Un reportage de France 24
Une vidéo tournée lors d’une manifestation à Victoriaville (170 km à
l’est de Québec) montre un policier pointer une foule avec une arme,
puis un manifestant par terre, l’arrière de la tête en sang. Selon les
organisateurs, ces images sont la preuve que les forces de la sûreté
québécoise (SQ) ont visé les manifestants au visage avec des balles en
plastique. L’auteur de la vidéo témoigne.
Vendredi 5 mai, une manifestation
à l’appel de plusieurs syndicats et d’organisations de la société
civile a rassemblé environ 2 000 personnes à Victoriaville, où se tenait
le conseil national du Parti libéral au pouvoir. Menés par la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, les participants entendaient dénoncer la politique d’austérité du gouvernement, fragilisé par un climat social très tendu.
Depuis plus de trois mois, le pays vit au rythme d’une fronde étudiante sans précédent
contre une hausse de 75% des droits de scolarité décrétée par le
Premier ministre. Le mouvement contestataire s’est peu à peu étendu aux
syndicats qui dénoncent la politique d’austérité menée par le gouvernement. Selon les observateurs, il s’agirait de la mobilisation la plus importante de l’histoire du Québec.
Comme souvent depuis le début de la contestation, la manifestation
de Victoriaville a rapidement dégénéré en violentes échauffourées, la
police répondant aux jets de pierre des manifestants par des gaz
lacrymogènes. Des deux côtés, de nombreux blessés ont été dénombrés.
Mais cette fois, les organisateurs ont dénoncé
une "escalade de la répression" de la part des forces de police, les
accusant d’avoir mis en danger la vie des manifestants en utilisant,
entre autres, des balles en plastique. Trois d’entre eux ont été
grièvement blessés vendredi, notamment Alexandre Allard, un étudiant de
l’université de Laval victime d’un traumatisme crânien et toujours
hospitalisé. Les organisateurs de la manifestation s'appuyent sur une
vidéo, qui montre le jeune homme blessé, pour demander l’ouverture d’une
enquête.
Pour la première fois depuis vendredi, la sûreté du Québec a laissé entendre
lors d’une conférence de presse jeudi matin que la blessure pourrait
avoir été causée par un projectile utilisé par l’un de ses hommes.
Jusque là, la SQ s’était toujours défendue
d’être à l’origine des blessures des trois jeunes, dont l’un a perdu
l’usage d’un oeil. Le ministre de la Sécurité publique a toutefois fait
savoir qu’aucune enquête ne serait ouverte tant qu’il n’aurait pas été
établi que la blessure a été causée par un policier.
William
Ray a filmé la vidéo présentée aux autorités mercredi par la Coalition
d’opposition civile pour appuyer sa demande d’ouverture d’une enquête
publique.
J’avais remarqué ce jeune homme avant qu’il ne soit à terre. Il se
tenait debout et regardait la scène sans s’agiter, sans crier et lancer
quoi que ce soit sur les forces de police. Il s’est passé 20 minutes
avant que la SQ fasse venir une ambulance. Et pendant ce temps, elle a
continué à gazer la zone où était allongé le blessé.
La sûreté du Québec venait de repousser 200 manifestants de l’autre
côté d’une rue en les aspergeant de gaz lacrymogènes. Je m’étais posté
devant la ligne des forces antiémeutes et j’ai entendu la décharge d’une
arme. J’ai tourné la tête et j’ai vu ce jeune homme s’effondrer au sol.
Des personnes l’ont transporté plusieurs mètres en arrière. Il avait
des spasmes et une grosse blessure derrière l’oreille gauche. Ses yeux
étaient ouverts, mais il était inconscient.
Ce billet a été rédigé avec la collaboration de Peggy Bruguière, journaliste à FRANCE 24.