Montréal, le 10 mai 2011. Le Collectif Échec à la guerre considère que l’Assemblée nationale du Québec devrait s’abstenir de cautionner l’assassinat extra-judiciaire d’Oussama Ben Laden de quelque façon que ce soit. La motion présentée par Gérard Deltell de l’ADQ ainsi que la reformulation sur un ton « plus sobre », souhaitée par le PQ, cautionneraient une opération contraire au droit international.
Un ennemi des États-Unis a été abattu, en dehors de tout cadre judiciaire, confirmant ainsi la tendance à l’érosion de l’état de droit et à l’érosion du droit international associées à la guerre « contre le terrorisme ». On a ainsi assisté à des détentions indéfinies sans procès, au recours à la torture, à la multiplication des assassinats ciblés menés par des « forces spéciales » ou des drones en violation de la souveraineté des États, au détournement de l’ONU pour avaliser les actions des pays envahisseurs en Irak et en Afghanistan, etc. L’adoption de la résolution 1973 du Conseil de sécurité autorisant les pays qui le veulent à utiliser « tous les moyens nécessaires » soi-disant pour protéger les civils en Libye est un autre exemple de ce détournement, cette résolution menant immédiatement l’OTAN à appuyer l’un des deux camps dans une guerre civile et à tenter d’assassiner le chef d’État libyen.
Depuis 2001, le discours officiel de la guerre « contre le terrorisme » sert de paravent pour justifier les avancées militaires au Moyen-Orient et en Asie centrale de l’empire étasunien et de ses proches alliés. Il est aussi invoqué par des régimes dictatoriaux à l’encontre des velléités démocratiques de leurs populations. Or, dans sa résolution, l’ADQ présente la mort de Ben Laden comme une avancée qui doit encourager l’OTAN à poursuivre sa guerre d’occupation en Afghanistan. À l’évidence, vu son rôle de représentativité, l’Assemblée nationale du Québec devrait s’abstenir de tout appui à une guerre que la grande majorité de la population québécoise désapprouve de façon non équivoque.
Contrairement à la député péquiste Louise Beaudoin, nous n’approuvons pas non plus le ton du président Obama sur la question, qui est loin de la sobriété : discours à la nation, visite à Ground Zero, et même, une rencontre avec le commando qui a abattu Ben Laden. Mais c’est davantage sur le fond de la question que nous divergeons. Contrairement au président Obama, nous ne pensons pas que « justice a été faite ». La justice aurait exigé de véritables efforts pour capturer Ben Laden vivant et lui intenter un procès public observant toutes les règles du droit. Un procès qui aurait pu se révéler embarrassant... L’assassinat sélectif nous ramène au contraire au « Far West » où chacun, à son gré, se « fait justice ».
Si l’Assemblée nationale du Québec veut réfléchir sur des enjeux qui ne relèvent pas immédiatement de sa juridiction mais qui nous concernent toutes et tous, elle devrait s’interroger sur cette dérive inquiétante.
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