Michel Lambert
Directeur général, ALTERNATIVES
Au
moment d'écrire ces lignes, la très prévisible nouvelle de la rupture
unilatérale des négociations par le gouvernement Charest vient de tomber. Les
infimes lueurs d'espoir qu'avaient fait poindre plusieurs jours de discussions
se sont tuent. Les négociateurs étudiants avaient pourtant accepté le cadre
financier gouvernemental. Au nom de la paix sociale, ils avaient aussi envisagé
de financer en partie la hausse du financement universitaire par la perte
d'avantages fiscaux personnels pour les étudiants.
Mais
le gouvernement refuse une sortie de crise où les associations étudiantes ne
s'écraseraient pas complètement. Le compromis est insuffisant et Michèle
Courchesne doit claquer la porte. Plus tard, Jean Charest rappelle une fois
encore que la « solution » à la crise devra maintenir le problème initial!
Arrogance et mépris comme au jour 1. Clairement, les étudiants ne flancheront
pas.
Car les étudiants ont déjà gagné!
Il
ne faut pas se leurrer. À court ou moyen terme, la victoire étudiante sera sans
doute réelle dans son impact sur la hausse initialement exigée. En partie du
moins. Mais elle est déjà beaucoup plus large que cela. L'action étudiante a
ouvert une boite de Pandore trop longtemps fermée. Les impacts sur la
stratégie néo-libérale de Jean Charest sont dramatiquement réels avec notamment
une stratégie électorale totalement déboussolée. Le matamore Charest qui rêvait
d'une élection rapide sur le dos d'une jeunesse mise au pas est coincé et risque
à terme de perdre gros, très gros! Les stratèges libéraux s'arrachent les
cheveux rien qu'en pensant à de prochaines élections qu'on parle maintenant de
repousser à l'extrême limite admissible.
Mais ce que le mouvement étudiant a accompli de plus grand encore fera histoire. Déjà, les liens entre les incroyables manifestations populaires du 22 mars (la hausse), 22 avril (le bien commun et l'environnement) et 22 mai (la désobéissance civile) parlent d'eux-mêmes. Nous avons clairement migré d'un enjeu théoriquement spécifique à la classe étudiante à une remise en question fondamentale d'un système exclusivement économiste (la lutte aux déficits comme unique plan de match), corrompu, qui favorise l'exclusion et qui est mis de l'avant comme l'unique solution par nos gouvernements depuis des lustres. Nos jeunes disent « non » et avec eux, des milliers d'autres prennent maintenant conscience de l'abrutissement qui nous est exigé. Les nuées de personnes, des mouvements de quartiers totalement spontanés et unificateurs, qui descendent dans la rue chaque soir pour battre leurs casseroles n'appellent pas que des élections ou encore la démission de Jean Charest. Elles appellent clairement à un autre contrat social, un « new deal », qui sera basé sur le respect, mais surtout sur les droits à une vie décente, un environnement sain, une démocratie de tous et pour tous.
Mais ce que le mouvement étudiant a accompli de plus grand encore fera histoire. Déjà, les liens entre les incroyables manifestations populaires du 22 mars (la hausse), 22 avril (le bien commun et l'environnement) et 22 mai (la désobéissance civile) parlent d'eux-mêmes. Nous avons clairement migré d'un enjeu théoriquement spécifique à la classe étudiante à une remise en question fondamentale d'un système exclusivement économiste (la lutte aux déficits comme unique plan de match), corrompu, qui favorise l'exclusion et qui est mis de l'avant comme l'unique solution par nos gouvernements depuis des lustres. Nos jeunes disent « non » et avec eux, des milliers d'autres prennent maintenant conscience de l'abrutissement qui nous est exigé. Les nuées de personnes, des mouvements de quartiers totalement spontanés et unificateurs, qui descendent dans la rue chaque soir pour battre leurs casseroles n'appellent pas que des élections ou encore la démission de Jean Charest. Elles appellent clairement à un autre contrat social, un « new deal », qui sera basé sur le respect, mais surtout sur les droits à une vie décente, un environnement sain, une démocratie de tous et pour tous.
