mardi 12 juillet 2011

Article du site Slate.fr sur les propos fous d'une femme de droite.

Bachmann: «Les enfants noirs allaient mieux quand ils étaient esclaves»

«L’esclavagisme a eu un impact désastreux sur les familles afro-américaines, mais malheureusement, un enfant né dans l’esclavage en 1860 avait plus de chances d’être élevé par sa mère et son père dans une famille avec deux parents qu’un bébé afro-américain né après l’élection de l’actuel Président des Etats-Unis

Voilà le très douteux préambule de la pétition signée par la chouchoute actuelle du Tea Party, Michele Bachmann, comme le rapporte le site américain Politico.

Jusqu’ici, la première femme républicaine élue au Congrès s’en sortait pourtant très bien dans sa campagne pour être nommée candidate de son parti: elle était presque coude à coude avec Mitt Romney, homme politique pourtant plus chevronné aux Etats-Unis, souligne le Guardian.

Mais elle devrait apprendre à «lire les petits caractères quand le mot esclavagisme apparaît», s’amuse le quotidien britannique. Car en posant sa signature sur une pétition de «voeu de mariage» rédigée par le groupe évangéliste d’Iowa FAMiLY LEADER, Michele Bachmann a déclenché une polémique considérable. Mère de 5 enfants, et nourrice de 23 autres, très religieuse, il n’y avait pourtant rien d’étonnant à ce qu’elle prenne position contre le mariage homosexuel –un de ses chevaux de bataille– dans cette charte.

La blogosphère n’a pas tardé à relever les propos du document, notamment le blog politique «black bourgeois» américain Jack and Jill’s Politics, qui a fait immédiatement part de son indignation:

«Etant donné que les familles étaient régulièrement brisées pour que certains de leurs membres soient vendus et que le viol perpétré par les maîtres était monnaie courante, ces propos ne pourraient pas être plus offensants [...] Quand les républicains vont-ils enfin demander aux vrais noirs si on est d’accord avec le fait d’invoquer l’esclavage à tort et à travers pour marquer des points politiques faciles?»

En général, c’est une mauvaise idée pour un politique de parler de l’esclavage sans avoir bien «fait ses devoirs», souligne le Guardian. Et en l’occurrence, le préambule a «clairement raté le coche.» Dans le Washington Post, Alexandra Petri explique d’ailleurs que «peut-être y avait-il deux parents dans les familles [des esclaves] mais ça n’améliore pas la situation de famille où les enfants sont traités comme de la propriété. Est-ce qu’on veut vraiment aller dans cette direction?»

Face à la réaction outrée des médias et des internautes les évangélistes de FAMiLY LEADER ont enlevé le paragraphe litigieux de leur pétition. Seulement le mal est fait, constate le Guardian, puisque Michele Bachmann et un autre candidat à la présidence, Rick Santorum l’ont signé avant les modifications.

Le passage de Bachmann en Iowa devait pourtant être stratégiquement payant: l’Etat est courtisé actuellement par les républicains et peut s’avérer décisif pour une nomination à l’investiture d’un parti, comme cela avait été le cas pour Barack Obama en 2008.

La représentante du Minnesota à la Chambre des Représentants n’en est pas à sa première bourde: selon le site Politifacts, elle serait la candidate à l’investiture qui aurait fait le plus de fausses déclarations.

Et elle s’était déjà «attaquée» à la question de l’esclavage, notamment en affirmant que les Pères Fondateurs des Etats-Unis, ayant rédigé la Consitution «s’étaient échinés à combattre l’esclavage», alors que beaucoup d’entre eux étaient en fait… esclavagistes comme l’a fait remarquer le présentateur de l’émission Good Morning America.

dimanche 10 juillet 2011

Appel contre le révisonnisme historique en Lettonie

Un dossier brûlant, aux enjeux particulièrement lourds, est en passe de revenir devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Il oppose un ancien partisan antinazi, Vassili Kononov, aujourd’hui représenté par sa famille, au gouvernement de la Lettonie, qui avait fait condamner ce dernier pour « crimes de guerre » au terme d’un marathon judiciaire – plus de six années et demie – conclu le 28 septembre 2004 par la Cour suprême lettone (1).

