Le réchauffement climatique : Une menace pour la nation Inuit
Par Louis-Martin Pilote
Soyons honnêtes; les Canadiens sont parmis les personnes les plus égocentriques du monde. Nous consommons à outrance depuis des dizaines d’années sans nous préoccuper des effets collatéraux que cette attitude entraînera. L’un de ces effets est le tristement célèbre réchauffement climatique. Ce phénomène a un impact direct sur les populations du monde entier vivant à proximité du cercle polaire arctique en modifiant leur environnement et en affectant leur santé.
La fonte de la banquise
La fonte de la banquise et du pergélisol font partie des conséquences les plus visibles du réchauffement climatique. Mais, afin de bien comprendre les effets de cette fonte sur les Inuits du Québec, il est primordial d’en discerner l’origine. Les gaz à effets de serre sont naturellement présents dans la nature, mais, avant le développement industriel de l’Homme, ils n’ont jamais été en concentration assez élevée pour bouleverser l’équilibre planétaire. Depuis les années cinquante, la population mondiale (et aussi sa consommation) a commencée à se décupler de manière exponentielle. Depuis, nous rejetons chaque année des milliards de tonnes de ces gaz dans l’atmosphère dont les origines sont très variées. Usines, production d’énergie, élevage bovin, circulation automobile, la liste est longue. Quoi qu’il en soit, les gaz ainsi produits retiennent l’énergie solaire dans notre atmosphère et l’empêche d’être réfléchie vers l’espace. La température terrestre augmente alors et les océans absorbent de plus en plus de chaleur.
Le problème avec le réchauffement des océans, selon le co-réalisateur du documentaire La planète blanche Thierry Piantanida, c’est que les océans réchauffent eux-mêmes la banquise qui agit à l’origine comme un miroir géant, renvoyant 80% des rayons du Soleil.(1) Sachant que les océans captent 90% des rayons du Soleil, le calcul est simple. Plus les océans feront fondre la banquise, moins celle-ci réfléchira de rayons solaires et plus le réchauffement planétaire s’aggravera.
Les Inuits du Nord du Québec sont les principaux individus touchés par le réchauffement climatique. Ils ne peuvent plus compter sur la banquise pour aller chasser le phoque selon la méthode traditionnelle. Cette méthode consiste à repérer le trou de respiration d’un phoque et d’attendre avec un harpon qu’il s’y pointe pour respirer. Elle est aussi l’une des seules praticables durant l’hiver arctique outre la chasse au filet. Depuis une dizaine d’années, la glace devient impraticable pendant une plus grande période, réduisant ainsi la période de chasse et de pêche d’un mois dans certaines régions, notamment dans la baie de Cumberland, à l’est de l’île de Baffin. C’est en tout cas l’observation de Jim Currie, vendeur de poissons et de viandes sauvages de cette région. Il mentionne aussi d’un air pas trop optimiste : « Notre haute saison de pêche va de décembre à avril. Depuis trois ans, les conditions de gel sont mauvaises et il faut attendre janvier pour s'aventurer sur la banquise. » (2) Par conséquent, les Inuits ont moins de temps pour chasser et pêcher et les captures se font de plus en plus réduites.
Par ailleurs, la fonte de la banquise entraîne aussi des complications pour les déplacements, notamment en traîneaux à chiens et en motoneige. Ces moyens de transports sont essentiels à la survie des Inuits pour couvrir les grandes distances qui les séparent des zones de chasse, de pêche et des villages voisins. Malheureusement, la glace fond et les déplacements sur la banquise deviennent de plus en plus dangereux tant elle est imprévisible. Chiati, guide en chef à Resolute, raconte : « La couleur de la glace est devenue trompeuse, a-t-il expliqué. Ce qui paraissait solide en apparence quand j’étais petit, et qui l’était vraiment, a maintenant la même apparence, mais avec la solidité d’un biscuit soda. L’inverse est également vrai. » (3) Les Inuits ne sont pas les seuls peuples à être touchés par la fonte. Certaines communautés montagnaises et québécoises non-reliées à la route sur la Côte-Nord comptaient auparavant sur la glace pour se déplacer d’un village à l’autre en hiver. Cette option devient malheureusement risquée avec le temps.
La fonte du permafrost
Il faut savoir que la banquise n’est pas la seule à avoir chaud; le permafrost, ce sol gelé en permanence, est aussi affecté par le réchauffement climatique. N’étant pas protégé par la végétation, ce sol dénudé devient donc très sensible à l’érosion lorsqu’il fond. On a vu dans certains cas où le pergélisol avait été trop érodé des villages entiers s’effondrer. Thierry Piantanida raconte le cas du village insulaire de Shishmaref, en Alaska, où les maisons sans fondation ont été détruites suite à l’érosion du sol par l’océan (4) En plus d’influencer le mode de vie des Inuits, la fonte du pergélisol à un impact désastreux sur l’environnement. En effet, le pergélisol renferme la plus grande concentration en méthane au monde. Quand il fond, ce gaz hautement nocif est libéré dans l’atmosphère. Le co-réalisateur rappelle qu’une molécule de méthane a un pouvoir de réchauffement 56 fois supérieur à celui du gaz carbonique, aggravant de ce fait le réchauffement climatique.
Un mode de vie traditionnel menacé
La modification de l’environnement du Grand Nord entraînera la disparition d’un mode de vie millénaire et de toute la culture qui s’y rattache. En effet, les nouveaux-nés Inuits ne pourront plus jamais vivre comme leurs parents et le savoir de ceux-ci deviendra inapplicable suite à cette modification et porté à être oublié. C’est toute une variété de coutumes, de croyances et de connaissances qui disparaîtra à jamais. Autrefois, les Inuits utilisaient huit saisons pour partager une année. À présent, ils n’en utilisent plus que quatre! Par conséquent, ils ne peuvent plus prédire le temps qu’il fera. Sami Peter, un patriarche de la Maison des Aînés, déclare : « Autrefois, les nuages nous disaient tout du temps des jours à venir. Maintenant, on attend le matin même pour partir à la chasse. » (5)
L’habileté que ce peuple a de prévoir le temps, de reconnaître les différents types de neige et de glace et de survivre à l’hiver arctique ainsi que tout leur savoir sont condamnés à disparaître sans un rapide changement de notre polluant mode de vie. Alice Avalik, participante d'une réunion de "terminologie" où l'on cherche de nouveaux termes en inuktitut (langue inuit) pour parler d'ozone ou de gaz à effet de serre affirme : « L'hiver dernier, on n'a jamais eu la bonne neige pour apprendre aux jeunes à construire des igloos » (6). Mais qu’est-ce qu’un Inuit devient sans igloo?
«Notre mode de vie dépend de notre environnement naturel et des animaux. Les changements climatiques détruisent notre environnement et érodent notre culture, mais nous refusons de disparaître. Nous ne deviendrons pas une note de bas de page de la mondialisation.» (7)
Apparemment, la seule solution aux difficultés que vivent présentement les Inuits semble venir de notre côté. Sans une rapide diminution de nos émanations de gaz à effets de serre, ils finiront par disparaître, tout comme nous. Leur cri du cœur devrait sonner l’alarme chez tous les pays industrialisés du monde. Nous devons agir avant l’inévitable. Un peu plus au sud, des Cris sont au prise avec des difficultés totalement opposées, mais dont la source reste la même; nos habitudes de consommation.
(1) PIANTANIDA, Thierry. Office Nationale du Film. (12 février 2008). L’Arctique et le réchauffement climatique, http://www.onf.ca
(2) PÉLOUAS, Anne. Le Monde. (12 février 2008). Le réchauffement climatique bouleverse le quotidien des Inuits, http://www.lemonde.fr
(3) CHAMPAGNE, Sara. « Eau Éléments », La Presse (Montréal), (26janvier 2008), Cahier spécial
(4) PIANTANIDA, Thierry. Office Nationale du Film. (12 février 2008). L’Arctique et le réchauffement climatique, http://www.onf.ca
(5) CHAMPAGNE, Sara. « Eau Éléments », La Presse (Montréal), (26janvier 2008), Cahier Spécial
(6) PÉLOUAS, Anne. Le Monde. (12 février 2008). Le réchauffement climatique bouleverse le quotidien des Inuits, http://www.lemonde.fr
(7) Idem
Par Louis-Martin Pilote
Soyons honnêtes; les Canadiens sont parmis les personnes les plus égocentriques du monde. Nous consommons à outrance depuis des dizaines d’années sans nous préoccuper des effets collatéraux que cette attitude entraînera. L’un de ces effets est le tristement célèbre réchauffement climatique. Ce phénomène a un impact direct sur les populations du monde entier vivant à proximité du cercle polaire arctique en modifiant leur environnement et en affectant leur santé.
