mercredi 2 avril 2008

Article francophone parue dans le Rebel Youth (2007)


Libération de Luis Posada Carriles :
Le double discourt de la Maison Blanche

Le 19 avril dernier, le monde entier avait la preuve de l’hypocrisie du gouvernement américain à propos de sa prétendue guerre au terrorisme. C’est qu’à cette date était libéré un des terroriste les plus connus, Luis Posada Carriles, qui à une longue série d’attentat à son actif, dont celui d’avoir fait sauté un avion de ligne cubain tuant ainsi 73 personnes à la Barbade.

Depuis le 11 septembre 2001, les États-Unis mène une guerre farouche au terrorisme, la «War on terror». Ce concept géopolitique débouchant sur la guerre préventive a permis de justifier l’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak. C’est aussi cette guerre au terrorisme qui a donné naissance au «Patriot Act» et qui à permis la création de nombreuse lois anti-démocratiques même à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières américaines. Ainsi au Canada, le gouvernement c’est donner le droit d’arrêter des individus sur de simples soupçons, sans qu’aucunes accusations ne soient portées et sans donner la possibilité à l’individu de prévenir sa famille.

Le gouvernement américain se permet donc de sacrifier des droits démocratiques fondamentaux et bafoue les règles internationales au nom de la sécurité. Mais si cette sécurité et cette guerre au terrorisme lui sont si cher, comment ce fait-il que ce même gouvernement protège un terroriste comme Luis Posada Carriles ?

Rappelons d’abord les faits. Luis Posada Carriles est un cubain exilé à Miami qui tout au long de sa vie, a mené des attentats terroristes contre Cuba et soutenu des dictatures comme celle de Pinochet au Chili. Mais le plus important, c’est qu’il a mené toutes ces opérations sous le commandement de la CIA pendant plus de 25 ans. En 2005, il entre illégalement aux États-Unis et demande l’asile politique comme ancien agent de la CIA. Le Venezuela demande au même moment son extradition pour qu’il soit jugé pour son crime à la Barbade au nom de leur traité bilatéral d’extradition avec les USA. Les États-Unis refusent pourtant, prétextant que Posada pourrait être torturé. Alors que la pression populaire et celle des organisations pour les droits de l’homme, tel Amnesty International, augmente, Posada se vante de n’avoir rien à craindre des autorités américaines puisqu’il a travaillé longtemps pour elles. Face aux pressions et à cause son arrogance, Posada est arrêté le 17 mai 2005 à Miami. L’ennui, c’est que l’accusation contre lui ne fait aucunement référence au terrorisme. Il est accusé de délits migratoires mineurs et de faux témoignage lors de sa demande de naturalisation américaine ce qui entraine un maximum de six mois de prison. Deux ans plus tard, il est libéré sous une caution de 350 000$ jusqu’à son procès le 11 mai 2007.

La juge de la Cour fédérale d’El Paso au Texas, Kathleen Cardone, celle qui a accordé la libération sous caution à Posada, note le ridicule de la situation: « Le fond de ce cas-ci n’est pas le terrorisme, mais une fraude migratoire. Le terrorisme et la décision de savoir si un individu doit être classé ou non comme terroriste est de l’entier ressort du pouvoir exécutif ». Elle ajoute que de toute manière, ayant été deux ans enfermé, il a déjà purgé sa peine pour les délits dont on l’accuse.

On voit bien que le gouvernement américain tente de faire taire Luis Posada Carriles et que sa liberté en est le prix. L’homme de 79 ans en connaît beaucoup sur les interventions des États-Unis en Amérique latine et dans les Caraïbes. Un procès à son sujet pourrait mettre au jour des informations cruciales qui placeraient le gouvernement américain sur le band des accusés. C’est pourquoi ce dernier tient tant à ce que son protégé ne soit pas déporté au Venezuela prétextant la torture. Rien n’est plus ridicule puisque ce même gouvernement pratique la «déportation extraordinaire» pour envoyer des gens être «interrogés» dans des pays qui pratiquent la torture. Sans compter que dans la prison américaine de Guantanamo, on y pratique couramment la torture.