M. Kononov, qui vient de décéder à Riga à l’âgé de 88 ans, a été durant cinquante ans honoré en URSS pour ses faits d’armes dans la lutte contre l’occupant : parachuté à vingt ans par l’Armée rouge derrière les lignes de la Wehrmacht sur sa Lettonie natale, il multipliera, à la tête de son peloton, sabotages d’installation militaires et déraillements de trains. En février 1944, des collaborateurs, armés par l’occupant, livrent un groupe de partisans aux forces allemandes. Le peloton de Kononov est alors chargé d’exécuter les responsables de cette trahison. Un cas de figure qu’ont naturellement connu les mouvements de résistance partout sur le continent, mais qui sera, un demi-siècle plus tard, retenu contre lui.


Le vent a tourné

Car depuis vingt ans, le vent a tourné dans les pays baltes. En 1991, la Lettonie a cessé d’être une République soviétique. Depuis 2004, elle est membre de l’Union européenne. Ses dirigeants actuels entendent faire valoir leur propre vision de l’Histoire. Pour eux, le 8 Mai 1945 n’est pas synonyme de la Libération par la victoire des Alliés sur le nazisme. En témoigne le musée ad hoc de Riga qui dénonce les « horreurs de l’occupation »… soviétique, tout en montrant comment l’armée hitlérienne fut accueillie en 1941 « en libératrice ». L’extermination des Juifs lettons est largement passée sous silence, notamment dans les manuels scolaires (la communauté juive de Lettonie a été quasiment annihilée pendant la guerre, pour une large part par les milices lettonnes). Tous les 16 mars, une journée honore le souvenir de la Légion lettone de la Waffen SS – la cérémonie était même fréquentée par les autorités jusqu’en 2000. Du reste, un ancien commandant letton de la Waffen SS, du même âge que Kononov, est encore député, et préside la commission parlementaire de la « citoyenneté » (après avoir chapeauté celle chargée des relations avec l’OTAN).

Dans l’actuelle Lettonie, les vétérans de l’Armée rouge sont traités en parias. C’est dans ce contexte que les poursuites contre Kononov ont été engagées. Il sera emprisonné pendant près de deux ans. Dès lors que sa défense eut épuisé tous les recours nationaux, Vassili Kononov s’est tourné vers la CEDH pour défendre son honneur et celui de tous ses camarades qui ont lutté contre l’Occupant nazi.

Le 24 juillet 2008, la Cour lui donne raison. Elle confirme que les villageois exécutés collaboraient bien avec l’occupant, et affirme notamment : « quelle que soit la raison invoquée, (la Cour) ne saurait accorder une légitimation quelconque à une attitude pronazie ou une collaboration active avec les forces de l'Allemagne nazie ».

Mais les dirigeants lettons n’acceptent pas ce désaveu. Ils font appel. Et multiplient les pressions sur l’instance d’appel, la « Grande Chambre ». Le 17 mai 2010, celle-ci inverse le premier verdict, contestant notamment l’argument retenu par les juges de première instance portant sur la non-rétroactivité des lois.

Dès lors, la défense de Kononov lance de nouvelles investigations. Elle trouve des documents historiques lettons auxquels elle n’avait pu avoir accès jusque là. Elle découvre que les collaborateurs exécutés par le groupe de Kononov ne se contentaient pas de détenir des armes confiées par les Allemands : plusieurs d’entre eux ont participé aux massacres de la population d’origine juive.

La défense pointe en outre une traduction faussée des jugements des tribunaux lettons, traduction sur laquelle se sont notamment fondés les juges d’appel. Elle fait par ailleurs valoir des éléments de droit qui entachent, selon elle, le jugement d’appel.


Corriger Nuremberg ?

Tous ces éléments l’ont amenée à déposer un recours dans le cadre des règles de l’institution de Strasbourg. Cette dernière a confirmé la procédure, et va devoir trancher sur le fond.

L’enjeu est considérable. Dans son mémoire, la défense souligne le caractère hors norme de ce dossier : « c’est la première fois, au cours des soixante ans qui sont écoulés depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, qu’un soldat ayant combattu dans les rangs de la coalition antihitlérienne est poursuivi pénalement pour ce fait comme criminel de guerre ». Relevant que la Lettonie qualifie la condamnation des dirigeants nazis de « justice des vainqueurs qui a permis aux criminels alliés de rester impunis », la défense souligne que c’est la première fois qu’un Etat propose à la Cour européenne des droits de l’Homme de « corriger les défauts du Procès de Nuremberg ».