La fonte de la banquise
La fonte de la banquise et du pergélisol font partie des conséquences les plus visibles du réchauffement climatique. Mais, afin de bien comprendre les effets de cette fonte sur les Inuits du Québec, il est primordial d’en discerner l’origine. Les gaz à effets de serre sont naturellement présents dans la nature, mais, avant le développement industriel de l’Homme, ils n’ont jamais été en concentration assez élevée pour bouleverser l’équilibre planétaire. Depuis les années cinquante, la population mondiale (et aussi sa consommation) a commencée à se décupler de manière exponentielle. Depuis, nous rejetons chaque année des milliards de tonnes de ces gaz dans l’atmosphère dont les origines sont très variées. Usines, production d’énergie, élevage bovin, circulation automobile, la liste est longue. Quoi qu’il en soit, les gaz ainsi produits retiennent l’énergie solaire dans notre atmosphère et l’empêche d’être réfléchie vers l’espace. La température terrestre augmente alors et les océans absorbent de plus en plus de chaleur.
Le problème avec le réchauffement des océans, selon le co-réalisateur du documentaire La planète blanche Thierry Piantanida, c’est que les océans réchauffent eux-mêmes la banquise qui agit à l’origine comme un miroir géant, renvoyant 80% des rayons du Soleil.(1) Sachant que les océans captent 90% des rayons du Soleil, le calcul est simple. Plus les océans feront fondre la banquise, moins celle-ci réfléchira de rayons solaires et plus le réchauffement planétaire s’aggravera.
Les Inuits du Nord du Québec sont les principaux individus touchés par le réchauffement climatique. Ils ne peuvent plus compter sur la banquise pour aller chasser le phoque selon la méthode traditionnelle. Cette méthode consiste à repérer le trou de respiration d’un phoque et d’attendre avec un harpon qu’il s’y pointe pour respirer. Elle est aussi l’une des seules praticables durant l’hiver arctique outre la chasse au filet. Depuis une dizaine d’années, la glace devient impraticable pendant une plus grande période, réduisant ainsi la période de chasse et de pêche d’un mois dans certaines régions, notamment dans la baie de Cumberland, à l’est de l’île de Baffin. C’est en tout cas l’observation de Jim Currie, vendeur de poissons et de viandes sauvages de cette région. Il mentionne aussi d’un air pas trop optimiste : « Notre haute saison de pêche va de décembre à avril. Depuis trois ans, les conditions de gel sont mauvaises et il faut attendre janvier pour s'aventurer sur la banquise. » (2) Par conséquent, les Inuits ont moins de temps pour chasser et pêcher et les captures se font de plus en plus réduites.
Par ailleurs, la fonte de la banquise entraîne aussi des complications pour les déplacements, notamment en traîneaux à chiens et en motoneige. Ces moyens de transports sont essentiels à la survie des Inuits pour couvrir les grandes distances qui les séparent des zones de chasse, de pêche et des villages voisins. Malheureusement, la glace fond et les déplacements sur la banquise deviennent de plus en plus dangereux tant elle est imprévisible. Chiati, guide en chef à Resolute, raconte : « La couleur de la glace est devenue trompeuse, a-t-il expliqué. Ce qui paraissait solide en apparence quand j’étais petit, et qui l’était vraiment, a maintenant la même apparence, mais avec la solidité d’un biscuit soda. L’inverse est également vrai. » (3) Les Inuits ne sont pas les seuls peuples à être touchés par la fonte. Certaines communautés montagnaises et québécoises non-reliées à la route sur la Côte-Nord comptaient auparavant sur la glace pour se déplacer d’un village à l’autre en hiver. Cette option devient malheureusement risquée avec le temps.
