Jérémie Bédard-Wien et Blandine Parchemal
Les auteurs sont respectivement porte-parole et secrétaire aux affaires académiques de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ).
Les auteurs sont respectivement porte-parole et secrétaire aux affaires académiques de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ).
Publier originalement dans La Presse
Aux côtés de centaines de milliers
d'étudiants et de citoyens, nous avons revendiqué une vision différente
de l'université le temps d'un printemps étudiant. Ce dernier a ouvert
l'univers des possibles: bien au-delà de la seule question de la hausse
des droits de scolarité, le mouvement étudiant a remis en question les
fondements mêmes du système d'éducation québécois. Au fil des
manifestations, des assemblées générales, nous avons su imposer la plus
grande tempête d'idées que le monde de l'éducation a connu depuis
longtemps.
Quelques
mois plus tard, les grandes questions soulevées par la grève restent
sans réponse. Le Sommet sur l'enseignement supérieur avait pourtant
comme rôle de favoriser une confrontation d'idées. Au contraire, dans sa
forme actuelle, il sert surtout à remblayer la floraison du printemps
plutôt que de repenser les finalités de l'université québécoise. Au lieu
d'impliquer la population - qui doit bien se demander où va cet
exercice! - dans une réflexion de grande ampleur, le Sommet est une
course au compromis chiffré. Il offre peu d'espace de débat et se
contente de placer différents acteurs l'un contre l'autre, chacun se
battant dans l'espace médiatique pour sa part de gâteau. Le gouvernement
est en train de refermer la fenêtre ouverte par la grève étudiante en
verrouillant le débat sur des enjeux technocratiques, et beaucoup s'en
rendent complices en s'engageant dans un débat économique stérile.
La guerre médiatique entourant le financement des institutions d'enseignement supérieur en est un exemple frappant. Sous-financement ou mal-financement? Le second, incontestablement. C'est d'ailleurs une position que l'ASSÉ défend depuis 2010. Cela dit, nous devons aller plus loin: à partir du moment où le financement est disponible, qui devrait l'administrer et comment devrait-il être partagé? Au-delà des chiffres se trouve un vide que les acteurs du Sommet ne pourront combler: celui de la composition, de la mission et de l'organisation des instances universitaires. En effet, comment remettre en question la participation majoritaire de membres externes sur les conseils d'administrations avant d'avoir statué la place que nous voulons accorder au privé au sein de nos institutions d'enseignement supérieur?
Si l'ASSÉ débat de sa participation au Sommet, c'est d'abord parce que ses membres constatent que le Sommet ne correspond guère à l'une des revendications fondamentales de la grève générale illimitée: la tenue d'états généraux réunissant la communauté universitaire. Devant un précédent gouvernement buté, incapable de parler une langue autre que celle de la démagogie, les étudiants et étudiantes ainsi que d'autres actrices et acteurs de la société civile ont envisagé la tenue d'états généraux de l'enseignement supérieur. Nous avons revendiqué le dialogue.
L'appel au dialogue du ministre Duchesne est différent. Il semble exclure un dialogue au sein même de nos organisations, ou le mode de revendication tout à fait légitime de la manifestation. Son dialogue est celui du nivellement par le bas, rompu à trois reprises par des coupures au sein du réseau universitaire. Un dialogue de sourds.
Le ministre se plaint sur toutes les tribunes de la «tentative de division» de l'ASSÉ: nous lui répondons qu'il existe plusieurs divisions autour de la table du Sommet. La vision que nous défendons, avec plusieurs syndicats, est celle d'une université publique et accessible à tous et toutes, celle d'une université construite autour de principes fondateurs de collégialité et d'autonomie: celle d'une université qui a pour mission première la transmission d'un savoir et le développement de l'esprit critique.
La CRÉPUQ, le Conseil du patronat et d'autres acteurs du secteur privé souhaitent plutôt accélérer des réformes déjà en place, favorisant une université pensée en fonction de sa rentabilité économique et gérée de façon managériale, en excluant ceux qui font vivre l'université. Or, c'est cette vision qui est reprise par le gouvernement. S'il écoute la nôtre, c'est d'une oreille bien distraite et sans réelle prise en considération, en témoignant sa volonté maintenue de mettre en place des mécanismes d'assurance-qualité et d'instaurer l'indexation des frais de scolarité.
L'ASSÉ représente près de 70 000 étudiants et étudiantes et fonctionne par démocratie directe: elle n'est en aucun cas un bloc monolithique. Certaines de nos associations membres aimeraient participer au Sommet, d'autres non. L'important, c'est que les étudiants eux-mêmes, par la base, soient en mesure de se poser la question, de remettre en question un processus qui n'inspire guère confiance.
