mardi 23 avril 2019

Caracas, capitale mondiale de la paix


Adrien Welsh  

L’espace d’une semaine, du 9 au 14 avril derniers, Caracas s’est convertie en capitale mondiale de la paix. Cette ville présentée comme l’antre du diabolique et sanguinaire Maduro dans la presse vénale a accueilli une soixantaine de jeunes représentant une trentaine d’organisations venues des quatre coins de la planète à l’occasion du Conseil général de la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique.

 À cette délégation se sont joints les délégué-es du Conseil mondial pour la paix (dont l'organisation célèbre ce mois-ci le 70e anniversaire), formant ainsi une brigade de solidarité avec le peuple du Venezuela qui, tels les irréductibles Gaullois résistent encore et toujours à l’envahisseur… Sauf que la menace d’invasion est, cette fois-ci, bien réelle.


En effet, le Venezuela est victime d’une guerre non-conventionnelle, d’une agression multiforme qui implique des actes de sabotage des plus complexes, une guerre économique qui prive le pays de dizaines de milliards de dollars, une guerre psychologique et médiatique ainsi qu’une tentative à peine masquée de coup d’État avec la reconnaissance du militant d’extrême-droite Juan Guaido comme Président légitime du pays par les États impérialistes.

Avant même notre arrivée, nous délégué-es, avons pu en constater l’ampleur. Déjà, certains parmi nous ont eu quelques difficultés à atteindre notre destination. Des camarades africains ont eu toutes les misères du monde afin d’obtenir les visas de transit nécessaires lors de leur périple. Moi-même, pourtant citoyen canadien, ai dû me soumettre à un interrogatoire des plus pénibles lors de mon transit aux États-Unis. Même son de cloche au retour d’ailleurs, mais à Montréal cette fois-ci où des douaniers fidèles aux directives de Trump – Freeland ont pris un malin plaisir à inspecter un peu plus que le contenu de mes bagages…  Si ça ne fait pas partie d’une tentative de guerre psychologique, je me demande bien de quoi il s’agit…

Une fois sur place, au bout de quelques heures nous avons connu un apagon, une coupure d’électricité. Certes, au même moment, de nombreux foyers québécois manquaient d’électricité, mais au Venezuela, la cause n’avait rien à voir avec la situation climatique du pays : 90% du pays a été plongé dans le noir, chose inédite dans l’histoire récente du pays, ce qui laisse sous-entendre que des actes de sabotages sans doute pilotés depuis l’étranger en sont la cause. Je pourrais vous décrire l’état d’esprit des caraquenos qui, pour la plupart, craignaient qu’il s’agisse d’un signal d’assaut pour déposer le gouvernement légitime de Nicolas Maduro, mais je vous en fais grâce faute d’espace.

Nous avons également pu voir à quel point les sanctions économiques tiennent la population vénézuélienne en otage. L’hyperinflation fait qu’une douzaine d’œufs coute le tiers d’un salaire mensuel et un cahier de notes, la moitié. Certes, ce n’est pas glorieux, mais malgré tout, l’éducation est gratuite et les denrées alimentaires de base sont distribuées jusque dans les coins les plus isolés du pays par les Comités locaux d’approvisionnement populaire (CLAP) pour la modique somme de 120 Bolivares (le salaire minimum est de 18 000 Bvs). Je le sais, j’ai participé à la distribution de quelques boites CLAP.

Tout n’est évidemment pas rose au Venezuela, et imputer tous les problèmes du pays à l’impérialisme états-unien relève d’un manque de rigueur qui n’aide en rien le combat du peuple vénézuélien dans sa lutte contre l’impérialisme justement.

Il y a bel et bien une crise, mais rien qui suggère l’existence d’une crise humanitaire. Ce n’est pas une crise du processus bolivarien, encore moins une crise du socialisme : il s’agit d’une crise du système capitaliste (car oui, le Venezuela est un État capitaliste) rentier basé sur l’exportation quasi-exclusive du pétrole.

Si cette crise accentue les sévices infligés par les agressions impérialistes, il n’en demeure pas moins que le peuple vénézuélien ne méprend pas la proie pour l’ombre. Nombreux sont ceux et celles qui, des rangs de l’Académie militaire aux simples citoyen-nes participant aux Conseils communaux voire impliqués dans les activités sportives ou culturelles en passant par les dirigeant-es étudiants m’ont bien fait comprendre que malgré les différents problèmes, au moins depuis Chavez, leur pays est dirigé depuis Miraflores et non depuis le Pentagone. Les Vénézuélien-nes sont enfin « maitres chez eux ».

Or, leur permettre d’être maitres chez eux sans combattre les tentatives d’ingérence du Canada, des États-Unis, des pays du groupe de l’OEA et du Groupe de Lima, ce serait faire confiance à l’impérialisme pour lequel il n’existe que des marchés, de la main d’œuvre à exploiter et des ressources naturelles à piller.

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