samedi 7 octobre 2017

Opinion : Le problème de l'ASSÉ



JM publie une lettre qui lui a été envoyée à la suite du congrès de L'ASSÉ en fin de semaine dernière.

Wauki Wayra

L'Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante à tenu pendant la fin de semaine du 30 septembre au 1 octobre son congrès automnal. Lors de ce congrès, beaucoup de sujets sont ressortis et un plan d'action étoffé a vu le jour : la campagne féministe annuelle bat son plein en plus d'entreprendre une manifestation le 12 novembre prochain sur une base solidaire et antiraciste. Ce congrès a mobilisé l'attention des médias, chose qui n'était pas arrivée depuis longtemps. Malheureusement, ce fut en raison d'une nouvelle plutôt sombre : une motion pour la dissolution de l'ASSÉ avait été déposée.

La motion de dissolution a heureusement a été défaite. Reste que l'ASSÉ ne va pas bien. Ses structures se vident. Les actions qu'elle organise ne mobilisent que peut de militantes et militants. L'ASSÉ semble être à bout de souffle. Plusieurs échos résonnent encore dans ma tête. Nous sommes au congrès : comment se fait-il que si peu de délégations se sont présentées. Nous avions tout juste le quorum! Si quelqu'un partait, s'en été fini!

Comment un moteur d'unité, une organisation nationale qui a accompli ce que nous savons en 2005 et en 2012 peut-elle avoir autant de misère à mobiliser ses membres? À mon avis, le problème en soi de l'ASSÉ n'est pas dans sa structure ou sa motivation objective, non, le problème c'est que l'ASSÉ c'est éloigné de son mandat premier : défendre les étudiantes et les étudiants et la gratuité scolaire.

L'association en soi n'est presque plus reconnue, on ne voit que l'enveloppe sans même regarder le message. Je m'explique. En congrès, nous proposons, votons, pensons et agissons selon nos mandats d'association. C'est-à-dire que nous représentons un ensemble d'étudiantes et d'étudiants. Le problème de l'ASSÉ, c'est de vouloir imposer une vision du militantisme, du féminisme, du progrès... Jusqu'ici, tout va bien, mais pour combien de temps? En soi, de faire de l'éducation citoyenne, militante et engagée est respectable et je ne tente en aucun cas d'amoindrir le travail de moine que certaines et certains ont pu faire. Il est cependant primordial de constater un échec de la pratique.

Plusieurs pensent qu'un plancher doit rester entier, que les délibérations doivent avoir lieu entre délégations et non entre individus. Il ne faut pas rejeter le blâme sur ceux et celles qui coordonnent le congrès, mais se pencher sur le rôle des associations. En effet, nous avons très mal préparé ce congrès : très peu d'associations ont voté des mandats en assemblée générale départementale, donc, très peu de débats ou très peu d'orientations proposées par le plancher, outre la manifestation du 12 octobre. La démocratie de l'ASSÉ est mise à mal.

Enfin, la contradiction entre centralisation et décentralisation bat son plein. Alors que nous avons tous besoin de nous mobiliser sur le terrain et de FAIRE avancer la lutte, nous continuons de patiner dans des procédurites et des camps de formation (pareil à ceux qu'on a déjà assister) déguisés. Le problème de l'ASSÉ, c'est la division. Il y a une solution, bien qu'elle ait été fantôme pendant le congrès : revenir à notre mandat pour la gratuité scolaire... Nous avons oublié ce que c'est que l'ASSÉ, mais nous y reviendrons! Assos de toutes facultés, unissez-vous!


mercredi 4 octobre 2017

Bella Ciao

Alla matina, mi son svegliata, o bella ciao bella ciao bella ciao ciao ciao... 

Voici les premiers vers d’une chanson connue internationalement. Reconnue comme hymne de la Résistance du peuple italien contre la fascisme, Bella Ciao est entonnée par pratiquement tous les progressistes qui s'identifient à ce chant traduit en une soixantaine de langues, que ce soit en italien, français, anglais ou en arabe par exemple. Mais quelle en est l’origine ?
 
Si les versions sont nombreuses, dans plusieurs langues et avec plusieurs mélodies, il reste que la version qui semble faire école à travers le monde est, à peu de différences près, celle de Banda Bassoti (qui a participé au 18e Festival mondial de la jeunesse et des étudiants à Quito en 2013), des Modena City Ramblers ou de Maro Calliari, c’est à dire la version des partisans, la version partigiana.
 
