Adrien Welsh
L’espace d’une semaine, du 9 au 14 avril derniers, Caracas s’est
convertie en capitale mondiale de la paix. Cette ville présentée comme l’antre
du diabolique et sanguinaire Maduro dans la presse vénale a accueilli une
soixantaine de jeunes représentant une trentaine d’organisations venues des
quatre coins de la planète à l’occasion du Conseil général de la Fédération
mondiale de la jeunesse démocratique.
À cette délégation se sont joints les
délégué-es du Conseil mondial pour la paix (dont l'organisation célèbre ce mois-ci le 70e anniversaire), formant ainsi une brigade de
solidarité avec le peuple du Venezuela qui, tels les irréductibles Gaullois résistent
encore et toujours à l’envahisseur… Sauf que la menace d’invasion est, cette
fois-ci, bien réelle.
En effet, le Venezuela est victime d’une guerre
non-conventionnelle, d’une agression multiforme qui implique des actes de
sabotage des plus complexes, une guerre économique qui prive le pays de
dizaines de milliards de dollars, une guerre psychologique et médiatique ainsi qu’une
tentative à peine masquée de coup d’État avec la reconnaissance du militant d’extrême-droite
Juan Guaido comme Président légitime du pays par les États impérialistes.
Avant même notre arrivée, nous délégué-es, avons pu en
constater l’ampleur. Déjà, certains parmi nous ont eu quelques difficultés à
atteindre notre destination. Des camarades africains ont eu toutes les misères
du monde afin d’obtenir les visas de transit nécessaires lors de leur périple.
Moi-même, pourtant citoyen canadien, ai dû me soumettre à un interrogatoire des
plus pénibles lors de mon transit aux États-Unis. Même son de cloche au retour
d’ailleurs, mais à Montréal cette fois-ci où des douaniers fidèles aux
directives de Trump – Freeland ont pris un malin plaisir à inspecter un peu
plus que le contenu de mes bagages… Si
ça ne fait pas partie d’une tentative de guerre psychologique, je me demande
bien de quoi il s’agit…
Une fois sur place, au bout de quelques heures nous avons
connu un apagon, une coupure d’électricité. Certes, au même moment, de
nombreux foyers québécois manquaient d’électricité, mais au Venezuela, la cause
n’avait rien à voir avec la situation climatique du pays : 90% du pays a
été plongé dans le noir, chose inédite dans l’histoire récente du pays, ce qui
laisse sous-entendre que des actes de sabotages sans doute pilotés depuis l’étranger
en sont la cause. Je pourrais vous décrire l’état d’esprit des caraquenos
qui, pour la plupart, craignaient qu’il s’agisse d’un signal d’assaut pour
déposer le gouvernement légitime de Nicolas Maduro, mais je vous en fais grâce
faute d’espace.
Nous avons également pu voir à quel point les sanctions
économiques tiennent la population vénézuélienne en otage. L’hyperinflation
fait qu’une douzaine d’œufs coute le tiers d’un salaire mensuel et un cahier de
notes, la moitié. Certes, ce n’est pas glorieux, mais malgré tout, l’éducation
est gratuite et les denrées alimentaires de base sont distribuées jusque dans
les coins les plus isolés du pays par les Comités locaux d’approvisionnement
populaire (CLAP) pour la modique somme de 120 Bolivares (le salaire minimum est
de 18 000 Bvs). Je le sais, j’ai participé à la distribution de quelques
boites CLAP.
Tout n’est évidemment pas rose au Venezuela, et imputer tous
les problèmes du pays à l’impérialisme états-unien relève d’un manque de
rigueur qui n’aide en rien le combat du peuple vénézuélien dans sa lutte contre
l’impérialisme justement.
Il y a bel et bien une crise, mais rien qui suggère l’existence
d’une crise humanitaire. Ce n’est pas une crise du processus bolivarien, encore
moins une crise du socialisme : il s’agit d’une crise du système
capitaliste (car oui, le Venezuela est un État capitaliste) rentier basé sur l’exportation
quasi-exclusive du pétrole.
Si cette crise accentue les sévices infligés par les
agressions impérialistes, il n’en demeure pas moins que le peuple vénézuélien
ne méprend pas la proie pour l’ombre. Nombreux sont ceux et celles qui, des
rangs de l’Académie militaire aux simples citoyen-nes participant aux Conseils
communaux voire impliqués dans les activités sportives ou culturelles en
passant par les dirigeant-es étudiants m’ont bien fait comprendre que malgré les
différents problèmes, au moins depuis Chavez, leur pays est dirigé depuis
Miraflores et non depuis le Pentagone. Les Vénézuélien-nes sont enfin « maitres
chez eux ».
Or, leur permettre d’être maitres chez eux sans combattre
les tentatives d’ingérence du Canada, des États-Unis, des pays du groupe de l’OEA
et du Groupe de Lima, ce serait faire confiance à l’impérialisme pour lequel il
n’existe que des marchés, de la main d’œuvre à exploiter et des ressources
naturelles à piller.
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