lorsqu’il s’agit
d’exprimer des idées féministes. Pourtant, ces lieux d’expression sont
de plus en plus déterminants : nous en éloigner est brimant et
limitatif. Nous souhaitons qu’une discussion collective s’engage afin de
faire du web un lieu respectueux pour chacune.
Aussi, il nous appert que les comités éditoriaux des médias sur les
plateformes numériques jouent un rôle crucial dans la lutte contre le
cybersexisme. Nous les interpellons aujourd’hui en soulignant leur
responsabilité sociale dans la création d’un environnement sain pour le
débat. Nous suggérons l’adoption de politiques concernant les contenus
publiés et une pratique adéquate de la modération favorisant le dialogue
entre collaboratrice et lectorat. La cyberviolence est un phénomène
grave, qui, combiné au sexisme, nuit à la diversité éditoriale.
Rappelons également que le Code criminel canadien contient des
dispositions relatives aux discours haineux reposant sur des motifs liés
à la race, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, l’appartenance
religieuse, mais aucune sur la discrimination sur le genre. Il n’y a pas
d’outil pour contrer la propagande haineuse à caractère sexiste,
notamment sur Internet. Il est temps que les femmes disposent d’outils
légaux pour se défendre et que des modifications soient apportées à la
Loi.
La violence misogyne, l’intimidation et le sexisme en ligne doivent
être traités avec le même sérieux que n’importe quelle autre forme de
discours haineux. Ce n’est présentement pas le cas. Donnons-nous les
outils pour dénoncer cette tendance. Ensemble, nous pouvons faire en
sorte que la violence sexiste 2.0 soit renversée au Québec.
Signataires :
- Ericka Alneus
- Dalila Awada
- Isabelle Baez
- Magenta Baribeau
- Marie-Andrée Bergeron
- Mélissa Blais
- Marie-Anne Casselot
- Léa Clermont-Dion
- Alexa Conradi
- Marielle Couture
- Sissi de la Côte
- Martine Delvaux
- Elise Desaulniers
- Toula Drimonis
- Emilie E. Joly
- Catherine Gendreau
- Véronique Grenier
- Roxanne Guérin
- Marilyse Hamelin
- Johanne Heppell
- Marie-Christine Lemieux-Couture
- Sarah Labarre
- Sophie Labelle
- Aurélie Lanctôt
- Widia Larivière
- Valérie Lefebvre-Faucher
- Judith Lussier
- Ikram Mecheri
- Rim Mohsen
- Isabelle N. Miron
- Mélodie Nelson
- Emilie Nicolas
- Françoise Pelletier
- Geneviève Pettersen
- Elizabeth Plank
- Marianne Prairie
- Sandrine Ricci
- Caroline Roy Blais
- Annelyne Roussel
- Tanya St-Jean
- Carolane Stratis
- Josiane Stratis
- Kharoll-Ann Souffrant
- Emmanuelle Walter
- Cathy Wong
- Lora Zepam
- Assignée garçon
- Feminada
- Françoise Stéréo
- Je suis féministe
- Je suis indestructible
- La semaine rose
- Mauvaise Herbe
- Mots dits (Journal Mobiles)
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