Adrien Welsh
Cet article a été publié dans la 24e édition du magazine Jeunesse Militante (Septembre 2019)
De plus en plus de jeunes en prennent conscience, comme en témoignent les 150 000 personnes (majoritairement étudiantes) qui ont pris part à la grève climatique du 15 mars dernier au Québec, l’une des plus suivie au monde; mais aussi comme en témoignera sans doute la grève mondiale contre le climat qui devrait avoir lieu le 27 septembre prochain et dont les préparations vont bon train.
Si urgentes que soient les mobilisations pour le climat et la défense de notre planète, si imminente que soit la catastrophe climatique annoncée si aucun geste n’est posé, et si stimulantes que soient les mobilisations de jeunes qui refusent de se résigner devant un tel péril, il n’en demeure pas moins que deux conceptions différentes s’opposent dans la lutte pour les changements climatiques.
L’une, qui se veut “apolitique” et “citoyenne”, se contente d’appels, vibrants par leur rhétorique, visant à changer nos habitudes de vie (moins utiliser la voiture, manger moins de viande, consommer local, etc.) Même dans sa version la plus radicale qui promeut la théorie de la décroissance, cette approche met l’accent sur des comportements individuels en faisant miroiter que la solution serait à trouver dans la modification de nos schémas de consommation.
Or, autant il est sans doute vrai que nous devrons éventuellement modifier notre mode de vie, il n’en demeure pas moins que les causes principales des changements climatiques sont à chercher ailleurs.
Il n’est que trop facile de blâmer les salarié-es qui utilisent leur voiture pour aller au travail alors que, à cause de la spéculation immobilière effrénée, ils et elles sont obligés de s’établir de plus en plus loin des centres urbains et des lieux de travail, d’autant plus que les politiques de privatisation ont fini de réduire les offres de transports en commun. Il est tout aussi facile de rendre responsable ceux et celles qui ne mangent pas “local” parce que les accords de libre-échange signés notamment avec celui des États-Unis permettent les produits des magnats de l’agro-industrie internationale d'inonder le marché local à moindre cout. On peut également blâmer ceux et celles qui font leurs courses dans les grands centres commerciaux alors que les commerces de proximité ferment à cause de la concurrence des grandes surfaces entre autres, ou bien les personnes qui prennent l’avion périodiquement pour rentrer “au pays” et rendre visite à leur famille qu’ils ont dû quitter soit faute de perspectives d’emplois, à cause de guerres et interventions impérialistes ou à cause de catastrophes climatiques justement…
De plus, parler de consommation responsable sans toucher ne serait-ce qu’à un cheveu de l’industrie la plus polluante au monde, l’industrie de l’armement, une industrie qui, ne serait-ce qu’avec ses armes nucléaires pourrait facilement dévaster la planète, relève d’une hypocrisie la plus totale. En effet, il a été souligné récemment que l’armée états-unienne à elle seule pollue plus que 140 pays réunis. Si elle était un pays, son émission de CO2 se situerait entre celle du Pérou et du Portugal. Or, par sa participation à l’OTAN, le Canada participe à cette dynamique.
De même, se dire écologiste alors que l’on ne s’attaque pas fondamentalement et en priorité aux sables bitumineux (le combustible fossile le plus sale de la planète), sans s’opposer ou encore sans s’attaquer aux minières canadiennes revient à vouloir remplir un puits sans fonds.
Il est également impossible de parler d’écologie sans se soucier de justice climatique, c’est à dire, sans prendre en compte le fait que la majorité des émissions de carbone ont été émises, historiquement, par les pays capitalistes avancés, soit les pays impérialistes, dont le Canada, les États-Unis, la France, le Japon et l’Allemagne. Or, les pays les plus touchés par les ouragans, inondations, sécheresses et autres intempéries plus fréquentes et plus violentes ne sont, dans la plupart des cas, pas responsables de cette crise environnementale. Dans le cas du Canada, cette dynamique est encore plus complexe, car les peuples et nations autochtones comptent parmi les plus touchés par les changements climatiques alors qu’ils comptent également parmi les peuples ayant le moins bénéficié.
Parler d’environnement et de justice climatique revient à s’attaquer aux crimes de l’impérialisme et à rejeter, par conséquent, le “capitalisme vert” qui voit les émissions de CO2 non pas comme une bombe à retardement, mais comme une marchandise potentielle. Or, c’est justement ce que les tenants de cette première vision du combat écologique tentent de passer sous silence.
Ils tentent de faire du combat écologique une question que transcende les conflits sociaux, un enjeu qui serait “au-dessus” de la lutte des classes, de la crise capitaliste et de la barbarie impérialiste. Pourtant, ces questions sont liées: elles sont toutes le résultat de la crise du capitalisme, un système qui ne peut exister sans exploiter à la fois la classe ouvrière et la nature de façon effrénée. Pour s’en convaincre, nous n’avons qu’à considérer le fait suivants: depuis 1988, 71% des émissions de CO2 ont été générées par 100 entreprises seulement.
Bien plus que scientifique, le problème est économique. D’ailleurs, selon les rapports scientifiques, il ne fait aucun doute que réduire le réchauffement climatique à un niveau acceptable pour la planète est possible.
Ainsi, le 27 septembre, lors de la grève mondiale pour le climat, il ne fait aucun doute que nous devons aller au-delà des discours de Greta Thunberg ou de Steven Guilbault qui jouent sur les deux côtés du tableau. L’un cautionne le Parti libéral (qui pourtant fait partie du problème) de la même façon que Nicolas Hulot a cautionné Macron tandis que l’autre n’hésite pas à dialoguer avec les invité-es du Forum économique de Davos et autres dirigeant-es impérialistes en plus d’accepter de prêter son image à une entreprise ferroviaire suédoise.
À nous, donc, de faire valoir une deuxième perspective du combat écologique, une perspective qui le considère dans toute son ampleur, c’est-à-dire qui fasse valoir que ce ne sont ni la jeunesse ni les peuples qui sont à blâmer, mais le système capitaliste en soi, et qu’il n’y a aucune voie de sortie autre qu’une rupture fondamentale avec celui-ci pour réellement s’attaquer aux changements climatiques.
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