samedi 5 avril 2014

La lutte électorale au Québec

QS seul dans le coin gauche

Par Robert Luxley
Journal Clarté


Désireuse de profiter de l’avance que sa charte des valeurs avait procurée à son parti dans les sondages, la première ministre Pauline Marois a déclenché des élections générales qui se tiendront le 7 avril prochain. Ce faisant le Parti Québécois transgressait sa propre loi qu’il venait pourtant de faire adopter quelques mois plus tôt pour que les élections soient désormais tenues à tous les quatre ans à date fixe, afin de soustraire, disait le ministre responsable, Bernard Drainville, le moment de déclencher une élection aux « petits calculs » opportunistes et électoralistes et ainsi « réparer le lien de confiance » entre la population et les politiciens.

De toute façon, il semble bien que ce « lien » exigeait des réparations plus laborieuses, puisque depuis qu’il est au pouvoir, le PQ n’a pas cessé de l’éprouver en trahissant une derrière l’autre les promesses qu’il avait faites au peuple pour se faire élire 18 mois plus tôt. Notamment, il a reculé sur l’abolition de la taxe-santé et sur sa promesse d’établir une fiscalité plus progressive et plus équitable; il a trompé les étudiantes et les étudiants en augmentant les droits de scolarité et en réduisant le crédit d’impôt auquel ils donnent droit; il a non seulement reculé sur le gel des tarifs d’électricité mais les a fortement augmentés; il s’est attaqué aux prestations d’aide sociale des personnes parmi les plus démunies.

Obsédé par l’atteinte du déficit zéro dans les finances publiques, le gouvernement péquiste a accru encore plus les coupes budgétaires que faisaient les Libéraux avant lui dans les services publics, notamment en santé et en éducation. Pourtant, malgré ces mesures d’austérité, le gouvernement s’est refusé de mettre un terme aux onéreux contrats en PPP des deux super-hôpitaux de Montréal où sont inutilement gaspillés des centaines de millions de dollars au profit d’entrepreneurs, et ce, en dépit des preuves de corruption et de collusion entourant l’attribution des contrats. Pire, le gouvernement a même favorisé la privatisation de services publics, par exemple ceux d’approvisionnement des médicaments et des fournitures médicales au bénéfice de la multinationale américaine Cardinal Health, pourtant officiellement accusée et convaincue de corruption et de collusion au États-Unis.

Sur le plan de l’environnement et des ressources naturelles, le bilan du PQ est pitoyable. Il a reculé sur la question des redevances minières qu’il devait augmenter et a appuyé le renversement du flux de pétrole dans l’oléoduc d’Embridge. Pire, il a permis l’exploration pétrolière sur l’île d’Anticosti, un joyau de la nature, à grand renfort de subventions de fonds publics (115 millions $) pour les pétrolières.

Bref, depuis qu’il est au pouvoir, le PQ pratique résolument une politique néolibérale et de droite. Cela s’est d’ailleurs confirmé avec le dépôt quelques jours avant le déclenchement des élections d’un budget très austère impliquant des coupes dans tous les ministères. Entre autres, le gouvernement a décidé de faire passer les frais de garderie de 7 à 9 dollars par jour par enfant.

Finalement, la preuve ultime des cette orientation droitière est apparue lorsque Pauline Marois a présenté son candidat dans la circonscription de Saint-Jérôme, le propriétaire milliardaire de l’empire Québécor, Pierre-Karl Péladeau (PKP). Ce dernier, considéré comme un des pires employeurs au Québec, s’est rendu coupable de 14 lockout ces dernières années durant lesquels il avait utilisé allègrement des briseurs de grève pour écraser les syndicats. Or quelques jours plus tôt, le PQ venait de retirer de sa plate-forme électorale une proposition de modernisation de la loi anti-briseurs de grève qui visait justement à empêcher les tactiques que Péladeau avait utilisées pour contourner l’esprit de la loi.

BOUSCULADE DU CÔTÉ DROIT

Avec ce virage à droite, le PQ laisse tomber son masque soi-disant social-démocrate et montre sa nature profonde et sa volonté de récupérer les électrices et les électeurs plus à droite de la Coalition Avenir Québec (CAQ).

En même temps durant les derniers mois, le PQ a pu voiler quelque peu son virage grâce à sa charte des valeurs soi-disant québécoises. En s’appuyant sur des préjugés et en moussant la crainte d’une « menace étrangère » imaginaire qui pèserait sur la culture occidentale (et catholique) de la majorité des Québécoises et des Québécois, le PQ a réussi ainsi à diviser profondément la population et à polariser le débat politique.

