dimanche 20 juin 2010

À Lire

Sortie collective sans précédent des trois centrales syndicales et de groupes d'économistes - L'heure juste sur la dette du Québec

MONTRÉAL, le 15 juin /CNW Telbec/ - À la veille des sommets du G8 et du G20 où le gouvernement Harper entend agiter l'épouvantail de la dette pour inciter les pays membres à adopter des mesures d'austérité plus sévères, et dans la foulée du budget Bachand où le même épouvantail sert d'accélérant pour un retour précipité à l'équilibre budgétaire, la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) joignent leur voix à celle de groupes d'économistes, le collectif Économie autrement, l'Institut de recherche sur l'économie contemporaine (IREC) et l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS), pour donner L'heure juste sur la dette du Québec. Il s'agit d'ailleurs du titre d'une étude de l'économiste Louis Gill autour de laquelle s'est articulée cette sortie collective sans précédent.

On peut lire en préambule de l'analyse de Louis Gill que "Pour camper le décor en vue du budget de l'année 2010-2011 et convaincre la population de la nécessité des mesures assassines qu'il allait contenir, la réduction de la dette a été présentée comme une urgence nationale par le gouvernement (du Québec), ses "experts indépendants" et tous les partisans de la vision "lucide" :

- une dette caractérisée comme exorbitante, découlant de décennies de surconsommation de services publics par une population vivant au-dessus de ses moyens;

- une dette dont les deux tiers seraient en conséquence une "mauvaise dette" résultant de déficits budgétaires cumulés au fil des années en raison d'excès de dépenses courantes, qualifiées de "dépenses d'épicerie"."

L'économiste dénonce également le double discours du gouvernement sur l'ampleur de la dette québécoise selon qu'il s'adresse aux autorités de réglementation des marchés financiers des pays prêteurs (60 % du PIB) ou qu'il veuille noircir volontairement le portrait (94,5 % du PIB) en joignant à la dette québécoise une portion de la dette canadienne qui n'a pas à lui être imputée.

"Ce n'est pas parce qu'on colporte et martèle, même à grande échelle, un mensonge éhonté que celui-ci devient vérité. Non, la population du Québec ne vit pas au-dessus de ses moyens. Non, nos services publics ne sont pas sclérosés et la privatisation fait partie du problème et non pas de la solution. Non, notre dette n'est pas hors contrôle et s'appuie sur des actifs tangibles et intangibles de qualité", a indiqué pour sa part le président de la FTQ, Michel Arsenault.

"Quand on entend le FMI dire qu'une dette à 60 % du PIB est raisonnable, on voit mieux pourquoi ceux qui veulent nous passer entre les dents la couleuvre des tarifications régressives, des tickets modérateurs et autres franchises santé ont intérêt à gonfler les chiffres", a ajouté la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau.

"Oui, il faut prendre la dette au sérieux. Mais il y a des limites à ne pas tenir compte des signaux qui nous viennent à la fois des États-Unis et d'Europe sur les dangers bien réels d'un retrait prématuré des mesures de soutien à l'économie. Cela risque de produire l'effet contraire", a fait valoir la leader syndicale.

Et que dire du legs aux générations futures? "Les centaines de millions consacrées au remboursement de la dette depuis la création du Fonds des générations sont autant de millions qui ne vont pas au maintien de services publics de qualité et à la réfection d'infrastructures désuètes. N'est-ce pas plutôt cela que nous devrions léguer aux jeunes?" a questionné Réjean Parent, président de la CSQ.

Guillaume Hébert de l'IRIS a rappelé, comme le souligne Louis Gill dans son étude, que "les mesures actuelles mises en avant par le gouvernement Charest pour rehausser ses revenus, qui combinent des hausses de tarifs et des réductions de dépenses, auront des conséquences socio-économiques désastreuses pour le Québec. Le comité d'experts du gouvernement les présente comme "les moins nuisibles à l'économie", alors qu'elles sont les plus nuisibles pour la majorité des individus qui composent cette économie."

Robert Laplante, de l'IREC, a tenu quant à lui à contrer le préjugé tenace voulant que les déficits budgétaires à l'origine de la mauvaise dette du Québec soient le résultat d'excès de dépenses. "Ces déficits sont davantage la conséquence de revenus insuffisants. Pensons notamment à tous les revenus dont le gouvernement s'est privé depuis quelques années en ne récupérant pas le point de TPS ou en baissant les impôts. Par ailleurs, la dette du gouvernement du Québec est principalement une bonne dette, contractée pour acquérir des immobilisations."

Enfin, Bernard Élie, du collectif Économie autrement, met en garde à la fois contre la surenchère de plans d'austérité de plus en plus sévères comme on le voit aujourd'hui dans la zone euro et contre la précipitation du gouvernement Charest à vouloir rétablir l'équilibre budgétaire à tout prix en évoquant, entre autres, l'ampleur de la dette.

"La reprise, si reprise il y a, tient à un fil ténu comme on le voit en Europe. Et la reprise de l'emploi n'est pas au rendez-vous comme anticipée chez nos voisins du Sud. Faut-il rappeler le vieil adage voulant que lorsqu'on se compare, on se console et cesser de grossir démesurément la menace que fait peser sur nos têtes une dette somme toute raisonnable", a conclu Bernard Élie.

À la lumière du document rendu public le 15 juin 2010, il est clair que la dette du Québec est loin d'avoir le caractère exorbitant que le gouvernement a invoqué à l'appui des mesures inacceptables de son budget. Il en est de même du déficit budgétaire qui, à 1,4 % du PIB pour 2009-2010, est nettement inférieur à celui de la plupart des pays industrialisés. Les centrales syndicales et les organismes de recherche estiment en conséquence que ce budget est fondé sur des prétentions injustifiables, que le gouvernement doit renoncer à lui donner force de loi et qu'il doit procéder à sa révision en profondeur, en réponse à l'opposition généralisée qui s'est manifestée dans la population depuis son dépôt le 30 mars dernier.

jeudi 17 juin 2010

À Lire

Présence canadienne en Afghanistan - Que se passera-t-il après juillet 2011?

Suzanne Loiselle et Raymond Legault - Membres du Collectif Échec à la guerre
Le devoir, Édition 14 juin 2010

Le 3 juin 2010, les médias faisaient écho aux déclarations de membres du Comité parlementaire sur la mission canadienne en Afghanistan, à leur retour d'une visite éclair dans ce pays. Porte-parole libéral en matière d'Affaires étrangères et membre du comité, Bob Rae ouvrait clairement la porte à la poursuite d'une présence militaire du Canada en Afghanistan après juillet 2011.

En réponse à cette ouverture, le premier ministre Stephen Harper réitérait la position qu'il professe depuis plusieurs mois: «Nous planifions la fin de la mission militaire en Afghanistan à la fin de 2011, selon la résolution parlementaire de 2008, et la transition de cette mission vers une mission civile de développement et d'aide humanitaire.»

