Tous les gouvernements, ainsi que toutes les défenderesses et tous les
défenseurs des «accords de libre-échange», ont fait miroiter l'illusion
de création d'emplois et de prospérité. Ceux-ci ne se sont jamais
matérialisés. En effet, c’est le contraire qui s’est produit. Des
centaines de milliers d'emplois ont disparu à cause de l'ALENA, et les
experts prédisent qu’au moins 50 000 autres emplois seront perdus à
cause de l'AECG, le dernier et le plus dangereux de ces accords.
Dans le secret, le gouvernement conservateur d’Harper, l'Union
européenne, et les grandes sociétés transnationales ont récemment conclu
la ronde finale des négociations du plus important accord de
libre-échange de l'histoire du Canada depuis l'ALENA. Bien qu'il y ait
eu des contretemps au Parlement allemand concernant le mécanisme de
règlement des litiges, le gouvernement Harper continue de faire pression
pour obtenir une signature, du moins sur les principes, en Septembre
2014. L'AECG pourrait prendre effet après avoir été ratifié par les
États membres de l'Union européenne, ainsi que par les gouvernements
fédéral et provinciaux du Canada. Cela établi un calendrier très serré
pour bâtir une riposte; tout comme l'AMI (Accord multilatéral
d'investissement) qui avait été défait, le blocage de l'AECG demeure
encore possible grâce à une stratégie de mobilisation de masse et en
faisant de cette trahison une question clé de l'élection fédérale, l'an
prochain.
L'histoire de l'Accord Économique et Commercial Global
avec l’Europe est une histoire de mensonges, de secret, et de
flagornerie des compagnies pour concevoir l'attaque la plus dangereuse
contre la souveraineté du Canada et contre la démocratie à ce jour.
L'AECG mettra la gouvernance canadienne, tant au niveau fédéral que
provincial et municipal, effectivement sous la domination des compagnies
canadiennes et européennes. L’AECG va bien au-delà de l'ALÉNA, mais en
raison des clauses préférentielles de la na¬tion la plus fa¬vo¬risée de
l'ALENA, celui-ci sera mis à niveau selon les standards de l'AECG afin
que tout le monde puisse se joindre au festin des compagnies. Ce que les
Conservateurs et ensuite les Libéraux n’ont pu vendre avec l'ALENA,
sera automatiquement vendu avec l'AECG et les mises à niveau de l'ALENA.
Ainsi, les intouchables (selon la croyance populaire) tel que l'eau,
les soins de santé et l'approvisionnement sont sur le billot avec
l'AECG.
Des fonctionnaires mécontents, tant au Canada qu’en
Europe, ont divulgué des informations au public sur les deux continents,
qui ont traversé le draconien filet de sécurité, le secret, la
désinformation et les scandaleux mensonges perpétrés par les
négociatrices et les négociateurs. C'est ainsi que nous savons qu'il y a
eu une réunion «seulement sur invitation » convoquée en 2009, où les
entreprises canadiennes et européennes ont établi leur « liste de
souhaits » en vue d’un accord commercial néolibéral. Si ce n'était des «
sonneurs d’alarme », même les parlementaires n'auraient pas eu
connaissance de cela. Les nouvelles sont vraiment devenues publiques en
2012, quand on a appris que les négociations duraient depuis des années
et étaient apparemment en voie de conclusion. Cela a indigné
d'importants secteurs du mouvement ouvrier, des chercheurs progressistes
et des ONG, au point où le gouvernement fédéral a été contraint de
tenir des audiences factices et recevoir des représentations en Novembre
2013. Les auteurs des mémoires ont été contraints de d’appuyer leurs
exposés sur des ouï-dire, sur des documents gouvernementaux sommaires
préparés pour cette fin, et sur des fuites de documents. Dans le cadre
de cette farce, ils ont été entendus par un gouvernement qui savait tout
mais officiellement n’admettait rien. Néanmoins, les représentations
ont pu démontrer quelques-uns des dangers intrinsèques.

Très tôt
dans les négociations, l'UE a fait du plein accès aux marchés publics
une question fondamentale et incontournable de l’accord. Ils ont obtenu
ce qu'ils voulaient. Les marchés publics ont peu à voir avec le
commerce, mais tout à voir avec l'accès des entreprises à tous les
niveaux des dépenses publiques jusque dans les conseils municipaux, les
conseils scolaires, etc. Bien que le gouvernement affirme que les soins
de santé ne soient pas en danger, ils le sont certainement. L'existence
actuelle des PPP, les intégrations complexes de services publics /
privés et les établissements de soins de longue durée, donnent amplement
de munitions aux mécanismes de traitement des plaintes des compagnies.
Sous l'AECG, aucun gouvernement ou organisme public ne sera en mesure de
développer des politiques d'approvisionnement qui favoriseraient des
fournisseurs locaux ou régionaux dans le but de promouvoir l'emploi ou
le développement local. Toute municipalité et tout organisme public
devra soumettre ses politiques et ses plans d'approvisionnement au
gouvernement fédéral, et ceux-ci seront accessibles à toutes les
compagnies. Toute compagnie pourra remettre en question les pratiques en
tant qu’avantage injuste, et aura la capacité de porter des accusations
qui ne seront pas entendus devant des tribunaux canadiens, mais devant
un tribunal international non encore déterminé et composé de personnes
qui ne le sont pas davantage.
