mardi 12 mars 2019

SNC Lavalin, le "Québec Bashing" et l'hypocrisie nationaliste

Adrien Welsh 

L’affaire SNC Lavalin a fait couler beaucoup d’encre ce dernier mois. Tous les commentateurs et acteurs politiques ont fait tourner leur imagination afin de proposer leur lecture des faits. D’un conflit entre Justin Trudeau et son ancienne ministre de la Justice et Procureur général, la situation a fait boule de neige au point où 3 proches de Trudeau ont démissionné de leurs fonctions, mettant à mal le cabinet libéral, ce qui n’a tôt eu fait de gonfler les voiles des Conservateurs qui sont maintenant en tête des sondages. En effet, le parti d’Andrew Scheer s’est engagé dans la voie du populisme en exigeant que les têtes tombent, faisant fi du fait qu’en 2015, les Conservateurs ont eux-mêmes reculé devant la possibilité d’empêcher les entreprises jugées pour fait de corruption d’obtenir des contrats publics.

Les autres formations politiques ne sont pas en reste. Le NPD, incapable de s’opposer de front au règne des monopoles capitalistes, appelle à une enquête pour ne pas trop se mouiller. Quant au Bloc, il tente de jouer la carte nationaliste : de concert avec François Legault, il tente une interprétation toute nationaliste de la situation en faisant croire qu’il s’agit d’un conflit Québec – Rest of Canada (RoC).

Cette analyse de la situation, bien que farfelue, a un fond de vérité. À la lecture des commentaires de l’Ouest canadien promus par le Parti conservateur parmi d’autres forces chauvines anglo-canadiennes, le Québec serait cette province « la plus corrompue » (comme le titrait le magazine McLean’s) qui profite de la péréquation et privilégiée par le gouvernement Trudeau au détriment de l’industrie pétrolière de l’Ouest. Certains ont vu dans le scandale de SNC Lavalin un scandale de corruption inhérent à la gestion publique « arriérée » inhérente au Québec.

Cependant, retour de balancier oblige, au Québec, le chauvinisme a également fait son œuvre. François Legault s’est dit favorable à un Accord de poursuite différé afin d’être perçu comme du côté des défenseurs des 9000 emplois au Québec. D’autres ont été plus loin en considérant le tollé contre SNC Lavalin comme une cavale contre le Québec.

Pourtant, ces deux conceptions nationalistes du conflit n’ont aucune base sérieuse. Le fait est que SNC Lavalin est un monopole capitaliste multinational qui s’est rendu coupable de fraudes dans pratiquement tous les pays où il s’est implanté – y compris au Québec où il s’est rendu coupable de la plus importante fraude de l’histoire du Canada avec le scandale du « Bloc multicolore » du CUSM.

La question à se poser n’est donc pas à savoir si le gouvernement Trudeau favorise les emplois au Québec contre ceux dans l’ouest du pays, mais plutôt de savoir s’il s’intéresse même au sort des travailleurs et ce, de Montréal à Nanaimo en passant par Calgary. Or, le fait est que les Libéraux ont toujours été, comme le prouve la saga SNC-Lavalin, du côté du patronat. Ainsi, lorsque Trudeau parle de sauver des emplois au Québec, il pense en fait à sauver sa peau en tant que député de Papineau et surtout à sauver les intérêts des actionnaires de SNC et les intérêts des capitalistes à la tête de cette entreprise qui, du reste, a fait une partie de son beurre grâce à la privatisation des contrats publics d’infrastructure au Québec.

Le scandale de SNC Lavalin a de quoi déranger autant que le scandale des commandites. Cependant, penser que la solution viendra de l’un des partis parlementaires qui tentent de noyer le poisson dans l’eau pour ne pas s’attaquer à la cause profonde du problème, à savoir le pouvoir incontesté des monopoles, revient à jeter du sel dans la mer.

Penser qu’il s’agit d’un conflit entre Libéraux, Conservateurs et NPD; penser qu’il s’agit d’un conflit entre le Québec et le RoC est une absurdité. Fondamentalement, le scandale entourant SNC-Lavalin ne relève que de l’inhérente interdépendance entre l’État et les entreprises capitalistes où l’État à la solde de la classe dirigeante protège tant matériellement qu’idéologiquement ou juridiquement l’hégémonie des exploiteurs.

C’est ainsi que le Canada signe des accords de libre-échange qui mettent les peuples en compétition les uns avec les autres et accepte des Accords de poursuite différés permettant aux entreprises de s’adonner à des activités criminelles sans payer les frais d’une poursuite du moment où elles achètent leur impunité.

Le fait est que SNC Lavalin n’est que la pointe de l’iceberg. Des dizaines d’autres compagnies ont sans doute bénéficié de passe-droits tous plus scandaleux les uns que les autres pour garantir leur rentabilité. Or, garantir la rentabilité d’une entreprise privée n’a rien à voir avec garantir des emplois stables à long terme. Pour ce faire, une seule solution s’impose : la mise sous contrôle public et démocratique des « fleurons » de notre économie. Pourtant, aucun des partis d’opposition présents au parlement ne défend cette position…

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