samedi 5 mars 2011

Au Québec : un rapport de force qui a basculé en faveur des… patrons

Article de Rue Frontenac

Écrit par Yvon Laprade
Jeudi, 03 mars 2011 15:08

Le lock-out de 25 mois au Journal de Montréal changera-t-il la façon de « gérer » les relations de travail au Québec ? Oui, affirment les uns; non, prétendent les autres. Le plus long lock-out dans l’histoire des médias au Canada n’a pas fini de faire jaser…


Rue Frontenac a demandé à des spécialistes en relations de travail et à des observateurs chevronnés de se prononcer sur cet enjeu.

Une tendance forte se dessine à la lueur des propos recueillis : le lock-out au quotidien de la rue Frontenac, et son dénouement en faveur de l’empire Quebecor, confirme que le rapport de force a basculé en faveur des patrons.

En même temps, les syndicats semblent avoir de plus en plus de difficulté à s’organiser pour livrer une bataille à armes égales face à des dirigeants d’entreprise qui ne craignent plus d’user de stratégies pas toujours élégantes pour parvenir à leurs fins.

Les syndicats ont de plus en plus de difficultés à livrer bataille aux tactiques du patronat. Photo Annik MH de Carufel

Faut-il conclure que les syndicats n’ont plus le gros bout du bâton quand vient le temps de négocier avec la partie patronale ? Faut-il comprendre que les patrons ont découvert qu’ils peuvent arracher des acquis à leurs employés syndiqués en faisant perdurer les conflits de travail ?

« Cela fait dix ans au moins que le pouvoir syndical s’érode à l’avantage du patronat et ce qui vient de se produire au Journal de Montréal est un exemple parmi tant d’autres », constate le professeur en gestion des ressources humaines à HEC Montréal, Marc-Antoine Hennebert.

Il ajoute : « Des conflits où les patrons ont eu le dessus sur les syndicats, on en a vu beaucoup au cours des dernières années. Mais le lock-out au Journal de Montréal a davantage retenu l’attention parce qu’il s’agissait d’un conflit dans un média d’information. C’était un symbole. »

La loi antiscabs

Tout en faisant ce constat, le professeur Hennebert se dit conscient que la réalité du travail au Québec a déjà été plus réjouissante. Il croit même qu’il faut y voir l’urgence de « moderniser les lois du travail » pour rétablir un rapport de force plus équitable entre les travailleurs syndiqués et les patrons.

Les lock-outés du Journal de Montréal lors de la fête des travailleurs, le 1er mai. Photo Pascal Ratthé

Or, dans le conflit qui a opposé le syndicat des journalistes du Journal de Montréal à l’empire Quebecor, le gouvernement Charest a mis du temps avant d’accepter de tenir une commission parlementaire sur la pertinence de modifier la loi antiscabs, en février.

« C’est certain qu’il faut apporter des modifications sur la question des briseurs de grève, notamment. C’est par ces changements qu’on pourra offrir des protections aux travailleurs », dit-il.

Le professeur Louis Hébert, lui aussi de HEC Montréal, est convaincu que le conflit au Journal de Montréal « va pousser la réflexion », non seulement sur le rôle que jouent les organisations syndicales, mais aussi sur la façon d’organiser « l’activité humaine dans les entreprises ».

« Avant, les employés se rendaient au travail, en usine, et accomplissaient des tâches pour remplir une mission définie dans une unité. Mais les entreprises n’ont plus les mêmes besoins, et cela a changé la façon de gérer les ressources humaines. C’est un virage dont il faudra tenir compte de plus en plus si on veut harmoniser les relations employés-employeurs », dit le professeur, qui s’intéresse aux dossiers du secteur manufacturier.

Aucun commentaire: