«Si on lutte, on ne gagne pas toujours, mais si on ne lutte pas, on est sûr de perdre»
Par Adrien Welsh
Responsable de la commission international de la YCL-LJC
«Eles
comem tudo e não deixam nada» comme le chantait Zeca
Afonso (le compositeur du fameux hymne de la Révolution d’Avril, Grândola Vila Morena). C’est
probablement la meilleure façon de décrire la situation actuelle au Portugal.
Une traduction plausible serait: «ils mangent tout mais ne laissent rien»,
faisant référence aux «vampires» capitalistes qui imposaient une chape de plomb
au pays notamment à travers une dictature fasciste qui s’est étendu de 1926 à
1974.
Bien qu’il y a aujourd’hui 41 ans qu’avec
le concours des communistes, la dictature de l’Estado Novo ait été déchue et
que le Portugal se soit doté d’une des Constitutions les plus progressistes
d’Europe, ce pays est certainement l’un des plus touchés par les plans de
restructuration voulus par les nouveaux «vampires» de la «Troika» (Union
européene, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international).
En 2013, plus de 128 000 Portugais ont
préféré quitter leur pays, et leur nombre ne cesse d’augmenter année après
année. En France seulement, ils sont plus d’un million et demi, soit environ
15% de la population du Portugal.
C’est pour cette raison qu’en vue des élections
législatives et présidentielles qui se tiendront en septembre et octobre
prochains, Jerónimo de Sousa, secrétaire général du Parti communiste portugais
s’est déplacé à Puteaux en région parisienne pour rencontrer la communauté
portugaise. Cette rencontre avait pour objectif de discuter des problèmes auxquels
sont confrontés les Portugais émigrés et de les intégrer à la plate-forme
électorale définitive du PCP (dont les grandes lignes ont été dévoilées le 26
mai dernier).
Parmi les thèmes discutés entre les 23
associations présentes et le Secrétaire Général du PCP, celui du manque de
reconnaissance des immigrants portugais tant par les gouvernements français que
portugais a été le plus récurrent. Jerónimo de Sousa a identifié cette
situation comme corollaire des coupes successives dans les services publics et
la «déresponsabilisation de l’État», produit des différentes politiques de
droite appliquées depuis 38 ans.
Ces quatre dernières années, environ 400
000 emplois ont été supprimés, gonflant le taux de chômage à 14%. En
conséquence, les chiffres officiels estiment qu’il existe 2,5 millions de
pauvres ou en voie de le devenir. À tout ça il convient d’ajouter les coupes de
salaires, dans les pensions de retraite, dans les services sociaux, la santé,
etc. Et comme partout, ce sont les jeunes qui en sont le plus durement touchés.
Cette situation n’est pas un «châtiment
divin», pour reprendre les termes du dirigeant communiste. Ce n’est pas non
plus parce que les Portugais auraient vécu «au-dessus de leurs moyens»,
gonflant ainsi la dette publique du pays, que toutes ces coupes budgétaires ont
été appliquées. Il s’agit au contraire d’une politique concrète et concertée de
la part des gouvernements successifs qui s’est avérée de plus en plus dure à
partir de la signature du «pacte d’agression» voulu par la Troïka il y a quatre
ans.
Malgré le rôle important de la Troïka et de
l’UE dans ce processus, Jerónimo de Sousa a insisté sur l’analyse du PCP qui
affirme que la plus grande part de responsabilité incombe au gouvernement
portugais, contrairement à ce que prétendent certains. D’ailleurs, les
politiques du mémorandum continuent à être appliquées malgré que celui-ci soit
arrivé à échéance il y a près d’un an.
Quant à l’atteinte de son objectif
principal, soit éviter la banqueroute du pays, l’hypocrisie des dirigeants est
à souligner. La signature du pacte d’agression n’a fait qu’empirer les choses:
le Portugal est, aujourd’hui plus que jamais, dépendant et endetté. Depuis
2008, ce sont 160 milliards d’euros qui ont été alloués dans le paiement des
seuls intérêts de la dette. À cette somme s’ajoutent les millions d’euros
alloués aux plans de sauvetage des différentes institutions financières.
