lundi 30 mai 2016

Entretien avec Noor Zaheer, militante communiste indienne

Noor Zaheer, militante du Parti communiste de l’Inde (PCI), présidente de la branche de Delhi de la Fédération nationale des femmes indiennes et écrivaine de renom était de passage à Montréal dans le cadre d’une tournée canadienne qui s’est clôturée le 21 mai avec une allocution au 38e Congrès du Parti communiste du Canada.

Elle s’est entretenue avec la rédaction de Clarté, l'organe du Parti communiste du Québec, au sujet des développements politiques en Inde depuis l’élection du gouvernement nationaliste de droite de Modi.

Clarté: Le régime de l’actuel président Modi du parti nationaliste BJP a été qualifié par le PCI de fasciste. Peux-tu nous en dire un peu plus?

Noor Zaheer: Le fascisme de Modi s’articule à plusieurs niveaux. C’est d’ailleurs ce qui le rend difficile à combattre: s’il était unidirectionnel, il aurait probablement été défait beaucoup plus facilement. Or, il opère à l’échelle individuelle, contre le mouvement des femmes, dans les organisations et institutions religieuses, contre les communautés, dans les institutions de l’État et contre les étudiants. Il est présent partout et il serait erroné de croire qu’il est en déclin.

Le mouvement des femmes a été particulièrement ciblé, en particulier les femmes musulmanes, puisque le gouvernement BJP tente d’imposer un code civil unique concernant la pratique religieuse, ce qui attaque de plein fouet les minorités religieuses, pas seulement les Musulmans, mais aussi les Chrétiens, les Sikhs, les Bouddhistes et les Parsis qui bénéficient jusqu’à maintenant d’une liberté de culte.

Le fascisme de Modi est aussi à l’origine d’une recrudescence des assassinats d’Intouchables. Les femmes intouchables quant à elles sont de plus en plus victimes de viols, surtout celles qui réclament justice.

Tout ça sont quelques exemples du fascisme du régime Modi, je ne sais pas pourquoi nous devrions édulcorer la réalité: il est là et nous devons nous mobiliser dès maintenant pour bâtir une riposte frontale contre le gouvernement du BJP.

Clarté
: Comment ce fascisme s’est-il installé dans la société indienne?

N. Z. À mon avis, le premier signe avant-coureur a été l’assassinat de Mahatma Gandhi. À cette époque, le BJP n’existaient pas, mais le Sangh Parivar [mouvement fédérant plusieurs associations désireuses d’instaurer l’hindouisme comme religion d’État en Inde et qui a entretenu des liens avec le fascisme de Mussolini dans les années 1930, NDR] a été reconnu comme commanditaire de l’assassinat de Gandhi. Au moment où l’interdiction du RSS [groupe paramilitaire nationaliste, NDR], l’un des principaux constituents du Sangh Parivar, a été levée, les problèmes ont commencé. Ils se sont reconvertis en organisation culturelle, ce qui leur a permis de passer sous le radar. Ils ont commencé à organiser des clubs de sport pour se rapprocher des jeunes.

Selon moi, les jeunes hindous se sont sentis un peu menacés par la création du Pakistan et ont été sensibles aux discours anti-musulman à cause de la propagande haineuse diffusée un peu partout. Le fascisme a donc été quelque peu sanctifié et a pris racine peu à peu.

Il ne faut pas oublier non plus qu’en Inde, il existe une forme de racisme jamais discutée: le système de castes. Nous avons essayé de pousser ce débat, mais le gouvernement indien l’a toujours esquivé. Cette forme de racisme, les nouveaux développements depuis l’élection du BJP et la crise capitaliste forment un mélange explosif qui a permis de paver la voie au fascisme.

Clarté: dans ces circonstances, comment vit-on le fait d’être une femme, progressiste et militante de surcroit?

N.Z.: C’est de plus en plus difficile chaque jour, chaque minute même! Pour moi, c’est d’autant plus difficile que ma fille est impliquée politiquement, donc je reçois des menaces du genre «tu devrais mieux éduquer ta fille». Toutefois, mon cas n’est pas unique: plusieurs mères viennent nous rencontrer pour chercher de l’aide pour les mêmes raisons. Nous essayons de répondre à leurs besoins notamment en les organisant et en les soutenant dans leurs luttes. Il reste qu’être une militante en Inde est très dangereux ces jours-ci: tous les jours, je me fais harceler par les Mullahs ou par les nazillons du RSS.