Pourtant, peu sont ceux et celles qui savent qu’à la base, Bella Ciao serait dérivée d’une mélodie klezmer, donc juive d’Europe de l’Est, composée par Mishka Ziganoff: Koilen. Aussi peu nombreux sont ceux qui connaissent une autre version italienne, sans doute précédente à la version partigiana. Il s’agit de celle des Mondine, femmes travailleuses saisonniaires dans les rizières des plaines padanes et veneto-frioulanes du nord de l’Italie. Dans cette version, la mélodie est très semblable de la version des partisans, mais le texte en est différent principalement en ce sens qu’il se consacre principalement aux difficiles conditions de travail de ces femmes exploitées dans les rizières du nord de l’Italie, comme en témoigne la conclusion du chant :  « ma verra un giorno che tutti quanti lavoreremo in libertà » (un jour viendra où tous et toutes, nous pourrons travailler en liberté). La préséance de cette version sur celle du chant partisan est encore discutée, mais il semble que ce serait la trouvère Giovanna Daffini, engagée dans la Résistance italienne lors de la 2e Guerre mondiale qui aurait popularisé ce chant appris de son grand-père auprès des Résistants du nord de l’Italie. C’est ainsi que ce chant de travail, avec quelques modifications au texte, se serait ajouté aux hymnes de la résistance anti-fasciste.  
 
De là, comment en vient-on à un hit que la gauche internationale a fait sien ?
 
Il faut d’abord savoir que Bella Ciao n’était connu que d’un groupe assez restreint de résistants du nord de l’Italie. Lors de la 2e Guerre mondiale, le chant de ralliement de la Résistance étant plutôt Fischia il Vento, entonné sur l’air de Katioucha, donc ostensiblement pro-soviétique. Selon plusieurs en effet, Bella Ciao n’était connu que d’une minorité de résitant-e-s et de militant-e-s anti-fascistes, en particulier des communistes.
 
Il faut donc attendre le 1er Festival de la jeunesse et des étudiants, tenu à Prague en 1947, pour que la jeunesse démocratique et progressiste du monde, triomphante de la barbarie fasciste et nazie, entonne ce chant anti-fasciste. Si la jeunesse communiste et anti-impérialiste avait déjà fait sienne cette chanson dans les années d’après guerre, Bella ciao reste un chant politique lié à une mouvance politique. Il faut attendre le début des années 1960 pour que ce chant, notamment grâce à la version d’Yves Montand (militant de la jeunesse communiste jusqu’en 1968), connaisse un succès mondial.

samedi 1 juillet 2017

Canada 150: qu'y a-t-il à célébrer?



Comité central exécutif
1er juillet 2017

La YCL-LJC considère les mobilisations autour du 150e anniversaire du Canada, qui ont couté au moins 500 millions de dollars, comme des provocations de la part de la classe dirigeante aux peuples autochtones, victimes de l'impérialisme canadien, aux progressistes, à la jeunesse et à la classe ouvrière de ce pays. Nous joignons notre voix aux nombreux groupes qui dénoncent fermement la propagande et les tentatives de réécriture de l'histoire canadienne, comme si cette histoire devait être célébrée. Le Gouvernement du Canada tente de faire de cette journée du 1er juillet une fête à célébrer dans l'unité et dans la fierté. Néanmoins, plusieurs ne célèbreront pas la date de la signature de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique (AANB) qui a uni les dernières colonies britanniques d'Amérique du Nord au sein d'un dominion qui concrétise l'oppression nationale dans sa Constitution.

Pour la jeunesse des Premières Nations, Inuit et Métis, l'oppression nationale a été et continue d'être une réalité violente et actuelle qui fait partie des crimes de l'impérialisme canadien. Le génocide et le racisme anti-autochtone systémique font encore partie de la vie quotidienne des jeunes autochtones. Ceci est attesté par les innombrables exemples de forces policières qui commettent des abus sexuels et physiques auprès des jeunes femmes autochtones dans l'impunité la plus totale. Cette situation est également attestée par le peu de progrès dans le dossier de l'Enquête sur les femmes autochtones disparues et assassinées malgré la la demande publique pour cette enquête et la justice. Le leg des pensionnats de réforme, qui avaient pour but de "tuer l'Indien dans l'enfan", demeure frais dans la mémoire de la jeunesse qui souffre toujours, en conséquence, l'assimilation forcée et à qui il est impossible d'étudier dans sa langue nationale. La Loi sur les Indiens, qui prévaut toujours et qui a inspiré le régime d'Apartheid sud-africain, fait des peuples autochtones des citoyens de seconde catégorie. Demander aux nations autochtones de célébrer ce 1er juillet représente une rature de cette histoire coloniale violente, qui renforce le traumatisme intergénérationnel dans une ère de soi-disant réconciliation. Le Canada a été construit sur le vol des terres autochtones et ses 150 ans d'histoire ont dévasté les communautés autochtones.

