Message d’une mère de Gaza : nous étreignons l’espoir
Suma Baroud
Ce texte est une version révisée et traduite d’un discours initialement prévu pour être prononcé lors d’une initiative de l’UNRWA à Gaza, mais qui a été refusé par l’organisateur des Nations-Unies comme étant « trop politique ».
Sans l’espoir, il n’y aurait plus que le bruit des bombes, la poussières des décombres, et des images d’horreur et de douleur. Nous méritons mieux que cela, et nous ne cesserons notre combat que lorsque notre terre et notre peuple seront libres.
Le siège israélien sur Gaza, qui avait pour objectif de nous affaiblir, nous a rendu en réalité plus forts. Il devait briser notre volonté, il a renforcé notre détermination. Il voulait nous humilier, mais il nous a rendus encore plus fiers.
En fait, la bêtise d’Israël et son arrogance même ont tonifié notre cause dans la conscience du monde, comme si la Nakba (la Catastrophe de 1947-48) était arrivée tout juste hier. La fatuité d’Israël a aveuglé ses dirigeants qui ne savent lire notre histoire et en tirer des leçons ; car s’ils l’avaient lue, ils y auraient découvert la simple vérité : 62 ans ont passé depuis la Nakba, et pourtant, chaque jour, notre détermination grandit d’un jour nouveau de résistance, comme grandit la solidarité que nous avons recueillie partout dans le monde.
C’est une erreur de dire que la bande de Gaza subit un siège depuis près de quatre ans, pour un siège prolongé qui est imposé sur Gaza - sur la Palestine - depuis 62 ans. Pourtant, nous avons survécu et grandi toujours plus déterminés, d’autant plus que nos amis et partisans se sont levés et continuent de se tenir à nos côtés. Grâce à leur solidarité, notre sumud (notre ténacité) n’a pas faibli pendant des générations.
Ici, à Gaza, nous avons été encouragés par des millions de personnes dans le monde qui sont descendues dans la rue pour nous soutenir et protester devant la brutalité de nos bourreaux. Des personnes, des communautés entières, des ONG et de nombreuses universités se sont déclarées opposées à une guerre gratuite contre une population largement sans défense. De quelle plus grande preuve aurions-nous besoin que ces milliers de militants, de toutes nationalités, ethnies, confessions et origines, qui traversent les mers et les continents pour venir à notre secours ? Certains d’entre eux ont été assassinés, dans la violence, ayant la conviction que le siège doit être levé et la Palestine libre
Nos cœurs saignent et nos yeux pleurent pour ceux qui ont été tués en haute mer et qui, jamais plus, ne rallieront le sol de la Palestine. Ils ont touché nos cœurs et nos âmes et ils vivront dans notre mémoire, à jamais.
Ma fille fut l’une des rares enfants très chanceuses qui réussirent à voler un moment de paix et à rompre ce siège injuste, même si ce ne fut que pour bien peu de semaines. Grâce au Centre Carter pour les droits humains (de l’ancien président états-unien Jimmy Carter), mon enfant, avec quelques autres, a pu franchir les frontières de l’oppression et de l’inhumanité pour un monde qu’elle savait exister, mais qu’elle n’avait jamais eu la chance de voir.
Mais en visitant les nombreux sites magnifiques des Etats-Unis, ces enfants emportaient avec eux les images de corps déchiquetés, de maisons explosées, d’arbres déracinés ; des nouveaux camps de réfugiés érigés par les anciens camps de réfugiés. Elles ont été privées de leur enfance, d’un moment serein dans un parc de Gaza, d’une marche sans fin sur la plage de Gaza. Combien il est injuste que ces enfants puissent vivre leur vie entière en devant simplement se rappeler ces deux semaines passées aux USA, comme le plaisir d’une vie qu’elles ne pourront jamais revivre, plus jamais. Et que dire des centaines de milliers d’autres enfants qui ne pourront même pas profiter de ce répit temporaire ?