Les bras ouverts
Et
entre deux coups sur les casseroles, c'est tout le Québec qui prend son air! Et
tout le monde avec lui. Car pour des millions maintenant, partout, de Denver à
Paris en passant par le Caire ou Ramallah, ce « printemps érable »
s'inscrit clairement dans un mouvement mondial, qui va des révolutions arabes
aux manifestations grecques et espagnoles, ou encore au mouvement Occupy en
lutte contre l'austérité. La solidarité internationale qui déferle de partout
est indéniable et quoiqu'en dise Monique Gagnon-Tremblay, ce n'est pas des
futilités!
Et
ces regards qu'on nous porte maintenant de partout ouvrent une incroyable
opportunité. Hier, les casseroles se sont fait entendre à Toronto, Vancouver,
Kitchener, Calgary et j'en passe. Les mouvements étudiants pancanadiens visent
eux aussi à lancer un débat sur l'accès à l'éducation. Les organisations et
mouvements environnementaux canadiens furent fascinés par le 22 avril à Montréal
et veulent prendre la balle au bond. Tout indique qu'il est grand temps de
ré-ouvrir un vieux rêve et de tendre la main aux progressistes de partout au
Canada pour bâtir un mouvement qui s'attarde aussi au gouvernement
canadien.
78 et 38 ; mêmes combats
Car
tristement, pendant que s'écrit l'histoire au Québec, le gouvernement de Steven
Harper en profite pour passer un sapin historique avec sa loi C-38 qui s'attaque
directement aux droits des réfugiés, aux travailleurs et aux prestataires de
l'assurance-emploi, aux règles environnementales ; tout ça sous le couvert d'un
loi « budgétaire ». Avec l'objectif de favoriser les exportations de pétrole des
sables bitumineux, Steven Harper modifie d'un coup de baguette 753 clauses de
plus de 70 lois du pays. Manon Cornelier écrivait récemment : « s'il y
parvient en ne provoquant que des vaguelettes à l'extérieur du Parlement, il
conclura que son approche intimidatrice est la bonne - encore - et que son gage
de succès est de récidiver. »
Ce
qui se passe au Québec maintenant indique que nous avons la maturité politique
pour relever ce défi. Ce qui se passe à Ottawa implique que nous avons le devoir
de le faire pour les générations futures.
L'heure est venue de dépasser les vieilles rancunes de nos deux solitudes. Les progressistes de partout au Canada regardent cette rebelle province et y voient une locomotive. C'est un rendez-vous historique.
L'heure est venue de dépasser les vieilles rancunes de nos deux solitudes. Les progressistes de partout au Canada regardent cette rebelle province et y voient une locomotive. C'est un rendez-vous historique.
Un Forum social des peuples au Canada
Un
processus est déjà en marche. Dans les derniers mois, des rencontres se sont
tenues à Montréal, Ottawa, Toronto et Vancouver. D'autres sont à venir et
l'automne devrait lancer officiellement un processus qui nous mènera à un large
Forum social en 2014, tout juste avant les élections fédérales. Nous pouvons
construire une alliance extra-parlementaire Québec/Canada/Nations autochtones
qui fera à Steven Harper ce que la population du Québec fait présentement à Jean
Charest, c'est-à-dire contester fortement ses politiques et exiger son départ.
Ce que nous obtiendrons.
Un Festival des solidarités
Alternatives
organise ce samedi 9 juin une rencontre dans ce sens. Des militants et des
organisations de partout au Canada et au Québec seront présents pour discuter de
ces enjeux. Gabriel Nadeau-Dubois, Brigette Depape (la page du discours du
trésor qui arbora le « Stop Harper »), Patrick Bonin (AQLPA - 22 avril), Hervé
Kempf (auteur de « Comment les riches détruisent la planète »), Jacques
Létourneau, Louise Vandelac et plusieurs autres seront présents. Plusieurs
groupes musicaux seront aussi des nôtres pour célébrer avec nous, avec vous, nos
solidarités. Toutes les infos sur alternatives.ca
C'est aussi un rendez-vous.
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