Pour la jeunesse du Québec, les 150 ans écoulés depuis la signature de l'AANB sont marquées par l'inégalité et la discrimination. Ceci est reflété par le fait que, jusqu'à la Révolution tranquille, les travailleurs-euses québécois percevaient des salaires considérablement moindres que ceux de leurs collègues anglophones. Les opportunités pour la jeunesse québécoise étaient limitées. Plusieurs gains ont été obtenus grâce à la mobilisation de la jeunesse progressiste québécoise notamment, mais la question nationale est toujours en suspens et l'oppression nationale prévaut toujours. La signature de la Constitution canadienne sans l'inclusion du Québec en 1982 et l'adoption de l'Acte sur la Clarté référendaire dans la foulée du référendum de 1995, qui rend la séparation et l'auto-détermination du Québec pratiquement impossible, en est un autre exemple.

Pour la jeunesse acadienne et pour les jeunes issus des autres minorités nationales francophones, leur expérience des 150 dernières années sont des expériences de luttes pour vivre et étudier dans leur langue, puis pour maintenir des services publics en français à l'extérieur du Québec.

La célébration du 150e du Canada est également marquée par l'idée de la grandeur canadienne en tant que pays contribuant à la paix dans le monde. Le Canada n'a jamais été un pays qui promeut la paix dans le monde, mais le Gouvernement continue de perpétrer ce mythe tout en bénéficiant politiquement et économiquement, en toute discrétion, de la guerre, de l'occupation et de l'extraction de ressources naturelles à travers le monde. Ceci est évident par la feuille de route belliciste en Syrie et en Irak, par le soutien de régimes brutaux comme ceux d'Israël et d'Arabie Saoudite (à travers la vente d'armement s'élevant à des millions de dollars), et par son rôle dirigeant dans l'OTAN. Le gouvernement du Canada continue d'augmenter ses crédits de guerre. Récemment, il a annoncé une augmentation du budget militaire de 70%, augmentation qui lui permettrait d'implanter encore plus violemment ses plans impérialistes en Amérique Latine, en Afriqueet au Moyen-Orient en particulier.  Les monoples canadiens quant à eux poursuivent leur plan d'extraction des ressources naturelles malgré la résistance des communautés locales.

Jeunes communistes, nous nous rappelons la résistance contre les politiques capitalistes, génocidaires et colonialistes du gouvernement canadien à travers ces 150 dernières années, où d'importantes batailles ont été menées par la jeunesse, la classe ouvrière et ses alliés. Celles-ci incluent les soulèvements de la nation métis de 1873 et 1885, la Grève générale de Winnipeg en 1919, la Marche vers Ottawa pour l'Assurance chômage en 1935, la mobilisation pour la sécurité sociale ou, plus récemment, la grève étudiante de 2012 au Québec et le mouvement 'Idle No More'. Ces mobilisations représentent des exemples important qui font preuve que les forces vivent existent aujourd'hui au Canada pour aller de l'avant et exiger un changement fondamental.

Ce changement fondamental, néanmoins, n'arrivera que si nous travaillons dans l'unité contre notre ennemi principal: la classe capitaliste canadienne et l'impérialisme. Nous devons maintenir cette unité entre les mouvements sociaux et syndical, le mouvement féministe, étudiant; mais aussi entre ces mouvements au sein des différentes nations qui constituent le Canada. Travailler dans l'unité inclut le combat pour changer la constitution canadienne et exiger un nouveau partenariat libre, volontaire et consenti, de ces différentes nations. Cette Constitution devrait reconnaire le droit de chaque nation à l'auto-détermination, y compris et jusqu'au droit de se séparer.

