Omar Hasana, dirigeant de la jeunesse du Front Polisario |
Le 10 décembre dernier, la Commission du commerce international de la Commission européenne a adopté un rapport entérinant l’extension des droits de pêche convenus en vertu du traité de pêche Maroc – UE aux eaux adjacentes au territoire du Sahara occidental, occupé par un Maroc nostalgique de l’Empire chérifien depuis 1976. Or, la Cour de justice de l’Union européenne avait justement invalidé cet accord en raison du fait que le territoire sahraoui était compris comme partie intégrale du Maroc et ce, sans aucune consultation du Front Polisario, reconnu comme le représentant du peuple sahraoui par l’ONU.
En effet, en 2017, la CJUE accordait une victoire symbolique à la République arabe sahraouie démocratique en statuant invalide l’accord de pêche UE-Maroc, celui-ci « ayant été conçu sur la base de l’intégration unilatérale du Sahara occidental [au territoire marocain] et de l’affirmation de sa souveraineté sur ce territoire, le peuple sahraoui n’a pas librement disposé de ses ressources naturelles, comme l’impose pourtant le droit à l’autodétermination. » Un jugement similaire avait été rendu en 2016 au sujet d’un accord agricole entre Rabat et l’UE.
En clair, la justice européenne a tranché la question et a clairement statué que toute intégration du territoire souverain du Sahara occidental dans tout accord de commerce avec le Maroc représente une violation au droit inaliénable à l’autodétermination du peuple sahraoui et un pillage pur et simple de ses ressources tant qu’il n’en a pas donné son accord. Or, considérant que le Sahara occidental représente, selon les Nations Unies, la dernière colonie d’Afrique et que pratiquement aucun pays ne reconnait la pleine souveraineté du Maroc sur ce territoire, il ne fait aucun doute que l’accord signé entre le Royaume et l’Union Européenne ne peut, sans brimer l’un des principes fondamentaux du droit international, inclure ni les eaux adjacentes au territoire sahraoui (eaux par ailleurs riches en ressources halieutiques) ni aucune ressource de la colonie marocaine. Il est également impensable que, tel que conclu dans le rapport approuvé par les députés européens, donner carte blanche à un État colonisateur pour qu’il écoule partout en Europe les ressources qu’il pille sous les yeux de la population colonisée, n’aurait aucun impact négatif sur les populations locales!
Si l’on suit cette logique, la souveraineté française sur les pétroles algériens n’aurait eu aucun impact négatif sur la population locale. Cette affirmation est d’autant plus scandaleuse que pratiquement aucun pays au monde ne reconnait la totale souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Tous sont d’accord sur la nécessité d’organiser un référendum sur l’auto-détermination sahraouie, référendum qui se fait attendre depui 1991 à cause de la mauvaise foi du Maroc dans le dossier.
Outre le résultat du vote, scandaleux en soi, le processus par lequel les représentants de l’UE ont été appelé à se prononcer cache une irrégularité troublante qui, selon les représentants du groupe parlementaire GUE (Gauche unitaire européenne / gauche verte nordique), suffit à invalider le processus au complet. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’ils ont décidé de boycotter le vote.
Effectivement, le groupe parlementaire (qui regroupe des députés du Parti communiste portugais, du Parti progressiste des travailleurs chypriote, du Parti du travail de Belgique notamment) a révélé que l’eurodéputée qui a présenté le mémoire commissionné afin de déterminer si l’inclusion des zones de pêche adjacentes au territoire du Sahara occidental aurait un impact négatif sur les Sahraouis, Patricia Lalonde, a dû remettre sa démission du Parlement européen pour cause de conflits d’intérêts. Plus précisément, c’est sa collusion avec les intérêts marocains qui lui sont reprochés, Mme Lalonde étant membre du Conseil d’administration de la Fondation EuroMedeA à laquelle figurent entre autres des anciens ministres marocains. Cette eurodéputée française n’est d’ailleurs pas la seule à entretenir des liens avec cette fondation dont le rôle ressemble plutôt à celui d’un groupe de pression, ce qui a forcé le Parlement européen à ouvrir une enquête interne pour une possible violation du code de conduite. La Commission du commerce international a pourtant décidé, malgré ces soupçons inquiétants, de voter, l’extension de la zone de pêche prévue dans l’accord UE - Maroc aux eaux souveraines du Sahara occidental. Selon les députés du groupe GUE, ce vote est tout simplement illégal.
Ainsi, en faisant fi des conclusions de la CJUE, les représentants de l’UE du capital ont dévoilé, une fois de plus, la vraie nature de cette alliance impérialiste. Entre une commission qui bafoue ouvertement et en toute impunité les décisions de justice et une eurodéputée à l’intégrité plus que douteuse, le simulacre de démocratie européenne apparait, même à l’oeil le moins aguerri, comme un cirque conçu sur mesure pour amuser la plèbe alors qu’en arrière-scène, les banquiers et le patronat continuent leur trafic sans être inquiétés. Dans la même veine, que l’UE s’arrange pour passer en force un accord permettant le pillage des ressources d’une colonie au bénéfice de l’État colonisateur fait de cette alliance une complice de l’occupation marocaine du Sahara occidental. Difficile donc de croire que l’UE soit autre chose qu’une alliance impérialiste et difficile, par conséquent, de voir en la construction européenne la possibilité d’une UE des peuples et non une UE du Capital; d’y voir une UE de la paix plutôt qu’une UE qui appelle à la guerre et tente de positionner les peuples en compétition les uns contre les autres.
Malgré cette profession de foi aveugle envers le colonialisme marocain, il reste que le tableau, tout en demeurant sombre pour le Sahara occidental, s’éclaircit peu à peu. La solidarité avec le front Polisario croît d’année en année apportant avec elle quelques succès. Parmi ceux-ci, notons la victoire juridique obtenue en 2017 au Panama et en Afrique du Sud, ce qui a permis d'arraisonner deux cargos remplis de phosphate sahraoui, mais soulignons surtout la décision de la plus importante compagnie de transformation de phosphate Nutrien (née de la fusion d’Agrium et de Potash Corp, deux entreprises canadiennes) de cesser de s’approvisionner illégalement au Sahara Occidental après avoir été inscrite sur une liste noire.
Il reste toutefois que la cause sahraouie nécessite plus d’attention, sans quoi des situations comme celle-ci pourraient se reproduire, y compris au Canada. En effet, depuis 2011, le Canada négocie un accord de libre-échange avec le Maroc. Si aucune mobilisation ne fait la lumière sur la réalité de l’occupation du Sahara occidental par l’Empire chérifien, une situation somme toutes très méconnue auprès des progressistes, il y a de fortes chances que le Canada signe un accord où les frontières du Maroc incluraient le Sahara occidental et soit, par conséquent, complice de la colonisation marocaine.
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