Si Pauline Marois nous tend la main, ce n'est pas par volonté d'écouter le discours de l'ASSÉ, mais plutôt de s'assurer que la deuxième plus grande association étudiante du Québec légitimise les conclusions du Sommet. Nous ne sommes pas un acteur marginal: ce sont 25 000 étudiants et étudiantes qui ont rejoint l'ASSÉ l'an dernier pour défendre un projet politique, la gratuité scolaire, radical pour une classe politique qui a oublié ses programmes de la révolution tranquille.
Nous avons fait part de notre critique du Sommet sur la place publique pendant des mois, sans réponse. Aujourd'hui, le gouvernement réagit enfin. Il aurait pu créer un véritable espace de débat il y a longtemps. À présent, le temps presse. Nous débattrons de notre participation les 2 et 3 février: du côté gouvernemental, est-ce que les gestes suivront les paroles?
La guerre médiatique entourant le financement des institutions d'enseignement supérieur en est un exemple frappant. Sous-financement ou mal-financement? Le second, incontestablement. C'est d'ailleurs une position que l'ASSÉ défend depuis 2010. Cela dit, nous devons aller plus loin: à partir du moment où le financement est disponible, qui devrait l'administrer et comment devrait-il être partagé? Au-delà des chiffres se trouve un vide que les acteurs du Sommet ne pourront combler: celui de la composition, de la mission et de l'organisation des instances universitaires. En effet, comment remettre en question la participation majoritaire de membres externes sur les conseils d'administrations avant d'avoir statué la place que nous voulons accorder au privé au sein de nos institutions d'enseignement supérieur?
Si l'ASSÉ débat de sa participation au Sommet, c'est d'abord parce que ses membres constatent que le Sommet ne correspond guère à l'une des revendications fondamentales de la grève générale illimitée: la tenue d'états généraux réunissant la communauté universitaire. Devant un précédent gouvernement buté, incapable de parler une langue autre que celle de la démagogie, les étudiants et étudiantes ainsi que d'autres actrices et acteurs de la société civile ont envisagé la tenue d'états généraux de l'enseignement supérieur. Nous avons revendiqué le dialogue.
L'appel au dialogue du ministre Duchesne est différent. Il semble exclure un dialogue au sein même de nos organisations, ou le mode de revendication tout à fait légitime de la manifestation. Son dialogue est celui du nivellement par le bas, rompu à trois reprises par des coupures au sein du réseau universitaire. Un dialogue de sourds.
Le ministre se plaint sur toutes les tribunes de la «tentative de division» de l'ASSÉ: nous lui répondons qu'il existe plusieurs divisions autour de la table du Sommet. La vision que nous défendons, avec plusieurs syndicats, est celle d'une université publique et accessible à tous et toutes, celle d'une université construite autour de principes fondateurs de collégialité et d'autonomie: celle d'une université qui a pour mission première la transmission d'un savoir et le développement de l'esprit critique.
La CRÉPUQ, le Conseil du patronat et d'autres acteurs du secteur privé souhaitent plutôt accélérer des réformes déjà en place, favorisant une université pensée en fonction de sa rentabilité économique et gérée de façon managériale, en excluant ceux qui font vivre l'université. Or, c'est cette vision qui est reprise par le gouvernement. S'il écoute la nôtre, c'est d'une oreille bien distraite et sans réelle prise en considération, en témoignant sa volonté maintenue de mettre en place des mécanismes d'assurance-qualité et d'instaurer l'indexation des frais de scolarité.
L'ASSÉ représente près de 70 000 étudiants et étudiantes et fonctionne par démocratie directe: elle n'est en aucun cas un bloc monolithique. Certaines de nos associations membres aimeraient participer au Sommet, d'autres non. L'important, c'est que les étudiants eux-mêmes, par la base, soient en mesure de se poser la question, de remettre en question un processus qui n'inspire guère confiance.
Si Pauline Marois nous tend la main, ce n'est pas par volonté d'écouter le discours de l'ASSÉ, mais plutôt de s'assurer que la deuxième plus grande association étudiante du Québec légitimise les conclusions du Sommet. Nous ne sommes pas un acteur marginal: ce sont 25 000 étudiants et étudiantes qui ont rejoint l'ASSÉ l'an dernier pour défendre un projet politique, la gratuité scolaire, radical pour une classe politique qui a oublié ses programmes de la révolution tranquille.
Nous avons fait part de notre critique du Sommet sur la place publique pendant des mois, sans réponse. Aujourd'hui, le gouvernement réagit enfin. Il aurait pu créer un véritable espace de débat il y a longtemps. À présent, le temps presse. Nous débattrons de notre participation les 2 et 3 février: du côté gouvernemental, est-ce que les gestes suivront les paroles?
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