mardi 6 août 2019

Solidarité avec les habitant-es de Çanakkale (Turquie) en lutte contre l’entreprise minière canadienne Alamos : « Contre le pillage : socialisme! »


Adrien Welsh

C’est avec ce cri de ralliement que les militant-es de la section de Çanakkale du Parti communiste turc se sont joints aux milliers de manifestant-es qui ont pris d’assaut le site du projet de mine d’or de Kirazli opéré par la minière canadienne Alamos. Malgré quelques altercations avec le personnel de sécurité, une marée humaine de milliers de manifestant-es déterminés à faire entendre leur opposition à la déforestation annoncée a eu raison des agents de sécurité de la compagnie. Une fois sur le site, la manifestation s’est déroulée sans anicroches, les manifestant-es étant venus entre autres pour poser un geste éminemment symbolique : planter des arbres.

Selon le site web de l’entreprise, ce projet « représente une source significative de croissance de production à bas dans un avenir rapproché. Grâce à ses couts d’opération réduits et le peu de capital nécessaire, le projet de Kirazli fait partie des projets aurifères non-développés au cout de revient le plus avantageux ».

S’il n’en faut pas plus pour que les actionnaires d’Alamos se réservent déjà la part du lion, la population locale s’indigne et se mobilise contre ce qui ressemble à 100% à une catastrophe environnementale et sociale annoncée. Si le projet est si avantageux financièrement, c’est que derrière, les populations locales et les travailleur-euses de Turquie en paient les frais. En effet, le PDG de la compagnie aurait affirmé à Bloomberg que les couts sont réduits notamment grâce à la dévaluation de la Lire turque, ce qui contribue à réduire considérablement la masse salariale. Il aurait même ajouté ne pas avoir à embaucher de main d’œuvre étrangère parce que « les Turcs sont très bons pour porter des roches », joignant au mépris de classe un racisme éhonté.

Mais ce ne sont pas tellement les propos racistes ni les conditions de travail dans la mine à venir qui ont mis le feu au poudre, mais plutôt le scandale environnemental qui y est lié. Le site du projet d’exploitation à ciel ouvert se situe à une quarantaine de kilomètres du Parc national des Montagnes de Kaz, une aire protégée. Or, plusieurs études ont révélé les effets néfastes causés par la présence de cette mine. Par exemple, que 195 000 arbres ont déjà été abattus ne serait-ce que pour accéder aux minerais. Mais à ce chiffre dramatique, il faut ajouter l’activité minière, très polluante en soi à cause des matières toxiques nécessaires à l’extraction de minerai. En effet, l’extraction d’or et d’argent nécessite des quantités abondantes de cyanure (20 000 tonnes dans ce cas précis). Avec elles, de grandes quantités d’arsenic et de métaux lourds qui joncheront le site une fois que l’entreprise aura plié bagage sans avoir entrepris un chantier de décontamination.

 
Image du site de la mine à ciel ouvert de Kirazli
Si les habitant-es et militant-es de la région de Çanakkale en ont contre la compagnie, ils en ont également contre le gouvernement turc qui, selon les termes employés par le TKP, fait office d’avocat pour la compagnie. Honteusement, le ministère de l’Agriculture et de la Foresterie diffuse de fausses informations – sans doute dictées par Alamos – quant à l’impact qu’aura le projet minier, poussant même le ridicule en affirmant que la mine ne se trouve pas dans la région du parc national (alors qu’elle se trouve à 40 km de celui-ci) et en diminuant le nombre d’arbres abattus et ce, malgré les faits avérés et comptabilisés. Cette situation est d'autant plus paradoxale que pratiquement rien ne sera remis au gouvernement turc (96% du minerai sera propriété de l'entreprise et une somme dérisoire de 6% d'impôts sera restituée à l'État tandis que celui-ci aura contribué pour 40% des investissements au projet), montrant à quel point les bourgeoisies comprador sont complice dans ces crimes impérialistes d'une part, et de l'autre, comment les entreprises ont besoin du concours des gouvernements locaux pour mener à terme leurs "projets". C'est ça, l'impérialisme! 

Cette situation est un cas d’école dans le dossier des minières canadiennes à l’étranger. Ce ne serait pas le premier gouvernement à plier l’échine devant le pouvoir de ces entreprises qui, dans le système capitaliste, se croient toute puissantes. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, dit-on.

Les entreprises minières ayant un siège social au Canada représentent 75% des entreprises minières dans le monde. Elles y bénéficient à la fois d’une des législations sur les mines les plus laxistes au monde et bénéficient également de la protection diplomatique canadienne (ou plutôt de l’impérialisme canadien). C’est ainsi que l’Agence canadienne de développement international a contribué à forcer le gouvernement colombien à réécrire sa Loi sur les mines de 2001, que les entreprises minières embauchent des mercenaires au Mexique et au Guatemala entre autres pour littéralement assassiner les dirigeant-es sociaux et syndicaux (souvent autochtones) qui s’opposeraient un peu trop aux activités des grandes entreprises minières, ou encore que le Canada s’investit dans des invasions d’États souverains comme au Mali prétextant la ‘responsabilité de protéger’ qui ne se réfère qu’à la responsabilité de protéger les intérêts des entreprises minières… À chaque implantation de minière canadienne suit un désastre écologique : systématiquement, les entreprises ne se responsabilisent pas des déchets laissés « au fond du trou », ajoutant à la guerre sociale une guerre climatique.

Mais le cas de Kizli est particulier (mais pas unique) à cause de la forte mobilisation de la population locale, une mobilisation qui ne semble pas prêt de s’estomper. Sans grande surprise, pas un mot de ce scandale financé par la filière or des minières canadiennes. 

 
Manifestation du 5 aout contre la minière Alamos 
Or, alors que cette même presse n’hésite pas à promouvoir les marches pour le climat et à ériger Greta Thunberg en porte-étendard de la cause verte, lorsqu’il s’agit de dénoncer « notre » impérialisme, elle se fait beaucoup plus circonspecte… Elle se fait également beaucoup moins entendre lorsqu’il s’agit de révéler la nature systémique de la crise environnementale, ses liens avec les crimes du capitalisme et de l’impérialisme.

Pourtant, le cas de Kizli, et c’est sans doute pour cette raison qu’il mérite notre attention et notre solidarité avec les manifestant-es, montre bien à lui seul que l’impérialisme et le capitalisme sont responsables de la crise environnementale, pas la jeunesse ni les peuples.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Nous sommes face au systeme capitaliste qui detruit la planete entiere sans aucune reflexion. Le capital attaque globalement et ferocement. En revanche, la resistance des peuples, la lutte de la classe proletaire doit s'organiser globalement.