Clarté: depuis novembre dernier, les étudiants indiens mènent une âpre lutte contre le régime de Modi, en particulier à l’université Jawaharlal Nehru. Que penses-tu de l’importance de cette mobilisation dans la riposte contre le régime de Modi et que penses-tu que les étudiants canadiens et québécois pourraient faire pour témoigner de leur solidarité?

N.Z.: Le plus important dans cette mobilisation, c’est que les étudiants ont réussi à rejoindre plusieurs couches dont les travailleurs, les paysans et les femmes, ce qui est très encourageant pour la suite du mouvement. Si les luttes dans ce genre perdurent et se multiplient dans les trois années à venir, je suis confiante que le régime de Modi ne sera qu’un sombre chapitre de l’histoire indienne.

Concernant la solidarité avec le mouvement étudiant, la première tâche de la jeunesse et des étudiants canadiens est de promouvoir cette lutte par tous les moyens possibles, car il y a un silence total à ce sujet. Ils pourraient aussi organiser des actions de solidarité comme des piquetages devant les représentations diplomatiques indiennes à travers le pays. Même s’ils ne sont que quatre ou cinq avec un tract et une banderole, c’est assez pour piquer au vif le gouvernement qui accorde beaucoup d’importance à son image à l’international. Bien sûr, toute expression de solidarité est également bienvenue.

Clarté: il ne fait aucun doute que le fascisme de Modi soit lié aux problèmes de la question nationale non-réglée en Inde. Comment pensez-vous régler cette question en respectant le droit des peuples à l’auto-détermination et de façon démocratique?

N.Z.: C’est une question qui est de plus en plus discutée en Inde. En effet, la question nationale en Inde s’est imposée dans le débat politique d’une façon très violente. Par exemple, le Cachemire est sous occupation militaire, le Nord-Est où la situation est semblable dans trois États (Manipur, Assam et Nagaland), ce  qui a mené à des débats afin de savoir si l’Inde représente vraiment une nation ou si nous ne devrions pas former une fédération. Cependant, ces deux dernières années, toute discussion, tout débat politique ont été muselés. La proposition d’un État fédératif garantissant les droits nationaux de chaque population doit être discutée, car l’Inde est un pays trop diversifié pour que l’on parle d’une nation unitaire.

Clarté:
concernant la politique internationale et régionale, le gouvernement Modi a aussi créé des remous notamment en imposant un blocus au Népal après avoir voté une constitution progressiste.

N.Z.:
En effet, lorsque le blocus a été décrété, j’étais moi-même à la frontière. Le PCI était sur place également. Ce blocus est un acte imposé à 100% par l’Inde, le Népal n’a aucune responsabilité dans cette affaire si ce n’est que d’avoir voté une Constitution à l’image des aspirations du peuple népalais. La propagande indienne a fait valoir que les Népalais avaient l’intention d’empêcher le commerce transfrontalier, or il n’en est rien: pourquoi un pays dont 30% de la force de travail dépend du commerce avec l’Inde, qui plus est à l’économie ravagée à cause d’un séisme catastrophique, voudrait rompre ses relations commerciales avec son voisin? La vérité, c’est que Modi veut implanter une Constitution hindouiste en Inde alors que le Népal a voté une Constitution laïque et fédérative, ce qui a attiré les foudres du gouvernement indien.

Ceci illustre le fait que les pays qui désirent entretenir des relations d’égal à égal avec l’Inde ont eux aussi intérêt à défaire le gouvernement de Modi. Je suis confiante que lors des prochaines élections il sera battu, mais va-t-il accepter de laisser sa place? Ce n’est effectivement pas dans la logique fasciste, il est possible que par un truchement quelconque, il réussisse à se maintenir en place envers et contre la voix du peuple. Ainsi, nous devons nous maintenir mobilisés, être prêts à lutter sur tous les fronts et être prêts à cette éventualité. Pour le moment, nous devons donner plus de pouvoir aux jeunes et aux femmes qui sont au coeur de la riposte et nous devons leur offrir notre soutien total, car ils constituent une force considérable sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour renverser Modi.

1 commentaire:

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