mercredi 28 mars 2018

L'ordre établi


Marianne Breton Fontaine

Le 25 mars 2012, Mathieu Bock-Côté avait écris sur la haine des étudiant-e-s. C'était en plein cœur de la grève des carrés rouges contre la hausse des frais de scolarité de Jean Charest. Cette haine contre les étudiant-e-s, on la sentait partout, et elle faisait peur. Par exemple, moi et mon garçon, alors âgé de 2 ans, nous nous étions fait menacer par un camion qui nous fonçait dessus durant une manifestation. Mon fils avait eu très peur. Ce genre de menaces étaient courantes. Même des vedettes de télé ne se gênaient pas de le dire, comme Alex Perron qui avait raconté à la télévision que « si j’en frappe un (avec sa voiture), ça ne me dérange même pas ». Cette haine, elle déferlait sur les médias sociaux, de l'insulte grossière à l'appel au meurtre. Les opposant-e-s à la grève saluaient la violence policière et se réjouissaient des blessés graves comme Maxence Valade qui en perdis un œil.

Mathieu Bock-Côté est un commentateur de droite qui nous avait habitués à s'insurger contre toute action et revendication de la gauche. Pourtant, cette fois-là, malgré son opposition à la grève il disait :

« Mais surtout, on en veut aux jeunes de ne pas désirer s’intégrer pleinement à l’ordre établi, avec un emploi plus ou moins payant, mais souvent asservissant, qui sera compensé par du temps libre dont ils pourront jouir en faisant l’expérience des grandeurs et misères de la société de consommation ou en vouant leurs soirées aux nombreuses émissions visant à les abrutir massivement.

(...) Se pourrait-il, en fait, qu’on en veuille aux étudiants de ne pas se coucher? De ne pas se rallier à un monde que nous savons au fond de nous-mêmes insatisfaisant, qui étouffe l’âme, assèche le cœur et nous condamne à l’errance la plus désespérante? Comme si on disait : nous nous y sommes pliés, pourquoi ne font-ils pas de même? »

Ce fut cette rare fois où j'ai été touchée par les mots de Mathieu Bock-Coté. Il avait visé juste. Cette société insatisfaisante, vide de sens, elle s'étale encore comme le futur des jeunes. La différence avec les générations passées, c'est que ma génération et celles qui suivent sont les premières à avoir un avenir plus noir que leurs parents. On nous demande de plier devant l'ordre établi, de suivre en silence, mais cette fois, seulement avec le bâton. Le système ne nous offre même pas la petite carotte qu'il a brandi devant les générations passées.


Mathieu Bock-Côté avait conclu son article ainsi :

« Il est malheureux, en fait, que les jeunes grévistes n’aient à brandir contre le capitalisme devenu fou qu’une social-démocratie encroutée, financièrement en ruine, étrangère au réalisme budgétaire et à l’équité intergénérationnelle. Mais peut-on leur en vouloir? Personne n’a vraiment de projet alternatif à brandir pour redresser notre société déréglée. Leur impuissance est aussi la nôtre. »

Il avait encore mis le doigt sur quelque chose d'essentiel. La social-démocratie est en ruine et n'offre pas de solution. L'expérience grecque avec Syriza, la coalition de la "gauche radicale", exprime bien cette ruine et cet échec. Bien sûr, pour Mathieu Bock-Côté, ce renouveau du système, l'alternative, se trouve du côté de la droite identitaire. Radicaliser le système capitaliste, opter pour un nationalisme étroit et identitaire. C'est justement la voie du nationalisme identitaire, avec pour corollaire la montée l'extrême-droite raciste, qui prend racine en Grèce aujourd'hui.

La vraie alternative reste pourtant de changer le système lui-même. Pas de renouveau du capitalisme, pas de capitalisme à visage humain, un nouveau système, de nouvelles bases. L'alternative c'est le socialisme. Plusieurs rêvent du socialisme, ils et elles l'imaginent avec passion sans nécessairement y mettre le mot socialisme. Ils et elles imaginent cette société égalitaire où nous pouvons déterminer collectivement l'action humaine selon les besoins diversifiés de l'humanité et de la nature, et non pas sous la seule règle du profit. Malheureusement, après plusieurs décennies de propagande anticommuniste, plusieurs ont encore peur de brandir le drapeau rouge, et surtout de rejoindre le Parti communiste. C'est pourtant le moyen de changer radicalement notre société.

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