Mais je dois dire que lorsque mon enfant est revenue des Etats-Unis et qu’elle a commencé à raconter ses aventures, nous avons tous vécu un moment de liberté. La gentillesse dans la voix de ceux qu’elle rencontrait, et les maintes et maintes fois où lui fut rappelé que la Palestine est dans leurs cœurs, les mots ne suffisent pour l’exprimer. C’est comme cela que nous savons que nous ne sommes pas seuls.
Quel merveilleux moment ce fut pour ma fille quand elle rencontra la famille de Rachel Corrie, cette jeune fille états-unienne de 20 ans qui est morte pour Gaza.
Mais alors que ma fille allait revenir, j’étais inquiète. Je craignais qu’elle fasse à son retour des comparaisons entres la liberté infinie de l’Amérique et la prison à ciel ouvert de Gaza, et qu’elle ne se sentît écrasée. Mais je suis si heureuse et si fière que ma fille, Dalal, soit revenue en amenant en elle toute la détermination du monde, une obstination pour le droit de Gaza à vivre dans la même liberté que l’Amérique ; si fière de son identité palestinienne, de ses racines, de sa foie et de son histoire. L’Amérique a donné à ma fille davantage d’espoir, a élargi son horizon et son imagination, mais Palestinienne inflexible de Gaza elle reste.
Merci à l’UNRWA, et surtout à vous Mr John Ging, pour son dévouement pour Gaza, et à vous tous qui continuez de vous tenir à nos côtés durant ces temps difficiles. Un jour, Gaza et la Palestine seront libres, et je n’aurai que des images heureuses et des mots de bonheur à vous transmettre. Jusqu’à ce que ce jour arrive, nous nous tiendrons ici, aux yeux du monde, exigeant notre humanité, nos droits, notre liberté ; nous continuerons d’étreindre l’espoir parce que sans lui, il n’y aurait plus que le bruit des bombes, la poussière des décombres, et des images d’horreur et de douleur. Nous méritons mieux que cela, et nous ne cesserons notre combat que lorsque notre terre et notre peuple seront libres.
Mme Suma Baroud est médecin à Gaza et mère de six enfants. Elle est la sœur de l’écrivain, Ramzy Baroud.
Source: Info Palestine
Suma Baroud
Ce texte est une version révisée et traduite d’un discours initialement prévu pour être prononcé lors d’une initiative de l’UNRWA à Gaza, mais qui a été refusé par l’organisateur des Nations-Unies comme étant « trop politique ».
Sans l’espoir, il n’y aurait plus que le bruit des bombes, la poussières des décombres, et des images d’horreur et de douleur. Nous méritons mieux que cela, et nous ne cesserons notre combat que lorsque notre terre et notre peuple seront libres.
Le siège israélien sur Gaza, qui avait pour objectif de nous affaiblir, nous a rendu en réalité plus forts. Il devait briser notre volonté, il a renforcé notre détermination. Il voulait nous humilier, mais il nous a rendus encore plus fiers.
En fait, la bêtise d’Israël et son arrogance même ont tonifié notre cause dans la conscience du monde, comme si la Nakba (la Catastrophe de 1947-48) était arrivée tout juste hier. La fatuité d’Israël a aveuglé ses dirigeants qui ne savent lire notre histoire et en tirer des leçons ; car s’ils l’avaient lue, ils y auraient découvert la simple vérité : 62 ans ont passé depuis la Nakba, et pourtant, chaque jour, notre détermination grandit d’un jour nouveau de résistance, comme grandit la solidarité que nous avons recueillie partout dans le monde.
C’est une erreur de dire que la bande de Gaza subit un siège depuis près de quatre ans, pour un siège prolongé qui est imposé sur Gaza - sur la Palestine - depuis 62 ans. Pourtant, nous avons survécu et grandi toujours plus déterminés, d’autant plus que nos amis et partisans se sont levés et continuent de se tenir à nos côtés. Grâce à leur solidarité, notre sumud (notre ténacité) n’a pas faibli pendant des générations.