Un engagement gouvernemental non crédible

En politique étrangère, Stephen Harper a toujours préconisé un alignement des positions canadiennes sur celles des États-Unis, y compris en ce qui concerne les interventions militaires. Ironiquement, la politique qui concrétise, en 2008, les orientations de son gouvernement en matière de défense se nomme Le Canada d'abord. Cette politique engage le Canada dans un processus de militarisation sans précédent, prévoyant des dépenses militaires de l'ordre de 490 milliards de dollars pour les vingt prochaines années. Elle affirme notamment que le Canada doit «faire preuve de leadership à l'étranger en prenant une place importante dans les opérations outre-mer», ces opérations pouvant se dérouler tout aussi bien sous l'égide des Nations Unies que de l'OTAN ou même tout simplement «avec des États alignés».

Les engagements récents du gouvernement en matière de construction navale — 35 milliards pour les trente prochaines années, dont plus de 80 % pour des navires militaires — et l'accélération du processus d'acquisition de nouveaux avions de chasse confirment cette orientation. Par la taille de son budget de «défense», le Canada est maintenant la 13e puissance militaire du monde.

Un retrait en 2011?

Le virage militariste de la politique étrangère du Canada a été amorcé il y a plusieurs années. En effet, dès la fin de la guerre froide, le Canada s'est engagé, aux côtés des États-Unis, dans des interventions militaires offensives notamment en Irak (1991), au Kosovo (1999) et en Afghanistan (2002). À la suite des attentats du 11 septembre 2001 — et surtout après le refus canadien de participer officiellement à l'invasion de l'Irak et au bouclier antimissile —, les pressions étasuniennes se sont accrues pour exiger du Canada un alignement sans faille de sa politique étrangère et militaire sur celle des États-Unis.

Le virage fut officialisé en 2005 sous le gouvernement libéral minoritaire de Paul Martin par l'annonce d'une augmentation des dépenses militaires de 12,8 milliards de dollars sur cinq ans, la publication d'un nouvel Énoncé de politique internationale, la signature du Partenariat pour la sécurité et la prospérité et l'annonce de l'envoi d'un groupe de combat des Forces canadiennes à Kandahar. Le gouvernement Harper n'a fait que renchérir sur cette orientation.

Tout cela n'annonce donc pas le retrait des troupes canadiennes de l'Afghanistan l'an prochain. Et l'évolution actuelle de la guerre d'occupation étrangère dans ce pays rend un tel retrait encore plus improbable. Car alors que l'opposition armée au régime Karzaï gagne de plus en plus de terrain, l'administration Obama s'est récemment engagée à gagner cette guerre qui est en voie de devenir son front d'intervention militaire principal. Les pressions étasuniennes pour que les troupes canadiennes demeurent en Afghanistan après 2011 s'exercent déjà, même publiquement, comme en témoignent les commentaires de la secrétaire d'État Hillary Clinton à l'émission The Hour de CBC le 30 mars dernier.

Ambiguïté

Plusieurs auront aussi remarqué que les déclarations conservatrices recèlent une ambiguïté quant au retrait envisagé: retrait de l'Afghanistan ou retrait de Kandahar? Le libellé de la motion parlementaire du 13 mars 2008 entretient également un peu cette confusion, mais il statue quand même clairement sur le maintien d'une «présence militaire à Kandahar au-delà de février 2009, jusqu'à juillet 2011», à la condition expresse, notamment, que «le gouvernement du Canada informe l'OTAN que notre pays mettra fin à sa présence à Kandahar dès juillet 2011, date à laquelle le redéploiement des troupes des Forces canadiennes à l'extérieur de Kandahar et leur remplacement par les forces afghanes débutera dès que possible, pour se terminer dès décembre 2011». En somme, la proposition d'un déploiement des troupes canadiennes en Afghanistan, ailleurs qu'à Kandahar, n'entrerait pas en contradiction avec la motion parlementaire de mars 2008!

Gagner du temps

Le gouvernement conservateur n'a pas du tout l'intention de procéder au retrait des troupes canadiennes de l'Afghanistan. Stephen Harper veut simplement gagner du temps. Il évite ainsi un véritable débat public sur cette question, sur laquelle l'opinion publique canadienne ne lui est pas favorable. Et il espère une conjoncture qui lui permettrait de déclencher des élections sans jamais avoir à aborder sérieusement le sujet et sans avoir à justifier le fait que les officiels canadiens ont transféré, en toute connaissance, des centaines de prisonniers afghans à la torture.

Le gouvernement Harper utilise également cet «engagement» au retrait des troupes canadiennes comme levier de marchandage auprès de l'administration Obama pour obtenir le maximum d'avantages économiques et politiques en échange non seulement de la poursuite de l'implication militaire canadienne dans l'occupation de l'Afghanistan, mais en échange aussi d'un appui aux objectifs étasuniens entourant l'adoption d'un nouveau concept stratégique de l'OTAN l'automne prochain.

Et l'opposition?

La majorité de la population canadienne, y compris une très forte majorité de la population québécoise, s'oppose à la guerre en Afghanistan. Or, il est déjà clair qu'elle ne peut pas compter sur le Parti libéral pour traduire son opposition et encore moins pour exiger un véritable débat public sur le rôle du Canada et de l'armée canadienne dans le monde.

Tout en posant un certain nombre de questions, le Bloc québécois ne remet pas non plus fondamentalement en question le virage militariste du Canada. Dans le débat récent sur le renouvellement coûteux des avions de chasse, les interventions des partis d'opposition — même pour le NPD — se sont concentrées sur l'exigence d'un véritable appel d'offres et de bonnes retombées pour le Canada ou le Québec. Alors qu'il aurait été primordial de rappeler qu'il s'agit d'engins de guerre avec lesquels le Canada a déjà participé à détruire les infrastructures civiles d'autres pays (Irak en 1991 et Serbie en 1999) et d'exiger un véritable débat public sur le sens à donner à la sécurité du Canada et du monde et sur la meilleure façon de les assurer.

Pour favoriser cette réflexion et relancer la nécessaire mobilisation de la société civile sur ces enjeux, le Collectif Échec à la guerre tiendra en novembre prochain un Sommet populaire québécois contre la guerre et le militarisme.

jeudi 29 avril 2010

Article d'Échec à la guerre

Bonjour !
nous vous relayons, ci-dessous, un article dont nous avons soumis une version abrégée au quotidien Le Devoir il y a quelques semaines, dans le prolongement du septième anniversaire de l'invasion illégale de l'Irak en 2003. Le Devoir n'a pas jugé bon de le publier.
Nous trouvons important de rappeler le sort horrible réservé à ce pays par le "Nouvel ordre mondial" au cours des 20 dernières années. Une tragédie criminelle qui se poursuit encore aujourd'hui, loin des projecteurs des grands médias détournés vers d'autres "priorités"...
Le Comité de suivi du Collectif Échec à la guerre
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31 mars 2010

L’Irak, dans le collimateur du Nouvel ordre mondial

par Suzanne Loiselle et Raymond Legault, Collectif Échec à la guerre

Le 19 mars 2003, une coalition de pays menée par les États-Unis envahissait illégalement l’Irak sous des prétextes mensongers. Après sept années de guerre et d’occupation militaire, où en la réalisation de la promesse de George W. Bush d’une « nouvelle ère de paix et de démocratie pour le Moyen-Orient »? Et qu’en est-il du changement d’orientation du président Obama et de son engagement à retirer ses troupes d’Irak d’ici la fin de 2011?