Ainsi, fait sans précédent depuis la fin de la seconde Guerre mondiale, une instance judiciaire internationale qualifie les actes de l’Armée Rouge, qui combattait les nazis, de criminels : les vainqueurs semblent devenus des criminels, et les bourreaux, des victimes innocentes.

Accepter cette « correction » ouvrirait la porte aux pires révisions de l’histoire. Dans la période actuelle, où de telles tentations se manifestent de diverses parts, nous mettons instamment en garde contre les conséquences redoutables qui pourraient en résulter.


Maurice BOURJOL, doyen honoraire de la faculté de droit de Tours

Robert CHARVIN, doyen honoraire de la faculté de droit de Nice

Michel CLAPIE, agrégé de droit public, professeur de droit constitutionnel à l’Université de Montpellier I

Jan FERMON, avocat, Bruxelles

Raphael PORTEILLA, sciences politiques, Université de Bourgogne

Adda BEKKOUCHE, juriste, magistrat honoraire à la Cour des comptes d'Algérie


(1) BRN du 22 février 2011

jeudi 30 juin 2011

L’inclusion de Cuba dans la pire des catégories du Rapport du Département d’État

Granma International
La Havane, Cuba, Mercredi, le 29 Juin 2011

Déclaration de la Directrice du Département Amérique du Nord du ministère des Relations extérieures, Josefina Vidal

L’inclusion de Cuba dans la pire des catégories du Rapport du Département d’État sur les pays qui « ne respectent pas complètement les standards minimum pour éradiquer la traite des personnes, et ne font pas d’efforts significatifs dans ce sens », est une calomnie honteuse et une profonde offense au peuple de Cuba. Ainsi, on prend une nouvelle fois le parti d’ignorer le comportement exemplaire de notre pays dans la protection de l’enfance, de la jeunesse et de la femme.

Une nouvelle fois, nous rejetons énergiquement l’inclusion de Cuba dans ce rapport biaisé et irresponsable du Département d’État.

Cuba n’est pas le pays d’origine, ni de transit, ni de destination de ce fléau. Chez nous, il n’existe ni traite sexuelle des mineurs, ni travail forcé des enfants. Au contraire, la législation et les politiques adoptées par le gouvernement cubain, ainsi que le travail mené par nos institutions dans ce domaine nous classent parmi les pays de la région dotés des normes et des mécanismes les plus avancés en matière de prévention et de lutte contre la traite des personnes, et dans la sécurité et la protection de l’enfance et des secteurs vulnérables de la population.

Nous rejetons les fausses allégations du rapport, selon lesquelles il n’y aurait pas d’information sur les actions de Cuba en la matière. Le gouvernement des États-Unis est parfaitement au courant de ce travail. Même si Cuba ne reconnaît pas cet exercice unilatéral et discriminatoire, les États-Unis, à l’instar d’autres gouvernements, disposent d’une information actualisée sur le travail systématique de nombreuses institutions cubaines en faveur de la prévention et de la lutte contre la traite des personnes. Il a tout simplement été décidé de nier encore une fois les faits.

Se servir de cet exercice comme d’un prétexte pour tenter de discréditer Cuba est une offense aux efforts légitimes consentis dans le monde pour éliminer une activité criminelle qui fait des millions de victimes. L’obsession à tenter de justifier une politique ratée et cruelle comme le blocus est la seule raison qui puisse expliquer l’inclusion arbitraire de Cuba dans cette liste.

Le rapport du Département d’État travestit délibérément la réalité de Cuba, et tente de dissimuler l’ampleur et l’impunité dans laquelle agissent, aux Etats-Unis mêmes, les principales organisations criminelles liées à la traite des personnes, un pays où sont recensées une bonne partie des victimes de ce fléau.

vendredi 3 juin 2011

Mission en Afghanistan: une contestation planétaire

Joël-Denis Bellavance
La Presse

Le gouvernement Harper n'est pas le seul à devoir justifier la mission en Afghanistan à une population de plus en plus sceptique. Toutes les nations qui ont des troupes dans ce pays sont aux prises avec le même problème: des appuis de plus en plus faibles devant une mission qui tarde à donner des résultats concrets.