Nous saluons l'appui sans cesse plus important à la lutte contre le leg colonial du Canada et son histoire d'oppression nationale tel qu'attesté par l'appel du mouvement 'Idle No More' "Unsettle Canada 150" soutenu par plusieurs organisations progressistes incluant la nôtre. Cet appel est l'occasion de se rappeler qu'il n'y a rien à célébrer 150 ans après la signature d'une Constitution qui a permis et même encouragé la marche des grandes compagnies vers l'accaparation des ressources naturelles aux dépens des peuples autochtones dont les territoires ancestraux ont été dévastés, qui a permis au Canada de poursuivre ses politiques génocidaires à l'égard des nations autochtones et qui a permis l'occupation des rues de Montréal par l'armée canadienne en octobre 1970. Plutôt qu'un jour de célébration, le 1er juillet au Canada devrait être un jour de résistance contre les tentatives de réécrire l'histoire du Canada d'une façon qui blanchirait les crimes du capitalisme, de l'impérialisme, du racisme et du colonialisme canadien.

samedi 24 juin 2017

Fête nationale 2017: Quel Québec pour la jeunesse, les travailleur-euse-s et les masses populaires?

Déclaration conjointe du Parti communiste du Québec et de la Ligue de la jeunesse communiste du Québec

À l’occasion de la Fête nationale du Québec, le Parti communiste et la Ligue de la jeunesse communiste du Québec saluent toutes les forces progressistes mobilisées contre la domination de notre économie par les intérêts des banques et des grandes compagnies, contre les plans d’austérité du gouvernement Couillard, contre les forces d’extrême-droite racistes, islamophobes, homophobes, identitaires, misogynes et racistes, contre la destruction de notre environnement, contre le libre-échangisme; pour un salaire minimum décent, pour la gratuité scolaire, pour la reconnaissance, le respect et l’extension des droits des nations autochtones.

Cette année, la célébration de la Fête nationale du Québec se déroule dans un contexte politique, social et économique marqué par l’approfondissement de la crise économique et la fuite en avant de l’impérialisme qui, toujours plus avide de profits, ne recule devant rien pour satisfaire son besoin de faire main basse sur l’accès à de nouveaux marchés, à des ressources et une main d’œuvre à bon marché. En corolaire, le danger d’une guerre mondiale ou d’un conflit globalisé n’est pas qu’une menace rhétorique. La destruction de notre environnement générée par l’ « extractivisme » effréné du capitalisme menace notre viabilité sur la Terre. Les forces d’extrême-droite, confortées par la victoire de Donald Trump aux États-Unis, refont surface, encouragées par la classe dirigeante qui les utilise dangereusement comme repoussoir. L’islamophobie atteint des sommets avec une hausse considérable des crimes contre les personnes de confession musulmane, dont l’attentat à la Mosquée de Québec n’est qu’un exemple.

Le Québec capitaliste dans lequel nous vivons n’a rien d’autre à offrir à la jeunesse, aux travailleurs-euses et aux masses populaires que des salaires de misère, des études à prix exorbitants et le chômage. Devant cette situation désespérée, il est à propos de poser la question du Québec que nous voulons construire.

 Cette année en particulier, poser cette question, alors que la St-Jean survient à une semaine des festivités entourant le 150e anniversaire du Canada, c’est aussi poser la question, toujours latente, du lien entre le Québec et le reste du Canada. Philippe Couillard, motivé par des calculs politiciens voulant forcer le PQ à la surenchère nationaliste, a timidement proposé que soit rouverte la Constitution canadienne, ce à quoi Justin Trudeau a, sans surprise, répondu par la négative. Ceci prouve à nouveau que la question nationale au Québec et au Canada est loin d’être réglée, quoi qu’en dise le Premier Ministre du Canada.

Communistes, nous sommes d’avis que la question de la société que nous voulons construire ne peut être posée hors du cadre national, mais nous estimons également que la question nationale ne peut être comprise en dehors du cadre plus général de la lutte que nous devons mener contre l’austérité, pour une démocratie avancée, pour la paix, contre l’impérialisme et pour le socialisme.

Ainsi, nous considérons le Canada actuel non pas comme un État-nation, mais comme un État multinational dont les 150 ans d’histoire sont marqués par l’oppression d’une nation sur plusieurs autres, à commencer par les nations autochtones victimes d’un génocide historique et des legs du colonialisme, jusqu’au Québec en passant par la nation acadienne et les minorités nationales francophones du reste du Canada. C’est pourquoi nous reconnaissons le Québec comme une nation et nous nous mobilisons pour que soit garanti son droit à l’autodétermination jusqu’à et y compris le droit de se séparer. Toutefois, la reconnaissance de ce droit ne signifie pas que nous soyons actuellement en faveur de son application.