Une majorité des francophones soutenant sa charte, le PQ pouvait envisager gagner une majorité parlementaire. La charte vise clairement à s’emparer du vote de l’ex-ADQ fondue au sein de la CAQ et qui avait fait de ces questions identitaires son fonds de commerce. La table est mise et c’est la CAQ qui est au menu. Libéraux et péquistes s’apprêtent à se disputer férocement la carcasse.

Le PLQ et la CAQ soutiennent que les politiques du gouvernement ne sont pas suffisamment austères. Les Libéraux entendent pour leur part faire d’importantes compressions dans les dépenses publiques et des coupes dans le personnel administratif dans le but d’atteindre l’équilibre budgétaire et réduire la dette et tout en diminuant les impôts. Leur plan s’appuie sur une croissance économique très hypothétique pour augmenter les revenus de l’État, croissance qu’ils stimuleraient entre autres, par une relance du « plan Nord ».

Dans le même ordre d’idée, la CAQ tente une fuite « à droite toute » pour éviter de se faire dévorer tout rond. Non seulement réitère-t-elle son programme de 2012 avec des mesures telles que l’abolition des commissions scolaires et des agences de santé, ainsi que la réduction du personnel des services publics, mais elle prend carrément à son compte le programme anti-syndical  de Stephen Harper, tel que d'obliger la tenue d’un vote secret pour reconnaître une accréditation syndicale ou limiter l'utilisation des cotisations syndicales aux strictes relations de travail, etc.

Contrairement à 2012, Québec Solidaire se retrouve donc seul parmi les partis présents à l’Assemblée Nationale à briguer les suffrages du côté gauche.  

LA QUESTION NATIONALE S’INVITE

Tant le PLQ que la CAQ accuse le PQ de ne pas se préoccuper des soucis quotidiens des ménages (qu’ils appellent les « vraies affaires ») et d’avoir plutôt un agenda caché pour tenir un référendum sur la souveraineté du Québec s’il parvenait à obtenir une majorité parlementaire. Puisque que plus de 60% des électrices et des électeurs sont présentement opposés à la souveraineté du Québec, ils agitent la tenue d’un référendum comme un épouvantail pour rameuter le vote fédéraliste. Évidemment, le PQ se défend bien de pareille chose, jurant la main sur le cœur que l’élection n’a rien à voir avec un tel référendum et qu’il souhaite uniquement former un « bon gouvernement » majoritaire.

Au contraire, Québec Solidaire a affirmé très fortement sa position souverainiste dès le départ de la campagne électorale dans le but très clair de rallier les souverainiste déçus des tergiversations du PQ.

Cependant, l’arrivée dans la campagne électorale d’un grand capitaliste comme PKP faisant sa profession de foi pour la souveraineté du Québec a conféré un caractère référendaire à la campagne, la polarisant entre le PLQ fédéraliste et le PQ souverainiste. Jusqu’à présent les sondages révèlent que la CAQ fait les frais de cette polarisation au profit du PLQ qui a pris les devants.

En même temps, l’arrivée de PKP clarifie une fois pour toute pour plusieurs souverainistes progressistes la véritable nature de classe du PQ. Plusieurs ont été scandalisés que le PQ puisse s’accoquiner avec pareil individu, capable de symboliser à lui seul toute la laideur du capitalisme. On a alors vu plusieurs interventions de ténors de la gauche péquiste et souverainiste, dont plusieurs anciennes dirigeantes et dirigeants syndicaux qui, afin de soutenir la candidature de Péladeau, ont par la même occasion clarifié leur approche de la question nationale.

L’ancien président de la CSN, Marc Laviolette, a bien résumé leur vision commune lorsqu’il a déclaré que la souveraineté du Québec ne pouvait « se faire qu’à droite ». En fait, selon elles et eux, la souveraineté est une première étape dont la réalisation exige un front uni des classes de la société québécoise, front uni qui ne peut donc se réaliser qu’en assurant le statu quo des rapports que ces classes ont entre elles. Le progrès social, selon elles et eux, ne peut survenir que par la suite, dans un deuxième temps, une fois la souveraineté réalisée, et résultant de la lutte des classes alors rendue possible.

