E. Gallegos Mancera avec Ho Chi Minh |
Lorsque j’ai l’heureuse occasion de rencontrer des camarades des jeunesses communistes du monde entier, un des aspects les plus passionnants, c’est d’apprendre à connaitre les héros locaux du mouvement communiste international, leurs intellectuels et leurs références théoriques. C’est ainsi que, des camarades français, j’ai apprivoisé Maurice et Jeannette Thorez ou encore Léo Figuères. Des camarades portugais, j’ai pu apprécier dans toute sa splendeur Álvaro Cunhal et son auguste ouvrage Le Parti en toute transparence. En Amérique latine, j’ai été introduit à la pensée du péruvien José Carlos Mariátegui et du Vénézuélien Eduardo Gallegos Mancera. Dans le monde arabe, j’ai appris qui étaient Khaled Bakdash (dont j’ai rencontré le petit-fils éponyme) ou encore William Sportisse, dirigeant communiste de la lutte de libération nationale algérienne.
Au cours de mes pérégrinations et rencontres, j’ai accumulé bon nombre d’ouvrages. À leur lecture, j’ai toujours été frappé par la capacité de l’un ou de l’autre d’être, à la fois, local et international; semblables dans leur différence. Ces auteurs et autrices sont autant des héros et intellectuels de leurs pays respectifs, mais aussi de notre classe et de notre mouvement fondamentalement internationaliste. Ce sont également des hommes et des femmes qui, parfois jusqu’à 100 ans après Lénine, ont su appliquer de façon créative et avec grands succès le marxisme-léninisme à la réalité particulière des sociétés dans lesquelles ils évoluaient ou évoluent, prouvant que le marxisme-léninisme est un outil pour l’action, pour la victoire de la classe ouvrière et des masses laborieuses, mais pas un dogme.
Ainsi, leurs enseignements, basés sur la pensée et sur la pratique marxiste-léniniste représentent des outils précieux pour nous, jeunes communistes, anti-impérialistes, révolutionnaires au Canada.
C’est pourquoi il me semble être de bon augure de traduire et rendre accessible ces textes, discours, tracts, extraits, etc. dans le but de contribuer au renforcement idéologique de tous les jeunes qui, au Canada, luttent contre le capitalisme, l’impérialisme et pour la transformation révolutionnaire de la société, bref, pour le socialisme.
Je commence donc avec cette “Lettre au jeune communiste” du Vénézuelien Eduardo Gallegos Mancera. Cette lettre fait partie d’un livre reproduisant une collection d’articles brillants par leur synthèse de ce dirigeant du Parti communiste du Venezuela que pratiquement chaque jeune communiste vénézuélien doit lire et assimiler dans son parcours idéologique. Ce livre m’a été offert par mes chers camarades de la Direction de la JCV lors de mon dernier voyage à Caracas en avril dernier.
Gallegos Mancera, en quelques mots
Eduardo Gallegos Mancera nait à Caracas en 1915 et décède dans cette même ville en 1989. Dans les années 1930, encore étudiant, il prend part aux actions, manifestations et grèves contre, notamment, la dictature de Juan Vicente Gómez. Ses actions lui valent d’être un dirigeant étudiant respecté.
En tant que médecin, tout comme Normand Béthune, il utilise sa profession au profit de son engagement révolutionnaire et parcourt le pays afin d’organiser, en toute clandestinité, le Parti communiste naissant, activité pour laquelle il sera maintes fois emprisonné. Il devient éventuellement secrétaire des relations internationales du PCV, tâche qui lui permet à la fois de rencontrer les grands dirigeants communistes de son époque (La Pasionaria, Romesh Chandra, Pablo Neruda, le Che ou Ho Chi Minh entre autres) et de revenir au pays plus outillé que jamais afin d’affronter les débats idéologiques qu’a dû traverser le PCV.
Dans sa “Lettre à un jeune communiste” rédigée en 1988, Gallegos Mancera s’adresse à ses jeunes camarades en tentant, en quelques paragraphes, de leur transmettre les enseignements qu’il a reçus à travers 73 ans de lutte pour un Venezuela socialiste dans les rangs du Parti communiste. Malgré quelques passages datés tant par le style parfois moralisateur que par certaines références à l’URSS et à la “communauté socialiste”, il n’en demeure pas moins que cette lettre a le mérite de présenter clairement et simplement les impératifs liés au combat communiste, la morale et la discipline toute particulière qu’il commande, la nécessité de toujours aiguiser sa conscience révolutionnaire au moyen de l’étude et l’humilité, le sens de la collectivité nécessaire à celui et à celle qui devra assumer le rôle de dirigeant-e dans cette lutte qui, Mancera l’a appris par la méthode dure, ne fait pas de cadeaux.