Si nous estimons qu’aujourd’hui, le statu quo représente le pire cas de figure quant à l’inégalité nationale, nous estimons que l’indépendance du Québec servirait bien plus les intérêts des entreprises québécoises désireuses de se servir du levier d’un État québécois indépendant, plus intégré sans doute aux marchés états-unien et européen, que ceux des travailleur-euse-s et de la jeunesse de notre nation. La classe ouvrière et les mouvements progressistes de chaque nation constituant le Canada ont besoin s’unir pour être en mesure de chasser la bourgeoisie du pouvoir et créer une société nouvelle juste, équitable et sans exploitation. Mais ils ne parviendront à s’unir que sur une base d’égalité nationale.

Au contraire, pour mener à bien le projet d’indépendance la classe ouvrière et les forces progressistes se retrouvent condamnées à faire primer l’unité avec la bourgeoisie nationale nécessaire à sa réalisation. Cela consacre du même coup la division qui existe déjà au sein de la classe ouvrière et des forces progressistes canadiennes et qui affaiblit leur lutte contre leur ennemi commun, le capitalisme et l’impérialisme.

Dans le contexte international actuel, l’unité de la classe ouvrière et des forces progressistes canadiennes constitue le rempart le plus efficace contre l’avancement des positions de l’impérialisme états-unien.

Toutefois, dans le cadre de la Constitution canadienne actuelle, l’unité des forces progressistes de chaque nation du Canada est irréalisable compte tenu de l’oppression nationale qui y est contenue. C’est pourquoi nous appelons à ce que les forces progressistes et populaires du Québec, au lieu de tomber dans le piège du chauvinisme identitaire ou encore de succomber aux chants des sirènes nationalistes, se mobilisent, non pas pour rouvrir la constitution canadienne, mais bien pour la changer de sorte que celle-ci adopte comme principe fondamental l’égalité nationale.

Réduire le débat sur la question nationale à une simple opposition entre le statu quo et la séparation revient à confiner le débat dans les termes voulus par la classe dirigeante. Les militant-e-s de Québec solidaire, en appuyant la formation d’une Assemblée constituante pour le Québec, avec un mandat ouvert quant à la relation entre le Québec et le Canada, pavent la voie à l’adoption d’un règlement démocratique à la question nationale.

Ainsi, le Parti communiste et la Ligue de la jeunesse communiste proposent une république confédérée des différentes nations. Cette république disposerait, au niveau central, de deux chambres. La première de ces deux chambres serait similaire à la Chambre des Communes actuelle mais les député-e-s qui la composeraient, seraient élus au moyen d’un nouveau système de représentation proportionnelle. L’autre chambre, qui remplacerait l’actuel Sénat, serait une Chambre des Nationalités, constituée d’un nombre égal d’élu-e-s provenant du Québec et du Canada anglophone, et d’un nombre garanti et important pour les peuples autochtones, acadien et métis. Chaque chambre aurait le droit de proposer des projets de lois, qui ne deviendraient lois que si les deux chambres les adoptent. De plus, les peuples autochtones auraient le droit de veto sur toute question concernant leur développement national. Cette structure protègerait ainsi les deux principes démocratiques fondamentaux que sont l’égalité des droits des nations, quelle que soit leur taille, et la règle de la majorité.

Une Constitution vraiment démocratique devrait corriger les injustices historiques subies par les peuples autochtones. Cela implique la reconnaissance de la pleine égalité de leurs droits économiques, sociaux, nationaux et politiques, ainsi que le règlement juste de leurs revendications territoriales sur la base des droits découlant des traités et des revendications des peuples autochtones. Les droits et les revendications des femmes autochtones devraient aussi être respectés. Le droit des nations à l’autodétermination serait enchâssé dans la Constitution canadienne.

C’est à travers cette lutte pour une solution fondamentalement démocratique à la question nationale partout à travers le Canada que se bâtira une solidarité entre les forces ouvrières et progressistes, et ce n’est que moyennant cette solidarité, cette unité, que nous arriverons à faire courber durablement l’échine au patronat et aux grandes entreprises.

jeudi 22 juin 2017

Politique de Défense nationale ou politique de guerre?