À la veille du sommet de l'OTAN de Lisbonne, en novembre 2010, le ministère canadien de la Défense a fait une compilation des sondages menés dans la majorité des pays qui ont des troupes en Afghanistan. Et les résultats sont sans équivoque.

«L'appui de la population en général pour la mission est en déclin dans la majorité des pays sondés», écrit le sous-ministre de la Défense Robert Fonberg dans une note d'information rédigée à l'intention de son patron, le ministre Peter MacKay.

Cette note, remise au ministre à quelques jours du sommet de l'OTAN où l'avenir de la mission en Afghanistan était en enjeu important, a été rédigée à partir d'informations colligées par les attachés militaires des ambassades du Canada à Washington, Londres, Paris, Canberra, Berlin et Rome. Les coups de sonde datent de 2010, mais ils permettent de dresser un portrait global de l'humeur de la population dans les pays qui ont déployé des soldats en Afghanistan.

«Les pressions pour un retrait partiel ou complet se multiplient et certains gouvernements ont récemment indiqué leur intention de retirer leurs troupes plus tôt que prévu ou de revoir leur stratégie de sortie initiale», peut-on lire dans la note, que La Presse a obtenue en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Aux États-Unis aussi

Aux États-Unis, 38% des Américains seulement jugent que la présence de leur armée en Afghanistan est justifiée. Trois raisons expliqueraient la faiblesse de ces appuis: le coût de la mission, une guerre sans fin qui n'aura pas d'impact sur la sécurité nationale et le peu de chances qu'un État stable et pacifique émerge de cette campagne.

On soutient aussi que la tendance de plus en plus fréquente des médias à comparer la guerre d'Afghanistan à la guerre du Vietnam influence grandement l'opinion publique.

En Grande-Bretagne, un sondage publié à l'automne 2010 a démontré que seulement 33% des gens appuyaient la mission militaire. Un sondage en juin de la même année a révélé que 73% des Britanniques souhaitaient le retrait des troupes. On s'attend d'ailleurs à ce que la Grande-Bretagne emboîte le pas aux États-Unis et retire ses troupes en 2014 même si, officiellement, elle s'est engagée à maintenir des soldats jusqu'en 2015. L'aventure en Irak, aux côtés des États-Unis, explique que les Britanniques soient réfractaires à la mission en Afghanistan.

En France, la population jugeait que la situation se détériore en Afghanistan dans une proportion de 85%, selon un sondage publié au début de 2010. «Depuis le début, les Français sont hostiles à la mission en Afghanistan», peut-on lire dans la note au ministre MacKay.

En Australie, 60% de la population souhaite le retrait des troupes. En Allemagne, la mort de sept soldats en une semaine, en avril 2010, a fait bondir l'appui au retrait des troupes à 70%, indique-t-on dans la note.

Retrait

Au sommet de Lisbonne, les pays membres de l'OTAN ont adopté un plan visant à remettre la responsabilité de la sécurité aux troupes afghanes en 2014.

Le Canada, qui compte actuellement quelque 2500 soldats dans la région de Kandahar (la province la plus dangereuse), a l'intention de ramener ce nombre à 950 à compter du 1er juillet. Les troupes seront déployées dans la région de Kaboul, où elles poursuivront la formation des soldats afghans afin qu'ils puissent eux-mêmes assurer la sécurité de leur pays. Le Canada prévoit rapatrier tous ses soldats en 2014.

Mais la semaine dernière, le représentant spécial de l'Alliance militaire pour la région du Caucase et de l'Asie centrale, James Appathurai, a laissé entendre que l'OTAN maintiendrait des troupes en Afghanistan après 2014.

Le premier ministre Stephen Harper a fait une visite-surprise en Afghanistan, lundi, quelques semaines avant que le Canada ne mette fin à son engagement militaire de cinq ans dans la région de Kandahar.

Dans un discours devant quelque 500 soldats canadiens, M. Harper a affirmé que la mission canadienne avait été fructueuse. «Le monde est allé en Afghanistan, un endroit si brutal qu'il était devenu une menace pour la terre entière. Peu importe les problèmes et les défis qui subsistent, l'Afghanistan n'est plus une menace pour le monde.»

- Avec William Leclerc