Ici, à Gaza, nous avons été encouragés par des millions de personnes dans le monde qui sont descendues dans la rue pour nous soutenir et protester devant la brutalité de nos bourreaux. Des personnes, des communautés entières, des ONG et de nombreuses universités se sont déclarées opposées à une guerre gratuite contre une population largement sans défense. De quelle plus grande preuve aurions-nous besoin que ces milliers de militants, de toutes nationalités, ethnies, confessions et origines, qui traversent les mers et les continents pour venir à notre secours ? Certains d’entre eux ont été assassinés, dans la violence, ayant la conviction que le siège doit être levé et la Palestine libre
Nos cœurs saignent et nos yeux pleurent pour ceux qui ont été tués en haute mer et qui, jamais plus, ne rallieront le sol de la Palestine. Ils ont touché nos cœurs et nos âmes et ils vivront dans notre mémoire, à jamais.
Ma fille fut l’une des rares enfants très chanceuses qui réussirent à voler un moment de paix et à rompre ce siège injuste, même si ce ne fut que pour bien peu de semaines. Grâce au Centre Carter pour les droits humains (de l’ancien président états-unien Jimmy Carter), mon enfant, avec quelques autres, a pu franchir les frontières de l’oppression et de l’inhumanité pour un monde qu’elle savait exister, mais qu’elle n’avait jamais eu la chance de voir.
Mais en visitant les nombreux sites magnifiques des Etats-Unis, ces enfants emportaient avec eux les images de corps déchiquetés, de maisons explosées, d’arbres déracinés ; des nouveaux camps de réfugiés érigés par les anciens camps de réfugiés. Elles ont été privées de leur enfance, d’un moment serein dans un parc de Gaza, d’une marche sans fin sur la plage de Gaza. Combien il est injuste que ces enfants puissent vivre leur vie entière en devant simplement se rappeler ces deux semaines passées aux USA, comme le plaisir d’une vie qu’elles ne pourront jamais revivre, plus jamais. Et que dire des centaines de milliers d’autres enfants qui ne pourront même pas profiter de ce répit temporaire ?
Mais je dois dire que lorsque mon enfant est revenue des Etats-Unis et qu’elle a commencé à raconter ses aventures, nous avons tous vécu un moment de liberté. La gentillesse dans la voix de ceux qu’elle rencontrait, et les maintes et maintes fois où lui fut rappelé que la Palestine est dans leurs cœurs, les mots ne suffisent pour l’exprimer. C’est comme cela que nous savons que nous ne sommes pas seuls.
Quel merveilleux moment ce fut pour ma fille quand elle rencontra la famille de Rachel Corrie, cette jeune fille états-unienne de 20 ans qui est morte pour Gaza.
Mais alors que ma fille allait revenir, j’étais inquiète. Je craignais qu’elle fasse à son retour des comparaisons entres la liberté infinie de l’Amérique et la prison à ciel ouvert de Gaza, et qu’elle ne se sentît écrasée. Mais je suis si heureuse et si fière que ma fille, Dalal, soit revenue en amenant en elle toute la détermination du monde, une obstination pour le droit de Gaza à vivre dans la même liberté que l’Amérique ; si fière de son identité palestinienne, de ses racines, de sa foie et de son histoire. L’Amérique a donné à ma fille davantage d’espoir, a élargi son horizon et son imagination, mais Palestinienne inflexible de Gaza elle reste.
Merci à l’UNRWA, et surtout à vous Mr John Ging, pour son dévouement pour Gaza, et à vous tous qui continuez de vous tenir à nos côtés durant ces temps difficiles. Un jour, Gaza et la Palestine seront libres, et je n’aurai que des images heureuses et des mots de bonheur à vous transmettre. Jusqu’à ce que ce jour arrive, nous nous tiendrons ici, aux yeux du monde, exigeant notre humanité, nos droits, notre liberté ; nous continuerons d’étreindre l’espoir parce que sans lui, il n’y aurait plus que le bruit des bombes, la poussière des décombres, et des images d’horreur et de douleur. Nous méritons mieux que cela, et nous ne cesserons notre combat que lorsque notre terre et notre peuple seront libres.
Mme Suma Baroud est médecin à Gaza et mère de six enfants. Elle est la sœur de l’écrivain, Ramzy Baroud.
Source: Info Palestine
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