L’Irak, pays sacrifié

Les États-Unis ont l’Irak dans leur mire depuis 1972, année de la nationalisation de l’industrie pétrolière. Mais c’est en 1991, au sortir de la Guerre froide, que l’occasion s’est présentée de vraiment faire payer ce « crime » aux Irakiens et aux Irakiennes et d’en faire un exemple de ce qui pourrait arriver à tout pays décidant ainsi de soustraire ses ressources au contrôle des conglomérats occidentaux.

À la faveur de l’invasion du Koweït par l’Irak, l’empire étasunien de George Bush père inaugure alors son « Nouvel ordre mondial » par la Guerre du Golfe. Inexorablement, le terrible arsenal de mort et de destruction, alors déployé contre l’Irak, n’a jamais cessé son œuvre jusqu’à ce jour. La guerre de 1991 a détruit une grande partie des infrastructures civiles du pays. Le régime des sanctions (de 1990 à 2003) a empêché non seulement leur reconstruction mais également l’entretien des infrastructures restantes. Guerre et sanctions ont transformé l’un des pays les plus prospères de la région en pays exsangue, entraînant la mort d’environ 1,5 million de personnes, en majorité des enfants de moins de cinq ans. C’est sur cette toile de fond que s’ajoutent, à partir de 2003, l’invasion « Choc et stupeur », le saccage systématique de tous les édifices publics, la torture à Abou Ghraib, le pillonnage de Falloujah, les attentats sectaires et la mort de centaines de milliers d’autres personnes.

L’Irak aujourd’hui

Après sept années de « reconstruction », de mises en scène démocratiques et d’« aide », voici quelques points saillants qui en disent long sur les « progrès » réalisés :

  • il y a plus de 4,5 millions de réfugiés irakiens, dont 2,8 millions déplacés internes;
  • 400 civils irakiens meurent encore chaque mois, victimes de l’occupation et des attentats sectaires;
  • selon la Croix rouge, l'Irak est un pays de veuves et d'orphelins: 2 millions de veuves à cause de la guerre, de l'embargo, de l'occupation...
  • quelque 70% des filles irakiennes ne vont plus à l'école
  • la plupart des familles opère avec moins de 6 heures d’électricité par jour;
  • selon Transparency International, l’Irak arrive au deuxième rang des pays les plus corrompus de la planète;
  • en novembre 2009, le ministre irakien de la planification, déclarait que les milliards de dollars dépensés en soi-disant contrats de reconstruction n’ont eu aucun impact perceptible.
  • les centaines de tonnes d’uranium appauvri utilisées dans les munitions « alliées » en 1991 et en 2003 ont entraîné une hausse effarante des cas de cancer. Autre impact probable de ces armes : à Falloujah, 25 % des nouveaux-nés ont de sérieuses malformations physiques.

Les objectifs des États-Unis ont-ils été atteints ?

Les buts poursuivis par les États-Unis avec leur invasion et leur occupation de l’Irak ne se limitaient pas à donner une terrible leçon en ramenant le pays de Saddam Hussein au Moyen-âge. Il s’agissait aussi pour l’empire étasunien de reprendre le contrôle des ressources d’hydrocarbures de ce pays, d’éliminer une puissance régionale montante et rivale d’Israël en mettant en place un régime favorable à ses intérêts et d’établir en Irak des bases militaires permanentes pour « projeter sa force » dans toute la région.

L’administration Obama, nonobstant son opposition à cette guerre, sa conscience de son impopularité et l’annonce du retrait des troupes d’ici la fin de l’année 2011, ne pourra pas faire abstraction de ces objectifs et éviter « l’enlisement » par un simple calendrier de sortie. Or, il appert que ces objectifs sont bien loin d’être atteints. En effet, la population irakienne reste largement opposée au contrôle étranger des ressources pétrolières et à une présence permanente des troupes étasuniennes sur son territoire. Bien conscients de cette réalité, plusieurs partis politiques, tout en collaborant avec les forces d’occupation, démontrent peu d’empressement à mettre en œuvre ces objectifs. Ces mêmes « alliés » politiques poursuivent également leurs propres objectifs –parfois peu compatibles avec ceux des États-Unis – tel le rapprochement avec l’Iran.

Le pétrole

Pendant les années 1990, alors que les États-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas étaient les plus impitoyables partisans des sanctions internationales contre l’Irak, c’est à la Russie, à la France et à la Chine que le régime de Saddam Hussein faisait miroiter d’importants contrats d’exploration et d’exploitation pétrolières pour la période post-sanctions. L’invasion s’est certes avérée un moyen de couper court à ces projets. Mais la situation de l’exploitation pétrolière en Irak demeure lamentable après sept années d’occupation et les États-Unis n’ont encore réussi ni à privatiser, ni à s’assurer le contrôle de ce secteur-clé.

Réputé être un des moins chers à extraire, le taux d’extraction actuel du pétrole irakien est de 2,4 millions de barils par jour alors qu’il était de 2,6 millions de barils par jour à la veille de l’invasion (donc sous les sanctions) et de 3,5 millions de barils par jour dans les années 1970s.

Le 30 juin et le 1er juillet 2009, des contrats de service pour l’exploitation des six plus grands gisements de pétrole (représentant près de 40 % des réserves inventoriées en Irak) et de deux champs gaziers peu développés ont été mis aux enchères. Si les compagnies ExxonMobil, Shell et BP ont eu une part du gâteau, il en a été de même pour la compagnie russe Lukoil et surtout pour la compagnie chinoise CNPC, qui en est ressortie principale exploitante en Irak. La compagnie française Total a été la grande perdante...

Les élections

Il est encore trop tôt pour savoir si le résultat des récentes élections en Irak sera favorable à la réalisation des objectifs des États-Unis et dans quelle mesure. Rappelons cependant que le gouvernement de Nouri Al-Maliki s’était récemment montré peu enclin à suivre leurs diktats en ce qui concerne les contrats pétroliers, les relations avec l’Iran et les relations avec les provinces majoritairement sunnites. Ainsi il avait procédé à des arrestations massives peu avant les élections, visant en particulier des membres des Conseils de l’Éveil, ces milices sunnites auparavant payées par les États-Unis pour cesser leurs attaques contre les forces d’occupation. Et il avait déclaré qu’il ne permettrait pas à l’ambassadeur des États-Unis, Christopher Hill, d’outrepasser sa mission diplomatique.

Iyad Allaoui, dont la coalition a remporté, de peu, le plus grand nombre de sièges au futur Parlement, était connu comme « l’homme de la CIA ». Le 30 juin 2004, c’est à lui que les rennes du pouvoir avaient symboliquement été confiées lors du départ du « vice-roi » Paul Bremer, qui avait gouverné l’Irak à coups de décrets télécopiés depuis Washington pendant un an. Maintenant décrit comme le « candidat laïc », le succès d’Allaoui est cependant tributaire du sectarisme qui prévaut en Irak, puisqu’il a surtout fait le plein des votes des secteurs sunnites qui avaient boycotté les dernières élections législatives. Mais il y a encore loin entre les 91 sièges de sa coalition et les 163 requis pour assurer une majorité parlementaire et la coalition d’Al-Maliki, avec ses 89 sièges, pourrait peut-être plus facilement sceller les alliances requises.

Ingérence militaire et politique

Alors que cela est en contradiction avec la volonté affirmée d’un retrait de leurs troupes d’ici la fin de 2011, les États-Unis ont mis en place en Irak plusieurs immenses bases militaires dont les installations n’ont pas l’air temporaires. Mentionnons, par exemple le Camp Anaconda, une base militaire située à Balad, à 60 km au nord de Bagdad. Sa population compte plus de 20 000 personnes, incluant des milliers de contractuels et des employés de soutien originaires de divers pays; les militaires y ont accès à une piscine olympique, des salons de massage, des restaurants (tels Subway, Burger King, Pizza Hut) et même un concessionnaire automobile. Tout récemment, en mars 2010, le Général David Petraeus, responsable du Central Command, a indiqué au Congrès que les États-Unis pourraient installer un Quartier Général additionnel dans le nord de l’Irak après septembre 2010.

L’Accord sur le statut des forces militaires étasuniennes en Irak prévoit que les troupes étasuniennes demeurent hors des centres urbains et que toutes les opérations militaires se mènent avec l’approbation du gouvernement irakien. Mais en pratique, sur le terrain, des « conseillers » militaires étasuniens sont implantés partout à travers les Forces de sécurité irakiennes, choisissant les cibles, dirigeant les opérations et les appuyant au besoin de bombardements aériens massifs.

Finalement, la mainmise des États-Unis sur l’Irak est aussi politique. Leur méga-ambassade à Bagdad, située près des édifices gouvernementaux au cœur de la « Green Zone » fortifiée et d’où essaiment des centaines de « conseillers » et d’experts en « gouvernance » pose effectivement aux Irakiens et aux Irakiennes la question de qui exerce réellement le pouvoir dans leur pays. Cette ambassade a coûté 700 millions de dollars et est dix fois plus grande que toute autre ambassade étasunienne dans le monde !

Quel avenir pour l’Irak?

Il y a en ce moment environ 100 000 soldats étasuniens en Irak, sans compter plus de 110 000 mercenaires privés. Au regard de la faible consolidation de leurs objectifs stratégiques en Irak, nous considérons comme illusoire la promesse d’un retrait prochain de toutes les forces armées étasuniennes du pays. Il y aura certes des cérémonies, des beaux discours et de grands déploiements médiatiques pour marquer le départ de certains effectifs. Mais le scénario le plus probable c’est qu’une force d’occupation militaire importante demeurera en Irak pour plusieurs années encore, mais de façon déguisée. Des troupes de combat et de lutte anti-insurrectionnelle qui au lieu de se retirer verront leur mission transformée en « entraînement et en accompagnement » des Forces de sécurité irakiennes (deux milliards de dollars ont déjà été alloués à cela pour 2011). Des troupes étrangères auxquelles on donnera le statut de troupes « visiteuses » et qui demeureront dans leurs bases actuelles. Et, vraisemblablement, un accroissement du nombre de mercenaires et d’autres « contractuels privés » pour compenser en partie pour les effectifs militaires retirés.

La fin de l’occupation militaire de l’Irak n’est donc pas pour bientôt. Pas plus que l’exercice d’une démocratie véritable ou un réel début de reconstruction. Quant à la perspective d’une justice réparatrice envers ce pays volontairement détruit, saccagé et appauvri, elle semble à des années-lumière dans le contexte international actuel.

mercredi 28 avril 2010

Dans les rues le 1er mai!


Jeunesse Militante vous invite à participer à la manifestation du 1er mai sous le mot d'ordre :

Nous ne paierons pas pour leur crise,
préparons la grève générale!


Le rendez-vous cette année est à 12h00 au métro Lionel-Groulx.
Bonne manifestation!


Histoire du 1er mai

Pour la journée de travail de 8 heures

Il est ironique qu’à la veille du 1er mai, fête internationale des travailleuses et des travailleurs, le gouvernement dans le cadre des négociations des secteurs publics et para-publics, remette en question la journée de travail de huit heures.

En effet, l’une des demandes les plus odieuses du gouvernement présentement est justement d’abroger la notion de journée régulière de travail de façon à pouvoir forcer les gens à travailler au-delà de huit heures et de pouvoir rémunérer les heures supplémentaires à taux simple.

Le 1er mai avait été choisi comme date de la Fête internationale des travailleuses et des travailleurs pour commémorer une grève importante pour la journée de huit heures. Les origines de cette fête ouvrière prennent racine aux États-Unis. En 1884, les syndicats américains se donnaient alors deux ans pour obtenir la diminution de la journée de travail à huit heures. Ils choisirent de lancer leur action le 1er mai.

En 1886, face aux réticences de leurs employeurs à diminuer le temps de travail, plus de 300 000 personnes font à nouveau la grève. La manifestation, violemment réprimée, fait trois morts parmi les grévistes de la société Mac Cormick à Chicago. Au lendemain de cette répression, une marche de protestation est organisée. La place Haymarket est le théâtre d’un second drame : sept policiers sont tués et plusieurs manifestants et manifestantes sont blessé-e-s. Malgré l’inexistence de preuves, cinq syndicalistes sont condamnés à mort et trois autres à la prison à perpétuité.

En 1889, les congressistes de la IIe Internationale, réunis à Paris, entrent dans la lutte pour la journée de huit heures. À l’instar de l’American Federation of Labour (AFL), elles et ils fixent la date du 1er mai comme journée de leur revendication. C’était une manière de commémorer les événements de Chicago. En 1891, la manifestation du 1er mai à Fourmies, dans le nord de la France, s’achève avec le triste bilan de 10 morts et 35 blessé-e-s.

Le 1er mai prend vite un caractère international et revendicatif. Les travailleuses et les travailleurs continuent à se battre pour l’amélioration de leurs conditions de travail. Une lutte qui porte ses fruits. « L’adoption de la journée de huit heures ou de la semaine de quarante-huit heures » est ainsi fixée « comme but à atteindre partout où elle n’a pas encore été obtenue » par l’article 247 du Traité de Versailles.

À l’initiative de Lénine, le 1er mai devient en 1920 une journée chômée en URSS. D’autres pays suivront peu à peu. À la différence de l’Europe, l’Amérique du Nord, quant à elle, ne fête pas le 1er mai auquel elle préfère le «Labor Day», qui tombe le premier lundi de septembre. Cette fête du travail à l’américaine ne fait volontairement pas référence aux événements de Chicago et aux droits des travailleuses et des travailleurs. Le 1er mai étant historiquement trop revendicateur.