La fonte du permafrost
Il faut savoir que la banquise n’est pas la seule à avoir chaud; le permafrost, ce sol gelé en permanence, est aussi affecté par le réchauffement climatique. N’étant pas protégé par la végétation, ce sol dénudé devient donc très sensible à l’érosion lorsqu’il fond. On a vu dans certains cas où le pergélisol avait été trop érodé des villages entiers s’effondrer. Thierry Piantanida raconte le cas du village insulaire de Shishmaref, en Alaska, où les maisons sans fondation ont été détruites suite à l’érosion du sol par l’océan (4) En plus d’influencer le mode de vie des Inuits, la fonte du pergélisol à un impact désastreux sur l’environnement. En effet, le pergélisol renferme la plus grande concentration en méthane au monde. Quand il fond, ce gaz hautement nocif est libéré dans l’atmosphère. Le co-réalisateur rappelle qu’une molécule de méthane a un pouvoir de réchauffement 56 fois supérieur à celui du gaz carbonique, aggravant de ce fait le réchauffement climatique.
Un mode de vie traditionnel menacé
La modification de l’environnement du Grand Nord entraînera la disparition d’un mode de vie millénaire et de toute la culture qui s’y rattache. En effet, les nouveaux-nés Inuits ne pourront plus jamais vivre comme leurs parents et le savoir de ceux-ci deviendra inapplicable suite à cette modification et porté à être oublié. C’est toute une variété de coutumes, de croyances et de connaissances qui disparaîtra à jamais. Autrefois, les Inuits utilisaient huit saisons pour partager une année. À présent, ils n’en utilisent plus que quatre! Par conséquent, ils ne peuvent plus prédire le temps qu’il fera. Sami Peter, un patriarche de la Maison des Aînés, déclare : « Autrefois, les nuages nous disaient tout du temps des jours à venir. Maintenant, on attend le matin même pour partir à la chasse. » (5)
L’habileté que ce peuple a de prévoir le temps, de reconnaître les différents types de neige et de glace et de survivre à l’hiver arctique ainsi que tout leur savoir sont condamnés à disparaître sans un rapide changement de notre polluant mode de vie. Alice Avalik, participante d'une réunion de "terminologie" où l'on cherche de nouveaux termes en inuktitut (langue inuit) pour parler d'ozone ou de gaz à effet de serre affirme : « L'hiver dernier, on n'a jamais eu la bonne neige pour apprendre aux jeunes à construire des igloos » (6). Mais qu’est-ce qu’un Inuit devient sans igloo?
«Notre mode de vie dépend de notre environnement naturel et des animaux. Les changements climatiques détruisent notre environnement et érodent notre culture, mais nous refusons de disparaître. Nous ne deviendrons pas une note de bas de page de la mondialisation.» (7)
Apparemment, la seule solution aux difficultés que vivent présentement les Inuits semble venir de notre côté. Sans une rapide diminution de nos émanations de gaz à effets de serre, ils finiront par disparaître, tout comme nous. Leur cri du cœur devrait sonner l’alarme chez tous les pays industrialisés du monde. Nous devons agir avant l’inévitable. Un peu plus au sud, des Cris sont au prise avec des difficultés totalement opposées, mais dont la source reste la même; nos habitudes de consommation.
(1) PIANTANIDA, Thierry. Office Nationale du Film. (12 février 2008). L’Arctique et le réchauffement climatique, http://www.onf.ca
(2) PÉLOUAS, Anne. Le Monde. (12 février 2008). Le réchauffement climatique bouleverse le quotidien des Inuits, http://www.lemonde.fr
(3) CHAMPAGNE, Sara. « Eau Éléments », La Presse (Montréal), (26janvier 2008), Cahier spécial
(4) PIANTANIDA, Thierry. Office Nationale du Film. (12 février 2008). L’Arctique et le réchauffement climatique, http://www.onf.ca
(5) CHAMPAGNE, Sara. « Eau Éléments », La Presse (Montréal), (26janvier 2008), Cahier Spécial
(6) PÉLOUAS, Anne. Le Monde. (12 février 2008). Le réchauffement climatique bouleverse le quotidien des Inuits, http://www.lemonde.fr
(7) Idem
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