Lorsqu’on consulte la feuille de route de ce terroriste, on voit bien a quel point son silence est précieux. (Voir encadré) D’ailleurs, les plus hautes autorités du pays ont donné ordre à la cour que tout témoignage ou tout élément lié au travail de Posada dans la CIA devait être immédiatement écarté. Cela est bien illustré dans la déclaration qu’à fait la Havane le 9 mai dernier :

«La manipulation ayant abouti à ce dénouement, la protection octroyée au terroriste dès son entrée aux États-Unis, les chefs d’accusation concernant des délits mineurs, le renvoi du terroriste d’une agence fédérale à l’autre, d’un tribunal à l’autre, et finalement la décision de la juge Cardone du 8 mai dernier, prouvent que le plan de Washington était justement de l’empêcher de parler des actions criminelles qu’il a perpétrées contre les peuples cubain et vénézuélien, et contre d’autres peuples de notre Amérique quand il agissait aux ordres de la CIA et, en particulier, aux ordres du père du président actuel qui a dirigé cette agence d’espionnage et de subversion en 1975-1976, années où les actions terroristes contre Cuba ont été les plus violentes et les plus impitoyables, ou alors dans les années 80 quand il était vice-président et que le gouvernement menait sa sale guerre contre le peuple nicaraguayen.»

Les États-Unis prétendent défendre la démocratie à travers le monde. Combien de fois le mot liberté est-il audible dans les discours de George W. Bush ? De très nombreuse fois ! Mais tout cela est vide de sens lorsqu’on observe les faits. C’est leurs propres lois que les autorités étatsuniennes bafouent en libérant Luis Posada Carriles. La section 412 du fameux «Patriot Act» dit clairement qu’il est interdit de relâcher un individu si : « sa libération menace la sécurité nationale des États-Unis ou la sécurité de la communauté ou de n’importe quelle personne ». C’est plus que des soupçons d’être une menace qui pèse sur Posada, il EST une terrible menace et il ne s’en cache pas. Dans une interview donnée au New York Time le 12 Juin 1998, il avoue tous ses crimes et son appartenance à la CIA, sa collaboration avec la DINA, la redouté police secrète de Pinochet qui avait pour mandat d’assassiner et de torturer tout opposant au régime. Il avoue aussi être impliqué dans la vague d’attentat à la bombe contre des lieux touristiques à Cuba dans les années 90 qui a coûté la vie au jeune montréalais d’origine italienne, Fabio Di Celmo. Lorsque le journaliste l’interroge sur sa culpabilité, Posada affirme qu’il n’a aucun remord, qu’il «dort comme un bébé». Cet homme est non seulement un terroriste avoué, mais il est prêt et déterminé à recommencer, d’autant plus qu’il ne regrette rien. Encore une fois, la déclaration de la Havane du 8 mai 2007 exprime bien le fait que les USA bafoue leur propres règles : «L’administration étasunienne a bafoué d’une manière retorse non seulement la Résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations Unies, qu’elle a elle-même présentée devant cet organe, mais aussi les traités sur le terrorisme auxquels elle est partie, notamment la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, entrée en vigueur le 23 mai 2001, et la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, entrée en vigueur le 26 janvier 1973»

Si l’affaire Luis Posada Carriles démontre à nouveau la perfidie de l’administration Bush, le problème des cellules terroristes à Cuba reste entier. Car en effet, dans toutes ces actions, Posada à toujours été soutenu par les groupes cubains d’extrême droite de Miami. Posada n’est pas le seul à perpétrer des actes terroristes contre Cuba. Il existerait au sein de cette population d’exilés de la révolution cubaine environ 40 groupes de terroristes. Leurs actes auraient causé plus de 3 000 morts. Même si justice est rendu ce 11 mai prochain par on ne sait quel miracle, la menace principale resterait entière. Cuba doit non seulement supporter l’embargo et toute la pression des USA, mais il doit aussi supporter les attaques constantes des terroristes de Miami soutenus à grand renfort par le gouvernement de George W. Bush.

Le Canada n’est pas innocent dans cette histoire. Luis Posada Carriles aurait pu être déporté ici à défaut d’aller au Venezuela ou à Cuba. Ce, pour la simple raison qu’il a assassiné un citoyen canadien le 4 septembre 1997, soit le jeune touriste Fabio Di Celmo. D’ailleurs, la famille de cette victime lutte pour qu’il soit jugé et fait pression sur le gouvernement canadien. Le Canada utilise le même genre de tactique que celle démontrée dans l’affaire Posada pour étendre son hégémonie sur les autres peuples. Cela, en encourageant des groupes subversifs peu importe les atrocités commises. Il est clair aussi, que le Canada n’a pas intérêt à ce mettre à dos son précieux allié et n’a que faire de la justice.