Le retour du 1er mai au Québec

Mais au Québec, la population et en particulier les syndicats refusent aujourd'hui le «Labor Day» canadien et continue à manifester le 1er mai, notamment sous l’impulsion de Michel Chartrand. Car, après être tombée plusieurs années dans l’oubli, la manifestation du 1er mai est revenue au début des années 1970 justement avec le premier Front commun du secteur public et para public qui réunissait 210 000 membres de la CSN, de la FTQ et de la CEQ (aujourd’hui CSQ membre du SISP). La revendication la plus importante était alors un salaire de base de $100 par semaine pour toutes et tous. 50 000 d'entre elles et eux gagnaient moins que cela à cette époque.

Les négociations qui avaient débuté au printemps 1971 traînaient en longueur. La grève générale illimitée fut donc votée et elle fut déclenchée le 11 avril 1972. Les tribunaux émirent des injonctions, aussitôt défiées dans de nombreux établissements. Dix jours plus tard, le gouvernement libéral de Robert Bourassa adopta une loi spéciale qui forçait le retour au travail sous peine de lourdes amendes et d'emprisonnement.

Le 26 avril 1972, les présidents Marcel Pepin, Louis Laberge, et Yvon Charbonneau furent condamnés pour outrage au tribunal parce qu'ils avaient conseillé aux grévistes de défier les injonctions. Le juge Pierre Côté leur imposa la peine maximale, soit un an de prison.

Près d'un demi-million de travailleuses et de travailleurs, tant du secteur public que privé, vont alors participer à un vaste mouvement de débrayages spontanés et illégaux pour réclamer la libération des chefs syndicaux. Le Québec tout entier fut confronté au plus vaste mouvement de désobéissance civile de son histoire. Après neuf jours de débrayage, le 18 mai, les trois chefs décidèrent de porter leur cause en appel en demandant aux grévistes de retourner au travail. Les négociations reprirent avec un nouveau porte-parole patronal, Jean Cournoyer. Le Front commun remporta une importante victoire et réalisa des gains majeurs qui existent toujours aujourd’hui dans les conventions collectives.

Mais en janvier 1973, la Cour suprême du Canada rejeta la demande d’appel des trois chefs syndicaux, qui durent retourner purger leur peine à la prison d'Orsainville.

Le premier mai 1973, répondant à l'appel du mouvement syndical, plus de 30 000 personnes manifestèrent pour réclamer la libération des trois chefs syndicaux, faisant ainsi renaître une tradition que le mouvement ouvrier québécois continue de pratiquer aujourd’hui.

mercredi 7 avril 2010

Mensonges et vérités dans la guerre médiatique contre Cuba

Par Arnold August,
7 avril 2010

La guerre médiatique qui sévit actuellement contre Cuba – et qui semble destinée à un nouvel épisode – est basée sur quatre mensonges fondamentaux :

a) Les prisonniers cubains faisant l’objet d’une controverse ont été emprisonnés en raison de leurs convictions politiques;

b) Le prisonnier Orlando Zapata Tamayo, récemment décédé des suites d’une grève de la faim qu’il avait entreprise de son propre chef, était emprisonné pour des raisons politiques;

c) Tamayo est décédé en raison de négligence ou peut-être même de gestes délibérés de la part des autorités médicales et politiques de Cuba;

d) Les Damas de Blanco ont été harcelés physiquement par des citoyens, puis brutalement détenus par les autorités cubaines pendant leur manifestation du 18 mars à la Havane.

La majorité des médias de masse à la solde de l’oligarchie aux États-Unis, au Québec, au Canada et en Europe et au sein de l’Union européenne s’arrogent le droit de mentir sur Cuba ou sur d’autres pays qui, selon des critères déterminés par les normes de l’hémisphère nord, ne représentent pas des États « convenables » sur le plan politique. Mais pire encore, c’est que les médias issus du monopole ne croient même pas devoir répondre à cette accusation des plus graves. Or, la quête de vérité plutôt que la diffusion de mensonges dans les médias est une question fondamentale et par conséquent, devrait constituer une préoccupation de premier plan.

Voici la transcription partielle d’une entrevue diffusée le 8 mars 2010 sur la chaîne HBO entre Bill Maher et Sean Penn, acteur et producteur hollywoodien. Cette partie de la transcription aborde le thème des mensonges propagés par les médias. On parle ici d’Hugo Chávez, mais le procédé est le même pour toutes les victimes de campagnes diffamatoires.

MAHER : Son image médiatique [celle de Chávez] est celle d’un bouffon. Or, toi, tu es déjà allé au Venezuela. Tu le connais, tu lui as parlé. Pour ma part, tout ce que je connais d’Hugo Chávez, c’est ce que j’en lis dans les médias. Un dictateur qui s’est emparé de plusieurs branches du gouvernement et qui voudrait être président à vie. Qu’est-ce que tu connais de lui que je ne connais pas, et qui pourrait attendrir mes sentiments face à cet homme?

PENN : Je crois que si vous préférez que 20% d’une population puisse réaliser ses rêves, avoir une identité et être entendue, si cela vous convient que seuls 20% y aient accès plutôt que les 80% à qui Hugo Chávez en a offert la possibilité, alors vous pouvez le critiquer. Vous savez, il y a beaucoup de questions complexes qui dépendent strictement de notre point de vue. Ici, aux États-Unis, nous avons beaucoup de difficulté à concevoir ce qu’a pu être l’histoire du Venezuela, de l’Amérique latine et de bien d’autres endroits. Nous sommes très mono-culturels. De plus, nous sommes aveuglés par les médias. Par exemple, dans le cas d’Hugo Chávez. Selon vous, qui, aux États-Unis, pourrait se targuer d’avoir été élu démocratiquement à la suite de quatorze des élections les plus transparentes au monde, comme l’a été Hugo Chávez? […] Le projet de collaboration en Haïti [avec Cuba et le Venezuela], lorsque l’on parle d’Hugo Chávez et d’autres personnalités que l’on représente comme des démons […] Parce que tous les jours, ce leader élu se fait appeler « dictateur » ici, et l’on acquiesce comme si de rien n’était! Et l’on continue d’acquiescer. Tout cela à cause des médias grand public, qui devraient – en vérité, il devrait y avoir une limite qui, lorsque violée, mène à l’emprisonnement de ceux qui profèrent de tels mensonges.

MAHER : Je dois me déplacer – vers le panel.

PENN : Désolé.

MAHER : Non, car nous allons vous réinviter un jour, que Chávez soit ou non un dictateur.

À l’écoute de cette émission, j’ai pu constater sans peine que Maher était profondément troublé par le commentaire de Penn. Une image vaut parfois mille mots. Ici, ceux-ci en disaient aussi long que les images. Maher a changé le sujet, prétextant qu’il devait passer la parole à un membre du panel. Or, ce n’était pas vrai. Il a simplement contourné le commentaire de Penn tout en échangeant quelques blagues avec lui. Il a affirmé qu’il allait le réinviter à son émission, « que Chávez soit ou non un dictateur ». Néanmoins, ce n’est pas de cela que Penn parlait. En effet, celui-ci a plutôt rejeté les accusations portées contre Chávez en se contentant d’établir les faits selon le critère employé par la frange dirigeante états-unienne elle-même, c’est-à-dire la victoire électorale. La question était et demeure donc la suivante : comment se fait-il que les médias issus du monopole puissent mentir impunément? Comment peuvent-ils répéter des faussetés et s’en tirer à bon compte, tandis qu’aucune mesure n’est mise en place contre ceux qui pratiquent ce qu’on appelle le journalisme jaune? Lorsque les médias mentent et collaborent délibérément avec les hautes sphères du gouvernement, il s’agit d’actes graves qui peuvent même dégénérer en guerres d’agression. Les peuples du monde ont appris cette cruelle leçon depuis l’époque des Nazis jusqu’à l’implication états-unienne, initiée par Bush, dans la guerre d’Iraq.

À la lumière de ce droit au mensonge autoproclamé, regardons de plus près les quatre points soulevés plus haut.

D’abord, les prisonniers en question n’ont pas subi leur procès ni été condamnés parce que leurs convictions politiques s’opposent à celles prônées par le système cubain. Cuba, comme la plupart des pays de l’hémisphère Nord, dispose de lois qui interdisent aux individus de collaborer avec une puissance étrangère au détriment de leur propre peuple. Considérons le cas des États-Unis à travers l’exemple suivant : le Bureau de contrôle des capitaux étrangers (Office of Foreign Assets Control, OFAC) est un organisme issu du Département du trésor et tire son autorité, entre autres, de la Loi sur le commerce avec l’ennemi du (Trading with the Enemy Act). Chaque année, le Président états-unien signe un mémorandum afin d’accorder une année supplémentaire à la Loi sur le commerce avec l’ennemi telle qu’elle s’applique au blocus des États-Unis contre Cuba. Par exemple, Obama l’a fait le 11 septembre 2009. Ainsi, non seulement en termes juridiques mais dans la réalité bien concrète, les États-Unis mènent une guerre non-déclarée contre Cuba afin d’en modifier le système politique. Selon le code pénal états-unien, article 115 intitulé « Trahison, sédition et subversion », la section 2381 stipule que tout citoyen états-unien qui « s’associe à ses ennemis [des États-Unis], en leur fournissant une aide et un soutien aux États-Unis ou ailleurs, est coupable de trahison et passible de peine de mort, ou d’une peine de prison supérieure à cinq ans et d’une amende supérieure à 10 000$. De plus, il lui sera interdit d’occuper une fonction officielle aux États-Unis. » En d’autres mots, un citoyen des États-Unis qui collabore avec un pays contre lequel ces derniers se considèrent en guerre afin d’appuyer cette puissance étrangère peut être condamné à mort.

Cuba, comme bien d’autres pays, dispose d’une législation semblable. En 2003, quelques citoyens cubains avaient subi un procès, été déclarés coupables et emprisonnés pour avoir travaillé en étroite collaboration avec la Section des intérêts des États-Unis à la Havane, laquelle leur avait fourni des fonds et du matériel afin de renverser l’ordre constitutionnel de l’île. Ces incidents ont été publiés et n’importe qui peut en vérifier l’exactitude.

Deuxièmement, Zapata a bel et bien subi un procès et été reconnu coupable, mais ce n’était aucunement pour des raisons politiques. Les médias de masse ne font que répéter ce dont ils veulent convaincre l’opinion publique. En réalité, depuis 1988, Zapata s’est adonné à toutes sortes d’activités criminelles, mais jamais rien de politique. À plusieurs reprises, il a été arrêté et reconnu coupable d’avoir troublé la paix et par deux fois, d’avoir commis une fraude. Il est également coupable d’exhibitionnisme, d’avoir causé des lésions et de possession d’armes autres que des armes à feu. En 2000, il a fracturé le crâne d’un citoyen cubain et maintes fois fait preuve de violence contre les autorités carcérales pendant qu’il était emprisonné. Il a obtenu sa libération conditionnelle en mars 2003, onze jours avant que les soi-disant dissidents politiques ne soient arrêtés et qu’ils ne subissent leur procès. Le 20 mars 2003, il a commis un autre crime et fut à nouveau jeté en prison. Or, bien que ce dernier épisode soit tombé le même mois que le procès des soi-disant dissidents, il n’y est aucunement relié. Ce n’est qu’une coïncidence dont les dissidents et les États-Unis se sont servis pour présenter Zapata après coup comme un prisonnier politique. D’ailleurs, lors des très rares occasions où les médias de masse évoquent, ne serait-ce que vaguement, les déclarations de Cuba en ce qui a trait au véritable dossier criminel de Zapata, ils le font toujours dans des termes qui ridiculisent la crédibilité de la position cubaine, tout en omettant de fournir au public les renseignements cités plus haut, qui pourtant sont tous disponibles dans la presse de Cuba.

Troisièmement, Tamayo n’est pas mort en raison de la négligence ou de gestes délibérés de la part des autorités cubaines, ni médicales ni carcérales. Le 1er mars, un bulletin spécial présenté à la télévision cubaine lors des nouvelles quotidiennes exposait en détails les circonstances ayant conduit à sa mort. Cette vidéo circule toujours sur l’Internet pour les journalistes étrangers qui se soucient de véracité. Dans ce document, l’on peut voir des médecins, nutritionnistes et autres spécialistes cubains témoigner de leurs efforts pour sauver sa vie. Avec une grande rigueur scientifique, on y explique comment on l’a maintenu en vie à l’aide d’injections intraveineuses et autres méthodes. Néanmoins, lorsqu’un individu refuse de digérer sa nourriture, les organes vitaux amorcent un processus de détérioration irréversible qui conduit inévitablement à la mort, peu importe les efforts déployés pour sauver sa vie. Une psychologue a même témoigné de la façon dont elle avait essayé de le convaincre d’abandonner sa grève de la faim et d’adopter d’autres moyens pour faire entendre ses griefs. La vidéo montre également sa mère, qui affirme que son fils avait à ses côtés les meilleurs médecins cubains. Elle les a remerciés pour leur soutien. Enfin, un détail qu’il faut absolument prendre en compte : les déclarations de la mère furent enregistrées lors d’une discussion spontanée, sans qu’elle ne sache qu’elle était filmée. Voilà qui élimine tout soupçon voulant qu’elle ait fait ses déclarations sous la pression des autorités. Bien sûr, par la suite, elle a blâmé les Cubains pour la mort de son fils. Mais ce n’est là qu’un témoignage supplémentaire de la façon dont elle et Zapata furent manipulés par des forces politiques, et non une condamnation du traitement subi par le prisonnier.