Selon ces gens, le seul véhicule valable pour accomplir cette démarche est le PQ, même s’ils peuvent à l’occasion déplorer ses positions trop à droite. C’est aussi pour cela qu’ils attaquent avec hargne QS qui refuse de « collaborer » en dépit de sa position souverainiste. Selon eux, à ne vouloir trop représenter que les intérêts des travailleuses et des travailleurs et des couches populaires, QS divise les forces souverainistes et joue le jeu des fédéralistes. En réalité, QS est tout simplement convaincu que les travailleuses et les travailleurs qui composent la majorité du peuple ne soutiendront jamais la souveraineté si elles et ils n’y retrouvent pas leurs intérêts, et pour cette raison ne dissocie pas le progrès social de la souveraineté.

QS, SEUL CHOIX POSSIBLE POUR LES PROGRESSISTES


La plateforme électorale de QS vise à établir une plus grande justice sociale et à sauvegarder l’environnement. Soulignons entre autres que:

QS propose une réforme de la fiscalité en ajoutant des paliers d’imposition de façon à faire payer davantage les mieux nantis et les profits des entreprises. Il restaurerait la taxe sur le capital des sociétés financières.

QS créerait une assurance-médicament publique et universelle.

Contrairement aux autres partis, QS se propose de renforcer les droits syndicaux, notamment en permettant l’accréditation multipatronale, en interdisant les lockout et tout recours même indirect aux briseurs de grève, ainsi que le recours aux injonctions contre le piquetage.

QS veut lutter contre la précarité en améliorant les normes du travail en haussant le salaire minimum au niveau de faible revenu, en accordant pour toutes et tous des congés, des journées-maladie payées et des vacances améliorées, en créant un régime de retraite public et universel, et en instituant un revenu minimum garanti pour toute personne adulte de 12 600$ par année.

QS créerait des dizaines de milliers d’emplois en créant 50 000 logements sociaux durant 5 ans, et en investissant 23 milliards $ dans le développement de transports collectifs et la rénovation éco-énergétique de façon à restreindre au maximum l’utilisation d’énergie fossile. 

En ce qui concerne la Charte des valeurs du PQ, QS se prononce pour une société inclusive et est donc opposé à l’interdiction de signes religieux pour les employé(e)s du secteur public, sauf pour les personnes en autorité comme les juges, les policières et policiers, etc.
  
Par rapport à la question nationale québécoise, QS propose dès son arrivée au pouvoir de lancer une démarche d’assemblée constituante, représentative, indépendante et élue au suffrage universel, qui mènera une vaste consultation populaire pour élaborer un projet de constitution qui sera soumis au peuple par référendum. Le projet de constitution proposera un statut politique pour le Québec. Durant la démarche de consultation, QS quant à lui défendra l’idée de faire du Québec un pays indépendant. En même temps, QS admet que les peuples autochtones n’ont jamais renoncé à leur souveraineté et entend faire adopter et mettre en application la Déclaration de l’ONU pour les droits des peuples autochtones, et négocier une entente pour tout projet de développement sur les territoires autochtones. L’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador quant à elle a tenu a rappelé tous les partis à l’ordre en cas de mouvement vers la souveraineté du Québec, soulignant que les peuples autochtones ne sont pas québécois et disposent de leur plein droit à l’autodétermination sur leurs territoires.
  
Le Parti communiste du Québec (section du PC du Canada), bien qu’il ait contribué à la création de QS dans le but d’unifier les forces de gauche au Québec face à la droite néolibérale, a toujours réservé son opinion concernant la question de la souveraineté du Québec, et, tout en reconnaissant son droit à l’autodétermination, place les intérêts de la classe ouvrière et la lutte pour le socialisme au premier plan, et il défend par conséquent l’unité nécessaire de la classe ouvrière à travers tout le Canada pour atteindre cet objectif. Durant la démarche de consultation de l’assemblée constituante, le PCQ défendra quant à lui cette idée.

En 2012, les circonstances avaient forcé le PQ à faire campagne à gauche et il a pu gagner l’élection grâce à la division du vote de droite entre le PLQ et la CAQ. En essayant de prendre la place de la CAQ cette fois-ci, le PQ contribue à polariser le débat sur l’axe souveraineté-fédéralisme, abandonnant la gauche totalement à QS qui bien sûr a peu de chance de l’emporter. Si le PQ est élu, il ne lui sera plus nécessaire de trahir ses promesses, puisqu’il gouvernera sur l’essentiel à peu près comme le PLQ le ferait si c’était plutôt lui qui l’emportait. Seul le vote qu’obtiendra QS permettra de mesurer les avancées politiques de la classe ouvrière.

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