La libération de Luis Posada Carriles est une preuve de plus que les soucis démocratiques et la volonté d’instaurer la paix et la sécurité ne sont qu’un écran de fumée. Dans ce cas, qu’est-ce qui motive les mesures drastiques prises par les autorités contre le terrorisme ? On peut au moins constater que le gouvernement américain met en place les bases d’un État policier. En privant les gens de leur droit fondamentaux au nom d’une guerre au terrorisme et en même temps, en soutenant des criminels comme Posada qui fond le sale travail à l’étranger. Ce qui permet aux États-Unis de maintenir leur emprise sur les peuples pauvres du Sud.




Voici un petit historique rappelant les principaux évènements qui ont marqué la vie du terroriste Luis Posada Carriles.


15 Février 1928 : Luis Clemente Faustino Posada Carriles nait à Cienfuegos, à Cuba.

1959 : Il s’évade de Cuba après la révolution cubaine. Il était, auparavant, agent de police sous la dictature de Fulgencio Bastista.

Février 1961 : Il est recruté par la CIA et intègre la brigade 2506. Il reçoit alors une formation de tactique terroriste et de démolition à l’École des Amériques de Fort Benning en Géorgie et devient un expert en explosif.

Avril 1961 : Durant son travail à la CIA, Posada va entre autre, participer activement à la tentative d’invasion de Cuba par les États-Unis de la «Baie des Cochons». Comme on le sait, cette tentative a échoué.

Avril 1965 : Il devient un agent officiel de la CIA.

Juin 1965 : Il tente de faire sauter un bateau soviétique au Mexique.

1970 à 1974 : Luis Posada Carriles travaille comme responsable de la division de contre-espionnage des services de renseignements vénézuéliens, la DISIP. Il participe alors à la torture et à l’exécution de nombreux opposants politiques, syndicalistes et militants pour la justice sociale.

1971 : Il participe à un attentat contre Fidel Castro au Chili alors que le président cubain vient rendre visite à son homologue chilien, le président Salvador Allende.

21 janvier 1974 : Posada est impliqué dans la pose de bombes dans les ambassades de Cuba en Argentine, au Pérou et au Mexique.

Novembre 1974 : Il fait plusieurs attentats à la bombe en Équateur.

22 Avril 1976 : Il commet un attentat à la bombe tuant deux personnes contre l'ambassade de Cuba au Portugal.

21 Septembre 1976 : Il travaille alors avec la DINA, la redoutée police secrète du dictateur Pinochet au Chili. Posada assassine donc le ministre chilien des affaires étrangères en exil de l’ancien gouvernement Allende, Orlando Letellier, et sa secrétaire américaine, Ronni Moffitt, à Washington, grâce à une voiture piégée. Rappelons que le gouvernement d’Allende a été renversé par le coup d’état de 1973 qui a permis à Pinochet de prendre le pouvoir.

6 Octobre 1976 : Posada fait exploser l’avion de ligne cubain 455, le Cubana de Aviación, au dessus de la Barbade. Il le fait notamment avec un autre fameux terroriste, Orlando Bosch. L’attentat fait 73 victimes, soit l’ensemble des passagers.

Juin 1976 : Il n’est plus officiellement un agent de la CIA et est arrêté au Venezuela pour le meurtre des 73 passagers.

18 Août 1985 : Il s’évade de la prison vénézuélienne avec l’aide des groupes cubains d’extrême droite en Floride. Il va ensuite rejoindre le lieutenant-colonel Oliver North au Salvador et s’installe à la base aérienne d’Ilopango. De là, il participera à la guerre contre le gouvernement sandiniste du Nicaragua principalement en fournissant des armes aux contras.

21 Juillet 1986 : Deux de ses complices sont condamnés à 20 ans de prison pour les attentas à la Barbade.

1988 : Il participe à un autre attentat contre Fidel Castro durant son voyage au Venezuela.

1990 : Il est envoyé à Cuba sous les directives de la CIA.

