Au
lendemain de son indépendance gagnée au prix du lourd sacrifice d’une guerre
meurtrière de 7 ans (1954 – 1962), l’Algérie devient une terre d’accueil pour
les mouvements de lutte contre l’impérialisme, le colonialisme et contre le
racisme. C’est ainsi qu’on y retrouve, tout au long des années 1960-1970, des
membres des Black Panthers côtoyant,
dans la casba d’Alger la blanche
devenue «la rouge», des fedayins palestiniens et omanais ou encore des
Viêt-Namiens luttant pour la l’unification de leur patrie. Cette réputation a
même fait écho au Québec puisque, en 1970, les terroristes du FLQ ont tenté, en
vain, d’y être accueillis.
Aujourd’hui
pourtant, cette ferveur révolutionnaire algérienne n’est qu’un passé lointain,
presque illusoire. S’il est vrai que l’Algérie a décrété un deuil national de 8
jours à la mort de Fidel Castro, il reste que la République algérienne
«démocratique et populaire» ne l’est plus que par son nom officiel. À partir
des années 1980, les mesures populaires (réforme agraire et nationalisations)
et l’orientation anti-impérialiste du gouvernement algérien sont renversées et
le tapis rouge se déploie peu à peu pour l’introduction de mesures libérales.
Le gouvernement du Front de libération national, en quête de légitimité,
utilise la marotte des fascistes islamistes du Front islamique du salut (FIS) pour
répondre à la grogne populaire. S’en suit une période de troubles politiques,
voire de guerre civile (la décennie noire) qui force le gouvernement à
instaurer l’état de siège de 1992 à 2011 (alors que les violences entre l’armée
gouvernementale et le FIS cessent vers 2000).
La
crise économique, la baisse des cours du baril de pétrole et du gaz sont
utilisés comme prétexte pour faire payer encore plus les travailleurs et mettre
à mal ce qu’ils ont gagné au prix de nombreux sacrifices. Les salaires sont
gelés depuis 4 ans alors que les prix des biens de consommation courants ont
augmenté de 20%. Le chômage, en particulier chez les jeunes, atteint des
sommets. La classe dirigeante, quant à elle, attribue le déficit budgétaire aux
dépenses sociales trop importantes et s’active à soutenir les
solutions-miracles du FMI, soit la privatisation à outrance, ce qui fait le bonheur
de la bourgeoisie algérienne corrompue, parasite et réactionnaire.
Le racisme, notamment contre les réfugiés
africains, et le soutien tacite mais réel aux mouvements séparatistes du M’zab et de
Kabylie par le régime permettent de disperser la contestation populaire.
C’est
dans ce contexte hostile que le peuple algérien est appelé aux urnes
aujourd’hui, le 4 mai 2017, pour élire ses représentants aux législatives. Les
communistes algériens, rassemblés au sein du Parti algérien pour la démocratie et
le socialisme (non-reconnu par le gouvernement), mettent en garde les
travailleurs et les masses populaires contre les fausses solutions que
représentent les partis soi-disant de l’opposition et le boycott total des
élections, qui aide de facto les islamistes.
Dans
une déclaration publiée le 2 mai sur son site
internet, le PADS souligne en premier lieu le contexte général dans lequel
sont organisées ces élections législatives ainsi que le «verrouillage de la vie
politique pour empêcher les forces représentatives des travailleurs et des
masses laborieuses de s'organiser et de s'exprimer librement. Le régime a mis
en place depuis des années une démocratie de façade qui ne permet qu'aux forces
de l'argent, de la corruption, aux partis bourgeois reconnus - au pouvoir ou
dans l'opposition - de jouir de la légalité et d'imposer leur monopole sur les
organes législatifs ou exécutifs locaux ou nationaux. La mascarade démocratique
se joue également derrière une multitude de partis fabriqués par le régime pour
faire croire à l'existence du multipartisme.»
L’issue
de cette «mascarade» est connue d’avance : les principaux partis au
pouvoir, aidés des islamistes, «ont tout mis en place pour reconduire leur
hégémonie dans le prochain parlement». L’opposition, quant à elle, joue un rôle
de rabatteur et ne critique le pouvoir que pour des questions de gouvernance.
Le PADS met également en garde contre le Parti des travailleurs de Louisa
Hanoune qui, depuis 20 ans, adopte un semblant de rhétorique radicale mais,
dans les faits, a soutenu la ligne de Bouteflika (Président de la République
depuis 1999). Ainsi, «la bourgeoisie n'a
aucune raison de s'inquiéter au vu des programmes de tous ces partis.»
D’autres
partis ont appelé au boycott des élections. En tête de ceux-ci, le Front
islamique du salut (FIS) adopte cette tactique depuis 1992. «Il attend le
moment propice pour reprendre l'offensive, imitant la stratégie morbide mise en
application par les groupes islamistes syriens ouvertement soutenus ou créés
par l'impérialisme : Front en-Nosra, Daech, etc.» Pour le PADS, il ne fait
aucun doute que «ces partis boycotteurs jouent consciemment le rôle de chevaux
de Troie de l'ingérence des États impérialistes» et qu’ils «peuvent
compter sur des alliés internes dans le pouvoir et l' "opposition"».
En
effet, l’Algérie est confrontée à une situation géopolitique complexe où les
pressions grandissantes des puissances impérialistes européennes et leurs
laquais, en particulier le Royaume du Maroc, pour que la patrie de Messali Hadj
et de Maurice Audin abandonne toute politique étrangère indépendante, puis privatise
le secteur pétrolier et gazier pour qu’ils puissent en prendre contrôle. Ces
pressions ne se résument d’ailleurs pas à des tractations économiques,
politiques ou diplomatiques, mais présentent un aspect militaire. En effet, le
Roi Mohammed VI du Maroc, désireux de refaire l’Empire chérifien, pousse vers une confrontation militaire entre
le Maroc et l’Algérie par interposition du Sahara Occidental, dernière colonie
africaine occupée par le Maroc.
Le
pouvoir algérien sait depuis longtemps tirer profit de cette situation. Pour le
gouvernement, toute opposition est assimilée à une profession de foi en faveur
de l’ingérence étrangère (alors que lui-même livre sur plateau d’argent des
secteurs entiers de l’économie algérienne aux pétromonarchies du Golfe). Pour
une partie de l’opposition, il est facile de faire croire, considérant le
mécontentement populaire, qu’un rapprochement avec la France et surtout avec
les États-Unis ferait partie de la solution.
Dans
cette situation, la démobilisation des masses populaires et de la classe
ouvrière est grande. Toutefois, soulignant que les «libertés démocratiques
s’arrachent pas à pas», les communistes algériens voient une lueur d’espoir
avec la possibilité de présenter des candidats indépendants aux législatives. «La
formule des listes indépendantes peut permettre d'ouvrir des brèches dans les
barrages qu’il a érigés. Mais il faut accumuler pour cela des forces dans le
feu des luttes sociales et politiques de chaque jour.» Celle-ci n’a cependant
pas été utilisée par les communistes algériens qui estiment que la rupture
viendra par les luttes.
Pour
ces élections législatives, il ne reste comme option que le vote blanc. «Dans
la liste des candidats à ces législatives on ne trouve aucun parti ni aucun
indépendant résolument anticapitaliste et porteur de l'alternative
révolutionnaire du socialisme. Il n’y a pas même de partis qui, sans
être socialiste, défendrait les libertés démocratiques.»
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire