Par Adrien Welsh
À l’occasion de la Journée
internationale des migrants du 18 décembre
2015, la Ligue de la jeunesse communiste du Canada joint sa voix à des milliers d’autres à
travers le monde pour exprimer sa solidarité envers les millions d’hommes, femmes et enfants contraints chaque
année à quitter leur pays, famille, foyer et emploi
pour causes de guerre, économiques ou
climatiques.
Cette année,
cette journée de solidarité arrive à point donné tant aux vues de la
conjoncture internationale que canadienne. Le capitalisme ne se remet pas de la
crise structurelle qu’il a connue en 2008. En
conséquence, la classe
dirigeante organise sa fuite en avant et doit garantir sa mainmise sur de
nouveaux marchés, sur l’accès aux
ressources naturelles et sur un bassin de main d’oeuvre bon marché. Pour se faire, la
bourgeoisie ne recule devant rien: les moindres poches de résistance aux plans impérialistes doivent être anéanties. C’est ainsi qu’après avoir financé des forces islamistes
soi-disant modérées pour combattre l’infâme Bashar el-Assad en Syrie, ne voilà-t-il pas qu’il faut intervenir sous la houlette de l’OTAN, bras armé de l’impérialisme,
parait-il pour des raisons humanitaires. On rappellera à juste titre que l’Irak abrite la 5e plus importante réserve de pétrole au monde.
C’est
ainsi qu’en plus d’avoir créé
plus de 200 000 morts depuis le début du conflit en 2011, ils sont aujourd’hui plus de 4 millions de déplacés dans la région du Croissant fertile.
En Ukraine, après avoir soutenu un coup d’État
fomenté avec l’aide d’éléments fascistes, l’Union européenne, l’OTAN et leurs alliés se sont réjouis d’avoir contribué à apporter la démocratie! Disons plutôt qu’ils se sont réjouis d’avoir
conquis un marché d’une importance capitale sur le plan géo-stratégique pour l’expansion de leur influence vers l’est. Pour garantir leurs arrières cependant, ils ont dû faire appel à une présence
militaire accrue en Europe de l’Est
et mener des combats sanguinaires qui ont fait plus de 6400 morts et 1,4
million de déplacés selon l’ONU, parmi lesquels 10 000 par jour traversent la frontière pour gagner la Russie voisine.
Le Canada en est partiellement responsable dans
les deux cas. En Syrie, le Canada a, sous la houlette des Conservateurs,
participé aux frappes aériennes et, maintenant, pense restructurer sa
mission en n’envoyant que des
fantassins soi-disant pour jouer un rôle de
formation. De plus, un contrat d’armement
de 15 milliards de dollars a été conclu entre le Canada
et l’Arabie Saoudite, l’un des principaux fournisseurs de l’État islamique. En Ukraine, le Canada
entretient 300 soldats comme force de réserve
au gouvernement illégitime et soutenu par
des forces fascistes de Kiev. Dans ces conditions, il est difficile de croire
en la bonne foi Libéraux, désireux de faire bonne figure après les dix ans de politiques racistes et xénophobes du gouvernement Harper, en promettant
d’accueillir 25 000 réfugiés
syriens - un chiffre par ailleurs dérisoire
en comparaison avec des pays comme la Grèce ou
l’Allemagne qui en ont,
jusqu’à présent, accueilli
respectivement 160 000 et 1 million.
Nous ne participons pas à ce marché
de dupes dominé
par des pompiers pyromanes qui se présentent comme humanistes parce qu’ils
accueillent quelques réfugiés alors qu’ils redoublent d’efforts pour mettre à feu et à sang l’ensemble du Moyen-Orient. Les crimes de l’impérialisme
ne peuvent être lavés. Ni Libéraux, ni Conservateurs, ni Néo-démocrates n’ont eu une position claire pour la sortie de l’OTAN et pour une politique internationale basée sur la paix et la solidarité
internationale. Comment peut-on alors croire en leur bonne
foi lorsqu’ils parlent de «devoir humanitaire» en accueillant quelques milliers de réfugiés
syriens?
Nous ne faisons pas partie de ceux qui ont
ovationné Angela Merkel lors de
son annonce, en plein congrès de
son parti politique, de ne pas fermer les frontières allemandes. Tous les économistes
européens, même de droite, s’accordent pour dire que l’arrivée de cette vague de réfugiés ne pèsera en rien sur l’économie allemande: les données
vont même dans l’autre sens. Au Canada également, nous ne croyons pas que les Libéraux prévoient accueillir les réfugiés
syriens par simple mesure caritative. Les nouveaux arrivants constituent un des
moyens utilisés pour pallier au
vieillissement de la population.
Plus généralement, il ne fait aucun doute que les
capitalistes sont à la recherche d’une main d’oeuvre sans cesse plus mobile et docile capable de se déplacer selon les intérêts ponctuels des
entreprises. Cet aspect de la réalité des migrants touche les
jeunes de plein fouet: c’est ainsi que plus de
500 000 jeunes diplômés espagnols ont quitté
leur pays depuis 2008. Fuyant la misère à cause du pillage et de
la déstructuration de l’économie de leurs pays, chaque année des milliers de jeunes Africains tentent de
franchir la Méditerranée en espérant
trouver l’el-dorado européen. Souvent ils déchantent assez rapidement car ils y sont contraints de rejoindre les
rangs au mieux du précariat ou de l’armée
industrielle de réserve et au pire ils y
laissent leur vie. Cette année,
ils étaient 22 000 à périr en méditerranée.
Une main d’oeuvre
mobile est une aubaine pour la classe dirigeante qui peut s’appuyer sur elle, sur la situation d’irrégularité dans laquelle certains
migrants se trouvent ou, comme c’est
le cas au Canada, à l’aide de mécanismes
discriminatoires comme le Programme des travailleurs immigrés, pour appliquer une pression à la baisse sur les
salaires. C’est pourquoi nous devons
non seulement accueillir les migrants mais aussi se battre à leurs côtés
pour garantir le respect de leurs droits en tant que travailleurs, y compris
celui de se syndiquer.
Autre corollaire important de la crise du
capitalisme en lien avec les migrants: la crise environnementale. Alors que
vient de se conclure la grand messe du climat à Paris, rappelons que le réchauffement climatique est bien réel et
a un impact direct sur les populations. En moyenne, ces dix dernières années,
ce ont 27,5 millions de personnes annuellement qui ont été forcées de quitter leur domicile pour des raisons
climatiques. D’ici 2050, on estime qu’ils excèderont
le milliard.
Nous estimons nécessaire d’utiliser cette journée de solidarité pour reconnaitre et valoriser l’apport des immigrants à notre société, un fait particulièrement saillant dans notre pays et à travers l’Amérique
du Nord en général. Nous devons nous rappeler leur contribution à différents
épisodes de l’histoire des mouvements progressistes et
ouvriers notamment leur participation à
l’organisation des
premiers syndicats ouvriers et agricoles, aux grandes grèves et même à la formation du Parti communiste du Canada
dans les années 1920. Nous
reconnaissons également leur apport
culturel comme un enrichissement pour tous.
Dans le contexte actuel, un mois environ après les attentats de Paris, il ne fait aucun
doute que l’accueil des réfugiés
syriens sera utilisé comme marotte par l’extrême
droite. En Allemagne, le parti fasciste PEGIDA continue de mobiliser des
milliers de personnes avec des slogans xénophobes,
racistes et islamophobes. En France, les arguments jusque là propres à la droite et au Front
national sont maintenant relayés par
le Premier Ministre socialiste, Manuel Valls. Le Canada n’est pas en reste: ces dernières
semaines, nous avons connu une recrudescence de crimes islamophobes.
Il est donc plus que nécessaire de manifester notre refus de classe contre ces politiques
haineuses et surtout de dévoiler
comment elles servent le système
capitaliste en divisant les travailleurs et en détournant l’attention des masses du
véritable ennemi. En tant
qu’internationalistes, nous
répétons sans cesse et aujourd’hui
plus que jamais que l’ennemi de la jeunesse,
des travailleurs et des masses populaires ne sont pas les immigrants, mais le
capitalisme. Les immigrants, au contraire, ont les mêmes intérêts que la grande majorité
du peuple, à
savoir se libérer
du joug de la barbarie de ce système
qui n’offre rien de mieux que
la guerre, la misère et la destruction de
notre environnement.
Que nous soyons Canadiens, Syriens ou
Trobriandais, nous devons nous unir pour mener notre lutte contre les
profiteurs qui, même s’ils prennent un malin plaisir à nous liguer les uns
contre les autres, ne nous discriminent plus lorsqu’il s’agit de nous exploiter.
C’est pourquoi la Ligue de
la jeunesse communiste revendique:
-
Le retrait immédiat du Canada de l’OTAN, main armée de l’impérialisme,
et de tout autre accord impérialiste;
l’instauration d’une politique étrangère de paix, basée sur le désarmement, le développement durable et
la solidarité entre les peuples;
-
Le retrait immédiat de tous les soldats canadiens mobilisés à
l’extérieur du pays, à commencer par les
troupes présentes en Ukraine et au
Moyen-Orient;
-
La fin immédiate du contrat d’armement
de 15 milliards de dollars conclu avec l’Arabie
Saoudite, l’un des principaux
fournisseurs de l’État islamique;
-
L’accueil de tous les immigrants et demandeurs d’asile, personne n’est
illégal;
-
L’abrogation de la Loi sur l’immigration,
du statut de réfugié qui donne la priorité aux nantis, créant de jure deux classes de migrants
ainsi que du Programme des travailleurs immigrés qui dépossède ces derniers de tous leurs droits. Nous réclamons également
que leurs droits en tant que travailleurs soient scrupuleusement respectés, y compris les droits syndicaux et de grève;
-
L’abrogation totale de la loi C-51 attaquant de front les libertés démocratiques
individuelles sous prétexte de la «guerre contre le terrorisme» ainsi que de la loi C-24
qui permet la déchéance de la nationalité
aux individus chargés
entre autres pour «terrorisme» et «haute trahison»
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