12 Avril 1997 : C’est le premier d’une série d’attentats visant des lieux touristiques cubains. La première bombe explose dans une discothèque Aché de l’hôtel Meliá Cohíba.

4 Septembre 1997 : Dans ses attentats à la bombe, il tue un jeune montréalais d’origine italienne, Fabio Di Celmo.

12 Juin 1998 : Il accorde une entrevue au New York Time et avoue ces différents crimes dont celui de la Barbade et ceux à la havane. Il dira notamment à propos du jeune touriste italien qu’il « se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. » Il précise aussi que malgré tout, il «dort comme un bébé».

1998 : Cinq agents cubains infiltré dans le réseau terroriste de Posada découvrent la nouvelle cible de celui-ci. Il projette de faire exploser des avions de ligne en direction de Cuba pour mettre fin au tourisme dans ce pays. La même année, une délégation du FBI se rend à Cuba et dit vouloir collaborer avec les autorités cubaines pour arrêter le terroriste et ses complices, ainsi que d’autres groupes terroristes infiltrés par ces agents.

12 Septembre 1998 : Au lieu d’arrêter Luis Posada Carriles, les autorités américaines arrêtent les cinq agents cubains qui infiltraient le réseau de Miami et les accusent d’espionnage. Ces cinq agents sont les fameux cinq cubains pour lesquels de nombreuses organisations comme Amnesty International luttent pour leur libération.

17 Novembre 2000 : Il est arrêté au Panama en compagnie de Jimenez Escobedo, Remon et Novo Sampoll, alors qu'il s’apprêtait à faire exploser l'amphithéâtre d’une université où quelques milliers de personnes venaient assister au discours de Fidel Castro pour le Sommet des Amériques. Il est condamné à 8 ans de prison.

25 Août 2004 : Il est gracié par la présidente panaméenne Mireya Moscoso et est donc libéré de prison à la suite de pressions exercées par l’extrême droite cubaine de Miami et du gouvernement américain.

Mars 2005 : Il entre illégalement au États-Unis à bord du bateau Santrina.

2005 : Posada fait une demande d'asile politique en tant qu'ancien agent de la CIA.

4 Mai 2005 : Le Venezuela demande formellement l’extradition du terroriste.

13 Mai 2005 : Une conférence de presse à Washington organisée par des personnalités publiques et les familles des victimes exige son arrestation et son extradition.

17 Mai 2005 : Il est arrêté à Miami à la suite des pressions populaires et d’une conférence où il affirmait ne rien craindre des autorités américaines qu’il avait longtemps servies. La même journée a lieu une grande manifestation à la Havane de plus d’un millions de personnes pour que Posada soit jugé comme terroriste.

19 Mai 2005 : Il est inculpé d’entrée Illégale aux USA et de faux témoignage lors de son entrée au pays.

5 Avril 2007 : La juge de la Cour fédérale d’El Paso au Texas, Kathleen Cardone, refuse que Luis Posada Carriles soit libéré sous caution.

6 Avril 2007 : Le lendemain de son refus, la même juge renverse son jugement et accepte de libérer l’accusé pour une caution de 350 000$ US. Des pressions de la part du gouvernement américain seraient en cause dans ce revirement.

19 Avril 2007 : Posada est libéré jusqu’à son procès.

1er Mai 2007 : La manifestation à Cuba pour le premier mai, journée internationale des travailleurs et des travailleuses, à été l’occasion de nouvelles revendications de la population pour que Luis Posada Carriles soit jugé pour tous les crimes qu’il a commis.

8 mai 2007 : La Juge Cardone rend un jugement qui limite les accusations contre Luis Posada Carriles à un délit migratoire mineur et à faux témoignage, c'est-à-dire à l’accusation originale. Ce, car elle dit ne pas avoir le pouvoir de le juger comme terroriste et suite à un ordre du gouvernement affirmant que tout témoignage ou toutes preuves en rapport avec les activités de l’accusé dans la CIA devait être exclus du procès.

11 Mai 2007 : Ouverture de son procès pour entrée illégale aux USA sans aucune mention de terrorisme. Une manifestation est aussi prévue à Toronto devant l’ambassade américaine pour dénoncer la situation. Le même genre d’action est prévu un peu partout dans le monde, comme à Cuba, aux États-Unis ou a Bruxelles.

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