“Lettre à un jeune communiste”
C’est un vétéran aguerri fort de 73 années de luttes et d’expérience qui te parle. Je le fais pour te suggérer quelques conseils et te transmettre un peu de mon expérience. Tu commences à marcher dans la voie de la Révolution, et les enseignements que j’ai reçus du feu de l’action ne sauraient être de trop.
Plusieurs tentations tenteront de te faire dévier de ton chemin: la tendance immodérée à l’argent facile, à la dissipation voire à la trahison même. Tu dois apprendre à t’opposer à ces pressions, parfois imperceptibles au début, qui émanent du milieu qui t’entoure. Dès le début, étouffe toute tendance au découragement qui indiquent que tu n’as pas encore assimilé tes convictions idéologiques. Fréquents sont les revers dans la lutte prolongée pour la révolution. Ils ne doivent pas être un obstacle pour continuer à avancer. À toute déroute temporaire, tu dois répondre en aiguisant ta volonté, doublant tes efforts et en te consacrant à l’étude.
À ce propos, l’étude constante est la clé de ta persévérance. Tu en es encore à l’étape émotionnelle de ton engagement, celle du sacrifice pour le sacrifice en soi. Tu dois passer à celle du raisonnement scientifique, à l’assimilation pleine des postulats de cette science qu’est le marxisme-léninisme.
Tu seras sans doute - espérons que non - sujet à la répression de ceux qui résistent âprement à l’idée de perdre leurs privilèges. Ne fléchis en aucun moment. L’honneur révolutionnaire se trouve à tout échelon, y compris à celui de continuer d’exister. Dans les moments critiques, rappelle-toi les exemples cardinaux de Julio Fucik, du Che Guevara, de notre Alberto Lovera. Garde intacte ta dignité de combattant. La torture est une instance passagère; le déshonneur dure toute la vie.
Sois un bon camarade avec les tiens. Éloigne-toi de l’orgueil et de la vantardise: ce sont de mauvais conseillers. Refuse catégoriquement tout vice, l’alcool qui dégrade et annihile, le jeu qui implique en soi un désordre moral aux conséquences graves.
Lorsque tu arrives à des conclusions fermes sur un thème particulier, n’hésite pas à défendre ton opinion, sans prétention mais avec ardeur. Lorsqu’il s’agit de ligne politique, soulève ton point avec énergie au sein de ta cellule, jamais ailleurs. Le fractionalisme est un autre vice et il est possible de commettre cette erreur grave, même de bonne foi.
Rappelle-toi en tout temps que la jeunesse est une réserve du Parti et pour le Parti. Bien que là ne soit pas sa finalité, elle est un instrument pour la conquête de la société communiste. Nous n’exigeons pas soumission à nos jeunes, mais discipline et respect des principes des statuts. Éloigne-toi de l’autosuffisance.
Ne te laisse pas berner par l’opposition entre jeunes et anciens. Tous et toutes, nous sommes militant-es et la vie marquera le moment apte à la relève: assimile avec passion le neuf. Apprends à reconnaitre le positif du bagage moral laissé par d’autres. Être révolutionnaire, c’est être innovateur, innovateur avec conscience, sans impatience ni témérité, sans aventurisme, sans excentricité.
Le nouveau doit toujours être sain et correspondre à la cause de l’émancipation humaine. L’essentiel pour toi est de renforcer quotidiennement ton bagage théorique, ton arsenal idéologique, ta foi dans l’avenir communiste de l’Humanité dont tu fais activement partie. Garde à l’esprit que pour te réaliser pleinement, le “nous” doit prévaloir sur le “je”.
Sois patriote et en tant que patriote, sois internationaliste. Être internationaliste, c’est être solidaire. Le combat intransigeant contre le capitalisme et l’oppression se joue à l’échelle planétaire. À l’internationalisation du capital doit s’opposer l’internationalisation du mouvement ouvrier et de tous les travailleur-euses. Chaque révolutionnaire doit prioriser les actions de solidarité avec l’URSS et la communauté socialiste, avec Cuba, avec le Nicaragua, avec l’Afrique du Sud martyrisée par l’apartheid, avec les pays indochinois, avec le Chili, avec la Palestine, avec Haïti et le Paraguay, avec tous les peuples, enfin, qui luttent pour leur libération.
Ne sois pas “vieux jeu”. Il n’y a pas de plus grande satisfaction pour un être humain que d’arriver à un certain âge sans avoir abandonné la générosité et la fougue de sa première jeunesse.
Je ne m’étendrai pas plus, jeune camarade, même si ce n’est pas la volonté qui manque. À toi de tirer les conclusions, la balle est dans ton camp.
Ne lance pas ces pages au bac à recyclage avant d’être convaincu-e qu’elles ne soient plus nécessaires pour ta formation révolutionnaire. Salut à toi, jeune qui devra bâtir le socialisme - sois-en sûr - au XXIe siècle.
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