Ensuite, le camarade de Sousa a étayé les
grands axes du programme du PCP et de la CDU (coalition électorale entre les communistes
et les verts) pour les élections prochaines, soulignant qu’elles auront un
impact des plus importants pour l’avenir du pays. En effet, le Portugal se
trouve confronté à un dilemme: «poursuivre avec politique qui mène au désastre»
ou opter pour une rupture radicale.
Pour le PCP, il ne fait aucun doute que la
seule façon de se sortir de cette situation intenable passe par une rupture
avec cette politique de droite au service de l’UE et des grands groupes
financiers. Les communistes revendiquent donc une opposition de front, une
politique «patriotique et de gauche», au service du peuple, des travailleurs et
qui sera porteuse des valeurs de la Révolution d’avril.
Elle passe entre autres par une
renégociation de la dette, par la défense des acquis sociaux, des salaires et
des pensions de retraite, par la défense des droits constitutionnels comme le
droit à l’enseignement public et gratuit (y compris pour les Portugais résidant
à l’étranger) ainsi qu’à la santé. Un autre point important de cette politique
consiste en l’investissement public dans les secteurs productifs de l’industrie
nationale plutôt que de l’offrir en cadeaux aux banques et aux grands groupes
monopolistes. Pour y a arriver, les communistes insistent sur l’importance de
nationaliser les banques et taxer les transactions financières.
Concernant la possibilité d’une
participation au gouvernement, la position du PCP est claire. Il ne s’agit pas
d’une position de principe, mais plutôt de savoir quels intérêts seront pris en
compte. Le PCP est prêt à prendre part au gouvernement, du moment que celui-ci
travaille dans les intérêts de ceux qui travaillent et de ceux qui ont
travaillé. Pour l’instant toutefois, tant le PS que les formations de droite
(PSD, CDS, PP) s’entendent sur les grandes lignes et ont une part de
responsabilité égale dans la politique de droite incrémentée jusqu’ici. Aucune
alliance n’est donc possible.
Cette rencontre a ainsi été l’occasion de
prouver que le Portugal peut aspirer à un avenir meilleur; mais sans une rupture
de fond avec tous les acteurs coupables de la situation catastrophique que vit
le pays, aucune amélioration des conditions de vie des travailleurs et du
peuple en général n’est possible. Cette politique de rupture, seuls le Parti
communiste portugais et son alliance électorale, la CDU, la portent et quel que
soit le résultat électoral, il n’est pas question de s’en soustraire. «Si on
lutte, on ne gagne pas toujours, mais si on ne lutte pas, on est sûr de
perdre»; telle a été la conclusion de Jerónimo de Sousa.
La lutte pour le progrès, justice sociale
et la démocratie avancée en vue du socialisme, le PCP n’est pas près de
l’abandonner. «Le PCP est un parti avec une longue histoire de cohérence [...]
qui ne travaille pas pour ses propres intérêts, mais pour les intérêts du
peuple avec qui il combat en permanence et pas seulement lorsqu’il s’agit de
réclamer des voies.»
Le PCP a lancé sa campagne électorale plus
tôt en juin en organisant une marche nationale «La force du peuple» à laquelle
se sont joints plus de 100 000 manifestants à Lisbonne. Un message important qui rappelle à quel
point les communistes, d’une part, sont prêts à lutter du côté du peuple, et
d’autre part, que leur idéologie n’est pas désuète mais bien en lien avec les
revendications populaires. «Nous ne sommes pas au-dessus des gens. Nous sommes
des hommes et des femmes avec des valeurs et une foi concrètes. [...] Nous
servons la cause la plus noble: servir le peuple et les travailleurs».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire