Un article du Collectif Échec à la Guerre sur la nouvelle Politique de Défense du Canada
Le 7 juin dernier, le gouvernement Trudeau a dévoilé la nouvelle
Politique de Défense du Canada, intitulée « Protection, Sécurité,
Engagement ». Cette politique, pas vraiment nouvelle, consolide la
logique de militarisation de nombreuses sphères de la vie sociale mise
de l‘avant par le gouvernement Harper. De plus, elle renforce le
partenariat militaire avec les États-Unis et privilégie des
interventions militaires musclées pour « augmenter la paix et la
sécurité dans le monde ».
La Politique prévoit une augmentation du budget du ministère de la
Défense nationale de 70 % en dix ans, passant de 18,9 milliards en
2016-2017 à 32,7 milliards en 2026-27. Le gouvernement aurait cédé aux
pressions du Président Trump pour que les pays membres de l’OTAN
augmentent leurs contributions en vue d’atteindre l’objectif de 2 % du
produit national brut (PIB). On est en droit de se demander quelle
menace pèse tant sur le Canada pour justifier une telle augmentation de
dépenses militaires dans un contexte d’austérité, alors que le Canada
ne contribue qu’à hauteur de 0,26 % à l’aide publique au développement
et que les besoins sociaux au pays sont si criants.
L’engagement du Canada auprès de NORAD, de l’OTAN et du complexe militaro-industriel
Loin d’assurer « protection et sécurité », la Politique annonce plutôt
« l’engagement ferme du Canada auprès de NORAD et de l’OTAN » et sa
volonté d’être « un acteur crédible et engagé à l’échelle
internationale ». Mais comment le Canada peut-il prétendre travailler
pour la paix dans le monde en participant aux missions offensives menées
sous l’égide de l’OTAN, alors que l’OTAN n’est ni plus ni moins que le
bras armé de l’impérialisme étatsunien. Une réelle sécurité collective
passe plutôt par une rupture avec cette vision militariste et
fondamentalement expansionniste.
La Politique contient en outre beaucoup de promesses d’achat – navires
de combat de surface, chasseurs sophistiqués, avions de surveillance et
de guerre sous-marine, systèmes télépilotés, communément appelés
« drones », et matériel spatial. La Politique prévoit aussi que le
Canada se dotera de la capacité d’intervenir sur plusieurs fronts à la
fois, c’est-à-dire de mener des guerres simultanément dans plusieurs
pays. Est-ce que ces achats visent réellement à protéger la population
canadienne ou visent-ils plutôt à favoriser le complexe
militaro-industriel, notamment son commerce international des armes?
L’achat annoncé d’équipements de pointe destinés à augmenter les
capacités de renseignement permettra au Canada de poursuivre son rôle de
surveillance des populations au sein de l’alliance des services de
renseignement des Five Eyes, (Australie, Canada,
Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et États-Unis) bien plus qu’il ne
contribuera à protéger la population canadienne.
Une consultation qui n’en était pas une
Le Ministre canadien de la Défense nationale, Harjit Sajjan, a fait
valoir que cette politique était le fruit d’une vaste consultation. Or,
cette consultation a été très peu publicisée, s’est déroulée pendant la
période estivale de 2016 et visait avant tout le personnel du Ministère
de la Défense, l’armée, l’industrie militaire, les alliés et les
« experts ». Pourtant nous avons déjà été nombreux à questionner
l’objectif réel des interventions militaires canadiennes en Afghanistan
et en Libye. Ces expéditions, contraires au droit international, créent
le terreau pour la prolifération de groupes armés, comme l’EI, et ne
contribuent en rien à la « paix et la sécurité dans le monde ». Elles
consolident ce que Naomi Klein appelle le capitalisme du désastre qui ne
profite qu’à des chefs de guerres et à des compagnies privés de
sécurité, et ce au mépris des aspirations de justice, de dignité et de
démocratie des peuples concernés.
Rappelons également que les grandes lignes de la Politique ne faisaient
pas partie du programme électoral de Justin Trudeau. En somme, le
gouvernement libéral n’avait pas de mandat pour présenter une telle
politique de « défense ».
Ne nous leurrons pas : 14 milliards de dépenses supplémentaires en
matériel militaire ne serviront ni la cause de la paix ni celle de la
stabilité dans le monde. Tout comme le port d’armes par des individus ne
diminue pas le taux de violence, l’accumulation d’armes de plus en plus
sophistiquées et meurtrières par des pays dont le Canada n’est pas une
garantie de sécurité. Loin de là. La Politique contribue plutôt à la
montée du terrorisme et à l’insécurité mondiale, et annonce des guerres à
venir.
Judith Berlyn
Martine Eloy
Mouloud Idir
Molly Kane
Suzanne Loiselle
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