Un article du Collectif Échec à la Guerre sur la nouvelle Politique de Défense du Canada

Le 7 juin dernier, le gouvernement Trudeau a dévoilé la nouvelle Politique de Défense du Canada, intitulée « Protection, Sécurité, Engagement ». Cette politique, pas vraiment nouvelle, consolide la logique de militarisation de nombreuses sphères de la vie sociale mise de l‘avant par le gouvernement Harper. De plus, elle renforce le partenariat militaire avec les États-Unis et privilégie des interventions militaires musclées pour « augmenter la paix et la sécurité dans le monde ».

La Politique prévoit une augmentation du budget du ministère de la Défense nationale de 70 % en dix ans, passant de 18,9 milliards en 2016-2017 à 32,7 milliards en 2026-27. Le gouvernement aurait cédé aux pressions du Président Trump pour que les pays membres de l’OTAN augmentent leurs contributions en vue d’atteindre l’objectif de 2 % du produit national brut (PIB). On est en droit de se demander quelle menace pèse tant  sur le Canada pour justifier une telle augmentation de dépenses militaires dans un contexte d’austérité, alors que le Canada ne contribue qu’à hauteur de 0,26 % à l’aide publique au développement et que les besoins sociaux au pays sont si criants.

L’engagement du Canada auprès de NORAD, de l’OTAN et du complexe militaro-industriel

Loin d’assurer « protection et sécurité », la Politique annonce plutôt « l’engagement ferme du Canada auprès de NORAD et de l’OTAN » et sa volonté d’être « un acteur crédible et engagé à l’échelle internationale ». Mais comment le Canada peut-il prétendre travailler pour la paix dans le monde en participant aux missions offensives menées sous l’égide de l’OTAN, alors que l’OTAN n’est ni plus ni moins que le bras armé de l’impérialisme étatsunien. Une réelle sécurité collective passe plutôt par une rupture avec cette vision militariste et fondamentalement expansionniste.

La Politique contient en outre beaucoup de promesses d’achat – navires de combat de surface, chasseurs sophistiqués, avions de surveillance et de guerre sous-marine, systèmes télépilotés, communément appelés « drones », et matériel spatial. La Politique prévoit aussi que le Canada se dotera de la capacité d’intervenir sur plusieurs fronts à la fois, c’est-à-dire de mener des guerres simultanément dans plusieurs pays. Est-ce que ces achats visent réellement à protéger la population canadienne ou visent-ils plutôt à favoriser le complexe militaro-industriel, notamment son commerce international des armes? L’achat annoncé d’équipements de pointe destinés à augmenter les capacités de renseignement permettra au Canada de poursuivre son rôle de surveillance des populations au sein de l’alliance des services de renseignement des Five Eyes, (Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et États-Unis) bien plus qu’il ne contribuera à protéger la population canadienne.

Une consultation qui n’en était pas une

Le Ministre canadien de la Défense nationale, Harjit Sajjan, a fait valoir que cette politique était le fruit d’une vaste consultation. Or, cette consultation a été très peu publicisée, s’est déroulée pendant la période estivale de 2016 et visait avant tout le personnel du Ministère de la Défense, l’armée, l’industrie militaire, les alliés et les « experts ». Pourtant nous avons déjà été nombreux à questionner l’objectif réel des interventions militaires canadiennes en Afghanistan et en Libye. Ces expéditions, contraires au droit international, créent le terreau pour la prolifération de groupes armés, comme l’EI, et ne contribuent en rien à la « paix et la sécurité dans le monde ». Elles consolident ce que Naomi Klein appelle le capitalisme du désastre qui ne profite qu’à des chefs de guerres et à des compagnies privés de sécurité, et ce au mépris des aspirations de justice, de dignité et de démocratie des peuples concernés.

Rappelons également que les grandes lignes de la Politique ne faisaient pas partie du programme électoral de Justin Trudeau. En somme, le gouvernement libéral n’avait pas de mandat pour présenter une telle politique de « défense ».

Ne nous leurrons pas : 14 milliards de dépenses supplémentaires en matériel militaire ne serviront ni la cause de la paix ni celle de la stabilité dans le monde. Tout comme le port d’armes par des individus ne diminue pas le taux de violence, l’accumulation d’armes de plus en plus sophistiquées et meurtrières par des pays dont le Canada n’est pas une garantie de sécurité. Loin de là. La Politique contribue plutôt à la montée du terrorisme et à l’insécurité mondiale, et annonce des guerres à venir.

Judith Berlyn
Martine Eloy
Mouloud Idir
Molly Kane
Suzanne Loiselle