samedi 8 septembre 2012
Des étudiants sans le sou
Ewan Sauves
La Presse
À 12 h, vendredi dernier, dans le pavillon Judith-Jasmin de l'UQAM, impossible de ne pas remarquer les dizaines de boîtes de carton empilées les unes sur les autres. Peu après la fin des cours, un attroupement se forme dans le hall. Les étudiants n'attendent qu'une chose: leur sac d'épicerie.
«C'est horrible d'avoir à quêter littéralement de l'argent pour payer ses dépenses. Dire «Je suis dans la merde, j'ai besoin d'aide» à de purs étrangers, c'est là où on est rendus, nous autres.» Valérie Mccutcheon est responsable de tout. Étudiante au baccalauréat en sociologie, la jeune femme de 28 ans a réussi à mettre sur pied, en moins d'une semaine, le Fonds de solidarité inter-UQAM. «C'est une idée qui a été discutée dans une assemblée générale et j'ai décidé de m'impliquer, de donner la première poussée.»
Au coeur des revendications du Fonds: dénoncer le non-versement, pour le mois de septembre, des prêts et bourses aux étudiants et collégiens annoncé en août par le gouvernement. Pendant un mois, ceux-ci se retrouvent le bec dans l'eau, sans aucune source de revenus. Le groupe recueille donc des denrées non périssables et des dons, afin d'aider les étudiants touchés par le non versement de l'aide financière aux études en septembre. Vendredi dernier, ils étaient 50 à profiter de la première distribution de nourriture de l'année.
Parents étudiants
«La majorité des bénéficiaires sont des parents étudiants, déplore celle qui ne recevra pas son chèque habituel de 850$ ce mois-ci. Vous devriez lire les courriels que je reçois depuis le mois d'août: des gens qui ne peuvent plus manger, qui doivent faire des choix entre nourriture-garderie et droits de scolarité-loyer.»
«Les coupes de l'AFE [aide financière aux études], c'est très majeur. De septembre à avril, c'est notre seule source de revenus. Avec ma charge de cours et ma fille, je ne peux pas travailler durant l'année.»
Ce n'est pas la première fois que Maryse, mère étudiante à l'UQAM, fait la queue pour obtenir un sac d'aliments. Elle se rend à une banque alimentaire proche de chez elle plusieurs fois par semaine. Maryse a peur pour les mois à venir, où elle devra, «plus que jamais» faire des choix difficiles. «Je gratte les fonds de tiroirs, j'ai travaillé cet été alors j'ai pu mettre un peu de sous de côté, mais jusqu'à quand ça va durer?»
Affluence importante
La pauvreté et l'insécurité alimentaire chez les étudiants sont deux problèmes qui ne datent pas d'hier, selon l'organisme de collecte et de distribution de denrées Moisson Montréal. Réalisée l'année dernière, une étude de la clientèle ayant recours aux diverses banques alimentaires de l'île de Montréal relève une augmentation de 300% depuis 2008 de la demande provenant des étudiants.
Au Centre d'entraide et de ralliement familial (CERF), situé rue Ontario Est, une fréquentation importante se fait sentir depuis un an. «J'ai beaucoup de parents étudiants du cégep du Vieux Montréal à l'heure actuelle. Je les vois beaucoup ceux-là», partage Guy Cournoyer, le directeur général du CERF. Selon lui, le ministère de l'Éducation aurait dû prendre le temps d'analyser l'ampleur de sa décision.
Pour le moment, le Fonds de solidarité inter-UQAM compte organiser des distributions de produits alimentaires jusqu'au 28 octobre. Valérie Mccutcheon réajustera le tir si le besoin se fait sentir. «Je calcule que ça va leur [les étudiants] prendre trois semaines pour se remettre de leur déficit. On finira en fin octobre pour qu'ils reprennent un peu leur souffle.»
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