Qui croire? Pourquoi ne pas montrer la vidéo et permettre au public d’en tirer ses propres conclusions plutôt que de réitérer le même mensonge dans un style digne de Goebbels? Pour ma part, après plusieurs visionnements du bulletin de nouvelles initial et de la vidéo diffusée sur Internet, j’ai constaté que les termes utilisés, les explications et le style des spécialistes cubains n’étaient rien d’autre que le prolongement d’un des attributs les plus remarquables de cette société et de sa culture politique. N’importe quel documentaliste ou journaliste non-Cubain qui travaille sur place et s’intéresse sérieusement à Cuba aura compris que cette nation est profondément humanitaire, et que l’être humain et la vie elle-même y sont tenus en très haute estime. L’humanité y est sacrée, et les valeurs qui s’y rattachent touchent tous les citoyens cubains sans aucune discrimination. Les commentaires et la sincérité démontrée par les spécialistes cubains représentent bien la vie quotidienne au pays. Et pour ceux d’entre nous qui la connaissent, le témoignage présenté à la télévision est tout à fait normal et naturel pour la société cubaine et ce, en toutes circonstances.

Néanmoins, il est important pour les médias de masse à la solde de l’oligarchie de garder cet aspect de la société cubaine à l’abri de l’opinion publique afin de pouvoir manipuler la situation à leur avantage lorsque les circonstances l’exigent. Ainsi, tandis que tous les yeux étaient rivés sur Haïti après le tremblement de terre du 12 janvier, les médias états-uniens, qui sont restés sur place 24 heures par jour pendant plusieurs semaines, ont réussi à trouver le moyen de cacher au public que des professionnels de la santé et autres spécialistes cubains travaillaient en Haïti depuis plus de onze ans, de la façon la plus désintéressée qui soit. D’ailleurs, à partir du 12 janvier, ces travailleurs ont non seulement continué d’offrir leur soutien mais l’ont même augmenté. Sean Penn a eu le courage d’en parler pendant l’entrevue. On s’imagine donc difficilement comment les journalistes états-uniens, qui disposaient pourtant de moyens à la fine pointe de la haute technologie, sont parvenus à ne jamais rencontrer un seul médecin ou spécialiste de la santé cubaine après tout le temps qu’ils ont passé en Haïti. On ne comprend pas non plus comment ils ont fait pour ne jamais croiser un seul des milliers d’Haïtiens ayant reçu des soins offerts par les missions médicales cubaines au cours des onze dernières années et pendant les semaines après le tremblement de terre. Cette omission est tout à fait délibérée car lorsque l’occasion se présente (comme actuellement dans le cas de la mort de Zapata et des événements qui en ont découlé), elle permet de convaincre plus facilement l’opinion publique du mensonge selon lequel les fonctionnaires médicaux et le système de santé cubains peuvent être impitoyables. Bien sûr, il est indéniable que des situations comme celle qui concerne Zapata n’ont rien à voir avec l’exemple haïtien cité plus haut. Néanmoins, lorsqu’une société tout entière ainsi qu’une profession comme la profession médicale se fondent sur l’humanité des individus et sur la préservation de la vie humaine, le principe s’applique à tous. Aucune exception n’est possible et ce, sous aucune considération.

Cuba est une société qui s’exerce à la patience et à l’éducation depuis plus de cinq décennies afin de tout mettre en œuvre pour réparer quelque tort que ce soit et régler ses problèmes. Que ce soit au niveau des CDR de quartier (Comités de Defensa de la Revolución), dans les assemblées municipales et les délibérations au sein des conseils populaires, dans les organes gouvernementaux les plus directement et intimement liés aux citoyens des quartiers ainsi que dans les centres de production et de services, ou encore pendant les sessions où les élus rendent des comptes à leurs électeurs, lors des discussions et consultations des commissions parlementaires ou dans les commissions de travail permanentes du parlement, au sein des centres de travail, tous les problèmes sociaux sont traités sous le signe de la patience, de la compréhension et de l’éducation, lesquelles constituent une part fondamentale de l’autocritique initiée par le système lui-même. Qu’il s’agisse des problèmes à régler au quotidien, ou même d’une violation mineure de la loi ou encore d’une infraction plus sérieuse, comme des crimes impliquant des individus ou de petits groupes, il est tout à fait remarquable de constater de visu la patience dont les Cubains font preuve, utilisant toujours l’éducation comme principal moyen de changer les comportements qui affectent la société. Dans ce contexte, le contenu de la vidéo cubaine où les professionnels de la santé affirment avoir tout fait pour sauver la vie de Zapata me semble tout à fait normal et plausible. C’est ainsi que se font les choses à Cuba.

Ce n’est pas par hasard si l’administration Bush a brusquement interrompu la plupart des visites éducatives à Cuba. En effet, une majorité écrasante des jeunes et de leurs professeurs cessaient immanquablement d’être dupes des mensonges des médias de masse et constataient à tout le moins cette réalité : Cuba est une société pacifique fondée sur la valeur de l’être humain, ce qui transcende toute autre considération puisque cette réalité demeure la même en toutes circonstances. C’est ainsi que les étudiants rentraient aux États-Unis avec une vision de Cuba située à l’extrême opposé de ce qu’en disent les médias de masse.

Le quatrième mensonge qui circule actuellement concerne les Damas de Blanco. On affirme qu’ils ont été harcelés par les citoyens puis violemment agressés par les autorités cubaines pendant leur manifestation du 18 mars à la Havane. Qui sont donc les Damas de Blanco et quelle est leur importance? Depuis 1960, le gouvernement états-unien soutien officiellement l’implantation de « groupes d’opposition » à Cuba, lesquels entretiennent des liens étroits avec les États-Unis. Or, dernièrement, dans le document de juillet 2006 intitulé Commission d’assistance à un Cuba libre, on réitère que ces groupes nécessitent « des programmes bien financés pour les rendre plus opérants » et on souligne le besoin « d’arriver à un consensus international en faveur de ces groupes » (page 16). Plusieurs personnes et de nombreux groupements sont cités dans ce rapport : l’un d’eux est le Damas de Blanco. L’un des individus ayant très clairement reçu l’aval états-unien il y a près de quatre ans est Guillermo Fariña. À l’époque, selon le document en question, il « avait entrepris une grève de la faim de longue durée » (page 19). Aujourd’hui, au moment où j’écris ces lignes, il a entrepris une autre et se fait manipuler de la même façon que Zapata l’a été et l’est encore aujourd’hui.

Lorsque l’on parle de médias de masse, cela inclut You Tube ainsi que les rapports sur les derniers incidents concernant les Damas de Blanco. Un You Tube reflète la couverture médiatique biaisée et mensongère dont il est question dans cet article. Fabriquée à partir d’un montage d’extraits vidéo, d’images figées dont on ne sait si elles sont reliées avec les événements cités et de descriptions verbales à propos de confrontations, la vidéo fut ensuite montée de manière à donner une impression de violence. Néanmoins, il est possible de visionner la vidéo intégrale et sans montage qui fut présentée à travers le monde à la télévision, tout en ignorant le commentaire audio qui affirme à plusieurs reprises que les partisans pro-Cuba ont fait usage de violence à l’encontre des Damas de Blanco et que la police les a détenus brutalement. En réalité, même si les opposants aux Damas étaient absolument furieux et qu’ils hurlaient leur soutien à la Révolution, en aucun cas n’ont-ils fait preuve de violence. De la même manière, les policières qui ont fait monter les Damas dans des autobus de la ville pour ensuite les reconduire chez eux n’ont jamais violenté ceux qui n’avaient pas été arrêtés. Même si les États-Unis reconnaissent et promeuvent officiellement les Damas de Blanco comme étant un véritable « groupe d’opposition » et que leurs liens avec eux sont d’une évidence irréfutable, jamais n’a-t-on fait preuve de violence à leur égard. Affirmer le contraire est un mensonge. Et le répéter dans l’espoir qu’on en vienne à le considérer comme une vérité est le genre d’hypocrisie que dénonçait Sean Penn lorsqu’il parlait de l’accusation répétée par les médias de masse à l’endroit d’Hugo Chávez, à l’effet qu’il s’agit d’un dictateur.

Ceux qui ont été arrêtés et emprisonnés suite à leur procès, en 2003, ainsi que leurs défenseurs – dont les Damas de Blanco – ne sont pas en conflit avec le gouvernement cubain ni avec les gens qui descendent immanquablement dans la rue pour combattre ces petits groupes et défendre la Révolution, à cause des opinions politiques des

« dissidents ». Le problème, c’est qu’ils collaborent avec une puissance étrangère (les États-Unis) au détriment de leur propre peuple et de leur propre pays. Actuellement à Cuba, et plus que jamais auparavant, les discussions ainsi que les débats en profondeur et à grande échelle vont bon train, que ce soit dans les médias, les familles, les quartiers, les organisations de masse ou les différents niveaux de pouvoir populaire. On discute ouvertement des opinions contraires concernant les mesures qui devraient être prises afin d’améliorer le système socio-économique cubain. Par exemple, il peut s’agir de mesures pour donner plus pouvoir aux représentants élus ainsi qu’aux fonctionnaires œuvrant dans les organes de l’État et du gouvernement, pour régler les problèmes de corruption (qu’on ne peut aucunement comparer à ceux auxquels sont confrontés les pays capitalistes, que ce soit en termes de l’ampleur ou de la nature des actes reprochés), de production et distribution de nourriture et de marchandises nécessaires à la population. Or, ces délibérations n’ont pas pour but de remplacer le système socialiste actuel par un système capitaliste, ni de faire de Cuba un satellite des États-Unis comme c’était le cas avant la Révolution. Les « groupes d’opposition » se sont volontairement exclus de cet important débat qui n’est pas dirigé contre le système actuel, lequel fut établi de manière constitutionnelle. Au contraire, ces discussions sont même encouragées par le leadership historique révolutionnaire qui désire sincèrement voir le peuple participer de plus en plus étroitement au perfectionnement de son propre système. Par conséquent, la position tout à fait marginale de « l’opposition » ou des soi-disant « dissidents » par rapport à la société cubaine en général n’est pas la faute du système cubain, pas plus qu’elle n’en révèle un vice qui devrait être éliminé. Les « groupes d’opposition » sont les seuls responsables de leur isolement total. Si ce n’était des campagnes médiatiques, des fonds états-uniens et des autres appuis qu’ils reçoivent, les « dissidents » ne mériteraient pas une seule minute d’antenne en ce qu’ils n’affectent aucunement la vie politique cubaine à quelque niveau que ce soit.

Les soi-disant dissidents cubains, qui sont complètement isolés, insignifiants et marginaux dans la société et la vie politique cubaines, sont des traîtres à la nation tout comme leurs homologues de Miami. Et les traîtres sont imprévisibles. Ils n’obéissent qu’à leurs propres intérêts et à leur mentalité opportuniste. Ils peuvent être à la solde de n’importe qui puisque c’est ainsi qu’ils gagnent leur vie. Les traîtres, par nature, sont capables de vendre leur âme. Les peuples d’Europe et des États-Unis, qui n’obtiendraient que des bénéfices d’un meilleur rapport avec Cuba, devraient se demander s’il est possible que Washington, Bruxelles et les médias à leur solde aient créé un monstre qui, en plus de leur échapper, est au service l’extrême-droite. Ces individus gagnent leur vie dans l’unique but de créer des tensions entre Cuba et le tandem Europe/États-Unis. Et ces tensions, par essence, entravent les relations normales qu’entretiennent les nations entre elles. Pour sa part, le Président Obama devrait se servir de son intelligence afin de dévoiler les intentions de l’extrême-droite qui cherche à saboter son initiative pour améliorer les relations entre les deux pays. Dans ce contexte, les journalistes sérieux, les parlementaires sincères et ouverts d’esprit, les personnalités politiques, les leaders syndicaux et les intellectuels ne devraient-ils pas être conscients de toute cette duperie?

Comment se fait-il que Cuba soit actuellement victime d’une autre campagne médiatique et des pressions de Washington et de Bruxelles? Il y a plusieurs explications. L’une d’entre elles est peut-être le fait que la rencontre des 22 et 23 février 2010, réunissant tous les États de l’hémisphère sauf le Canada et les États-Unis, ait débouché sur un accord pour établir une organisation régionale favorisant l’intégration économique, politique et culturelle. Il s’agit d’un événement historique. Tout le monde sait que dès 1959, Cuba a été l’initiateur et sert encore aujourd’hui de base politique et morale pour la coopération régionale, en dépit de conditions des plus défavorables. Les États-Unis et la vieille Europe n’ont jamais pardonné à Cuba d’avoir pris cette initiative il y a plus de cinquante ans. Ils n’ont jamais admis que Cuba refuse de suivre la voie de la capitulation aux mains des Occidentaux comme l’ont fait l’ex-URSS et l’Europe de l’Est. Défendre Cuba et sa Révolution aujourd’hui signifie défendre toute l’Amérique latine et les Caraïbes dans leur noble initiative d’intégration. La mort de Zapata a eu lieu à un moment des plus opportuns. De plus, sa manipulation par l’Union européenne, ses médias de masse et ceux de l’Amérique du nord sert admirablement la tentative de renverser la nouvelle tendance régionale en attaquant son inspiration première et sa plus prestigieuse : Cuba. Dans le document de 2006 cité plus haut, on peut lire que les États-Unis sont préoccupés par «l’axe» Cuba-Venezuela en ces termes : « Ensemble, ces deux pays encouragent une tendance alternative rétrograde et anti-états-unienne pour l’avenir de l’hémisphère, laquelle trouve une résonance […] dans la région […] » (page 24). Dans ce contexte, les États-Unis affichent clairement leurs visées pour organiser, maintenir et promouvoir leurs propres groupes et initiatives individuelles voués à l’opposition cubaine.

Mais Cuba n’est pas seule. Au contraire, car malgré toutes les tentatives pour l’isoler depuis plus de cinquante ans, le pays n’a jamais occupé une place aussi centrale dans la politique régionale et mondiale. Cette dernière campagne médiatique, qui repose sur des mensonges et sur la distorsion du réel, n’aura d’autres conséquences que d’éveiller la conscience politique des peuples du monde pour leur démontrer comment fonctionnent les médias de masse à la solde de l’oligarchie, c’est-à-dire par le mensonge et la manipulation.

(Traduction : Marie France Bancel)