L'eau du Canada sera à l'agenda
des compagnies si elle a déjà été commercialisée. Cela signifie, par
exemple, que n’importe eau en bouteille qui provient d’une ressource
publique et qui est vendue commercialement, fournira les conditions pour
qu’elle soit privatisée et commercialisée. L’AECG va privatiser l'eau
potable (y compris les services publics municipaux comme les égouts et
l'assainissement des eaux) en couvrant en détail ces éléments pour la
première fois dans des négociations commerciales canadiennes.
L’AECG aura pour effet de supprimer la capacité démocratique des
municipalités, des conseils scolaires, des hôpitaux, des universités,
des organismes provinciaux et sociétés d'État, ainsi que des peuples du
Québec et autochtones, d’utiliser leurs pouvoirs d'achat pour stimuler
l'emploi local et la prospérité. L’AECG va nous engager dans une
privatisation partielle et/ou complète des services publics de l'eau,
rendant pratiquement impossible la reprise en main par le secteur public
de ces services. Il va forcer la privatisation d'autres services
publics tels que les magasins d'alcool et Postes Canada.
L’AECG
va permettre aux compagnies de s’introduire dans la mine d'or de
l'éducation post-secondaire, et de menacer l'intégrité des programmes de
recherche, en leur permettant de poursuivre les étudiantes et les
étudiants qui dénonceraient des pratiques contraires à l'éthique de
recherche.
L’AECG va s’attaquer aux droits des peuples
autochtones conférés par les traités, à leur souveraineté et à leur
droit à l'autodétermination, à cause de la portée très vaste de l'accord
qui donne aux industries étrangères l'accès aux territoires et à l’eau
des Premières nations, des Inuits et des Métis.
Dans tous ces
accords, des clauses préférentielles dites de «nation favorisée»
fournissent une méthode diabolique de mise à niveau de l'état et des
conditions de l’entente pour chacune des parties, à celui de la dernière
négociée. Aussi mauvais l'AECG puisse-t-il être, les négociations
actuellement en cours entre les États-Unis et l'UE sur le «Partenariat
transatlantique de commerce et d'investissement» va assurer des mises à
niveau pour le Canada sans qu’il soit partie prenante des négociations.
Ce n'est pas un secret que le Canada exporte principalement des
matières premières vers l'Europe qui en retour vend principalement au
Canada des produits finis, à valeur ajoutée. Cela a créé un
extraordinaire déficit commercial de 28 milliards $ avec l'UE. Ce
déficit ne peut que s'aggraver si nous rendons plus facile (et moins
cher) pour les entreprises européennes d'expédier les produits finis au
Canada, et plus facile (et moins cher) pour les entreprises canadiennes
d’expédier des ressources en Europe.
Une partie du résumé du
mémoire qu’Unifor a soumis aux audiences de Novembre 2013 contient ce
qui suit: «Nous sommes en train d’octroyer des droits à des
investisseurs et à des compagnies privées qui sont du jamais vu. Nous
sommes en train d’octroyer aux investisseurs et aux compagnies privées
le droit de contester les décisions politiques démocratiques prises par
nos gouvernements nationaux et sous-nationaux, si ces décisions portent
atteinte à leur droit de faire des profits. Qu’en est-il du droit des
travailleuses et des travailleurs d’avoir des emplois décents? Qu’en
est-il du droit des citoyennes et des citoyens à prendre des décisions
démocratiques? »


Pourquoi un gouvernement canadien quel qu’il
soit pourrait-il négocier l'abandon de la souveraineté, céder les
pouvoirs législatifs et judiciaires à une clique de représentants
d'entreprises internationales, mettre les gouvernements municipaux et
provinciaux sous la juridiction de compagnies étrangères, et priver les
Canadiennes et les Canadiens du pouvoir de prendre des décisions dans
leurs propre pays? Parce que l'AECG aura pour effet de mettre en œuvre
le programme néolibéral de privatisation sans qu’il y ait nécessité de
décision parlementaire. Le gouvernement Harper va pouvoir ainsi
accomplir le programme des compagnies par le truchement d'un accord
commercial qui aura été négocié en secret et qui sera un fait accompli
avant même que qui que ce soit, y compris les membres du parlement, ait
pu en voir un manuscrit complet. Les partis d'opposition, et en
particulier le NPD, se sont déshonorés dans leur soutien à ce qui est
essentiellement un acte de trahison. Il y a eu une certaine opposition
de la part du mouvement ouvrier, mais les dénonciations et l’opposition
la plus importante est venue de forces comme le Centre canadien de
politiques alternatives, le Conseil des Canadiens, les mouvements
sociaux au Québec, les municipalités, les organisations de soins de
santé, les organisations environnementales et les Premières nations.
Le Parti communiste a été profondément engagé dans les luttes contre
tous les accords commerciaux passés, de l'ALE à l'ALENA et d'autres, et
nous continuons de faire partie de ce combat crucial. Nous appelons à la
formation urgente d'un bloc de résistance du mouvement ouvrier du
Canada anglophone et du Québec, des Premières nations, des groupes
environnementaux et des groupes de femmes, des mouvements sociaux, des
partis politiques et des organismes municipaux, pour informer le public
des dangers, et pour formuler une riposte d'urgence afin d’arrêter cette
dangereuse trahison.
* Image en haut à gauche : Manifestation à Montréal contre AECG.
* Image plus bas à droite : Manifestation en Allemagne contre CETA (l'AECG en anglais) et TTIP ( ou TAFTA en anglais: Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement - soit un accord de libre-échange USA-Europe)
* Images en bas à gauche : Images du mouvement contre les récents accords de libre-échange en France