jeudi 22 novembre 2018

Solidarité avec la grève des stages

Nous reproduisons ici une Résolution spéciale adoptée par le Comité central du Parti communiste du Canada réuni en plénum les 17 et 18 novembre derniers. 

Le Comité central du Parti Communiste du Canada présente sa solidarité envers les près de 60 000 étudiant.e.s en grève pour la rémunération de tous les stages au cours de la semaine du 19 au 23 novembre. La grève touche plusieurs universités et CEGEP à travers le Québec. Certaines institutions, dont le CEGEP du Vieux Montréal, ont dû suspendre les cours alors que des milliers de manifestant.es dressaient des piquets de grève.

Au coeur du mouvement figure la revendication de la rémunération de tous les stages en milieu de travail et ce, à tous les niveaux. Au Canada, on compte chaque année environ 300 000 stages (55 000 au Québec) que doivent effectuer les étudiant.es afin d’obtenir leur diplôme. Ces stages touchent particulièrement des programmes dont le contingent est majoritairement féminin (enseignement, travail social, soins infirmiers, etc.), ce qui entame sévèrement la possibilité de concilier travail – études – familles.

Nous dénonçons avec véhémence la situation de précarité croissante des étudiant.es. À titre d’exemple, la dette étudiante moyenne s’élève à environ 30 000$, ce qui signifie que les étudiant.es doivent s’endetter de plus en plus pour compléter leurs études postsecondaires. C’est à ces mêmes étudiant.es que l’on demande de surcroit de travailler sans rémunération et ce, pour une durée de plus en plus longue. En effet, au cours des 20 dernières années, le nombre et la durée des stages requis ont crû à une vitesse effrénée, ce qui découle d’une logique de désengagement de l’État dans l’éducation.

En effet, le recours à cette pratique permet de transférer une part de la formation des vers les lieux de travail, où les stagiaires représentent une main d’oeuvre potentiellement gratuite, taillables et corvéables à merci, plutôt que d’investir dans de nouvelles salles de classe et d’engager plus de professeurs.

Communistes, nous estimons que tout travail mérite salaire et ce, que le ou la salarié.e soit en apprentissage ou pas ne change rien à la donne. À partir du moment où une personne participe à l’effort productif, elle doit être rémunérée pour son travail. Nous exigeons donc que tout stagiaire soit payé au moins au salaire minimum (que nous revendiquons à 20$ l’heure) et que ses conditions de travail soient identiques à celles des autres salarié.es. Nous exigeons également la fin des stages “machine à café”. Trop nombreux sont les stagiaires qui passent l’essentiel de leur apprentissage en entreprise à faire la “sale besogne” au lieu d’élargir leurs connaissances et d’assimiler les qualités requises en lien avec leur domaine de formation.

La revendication de la rémunération des stages s’inscrit en lien avec le combat pour la gratuité scolaire. Nous demandons donc qu’aucun étudiant.e n’ait à débourser quoi que ce soit pour étudier, ce qui inclut non seulement l’abolition de tous les frais de scolarité et frais afférents, mais aussi l’abolition de tous les obstacles financiers restreignant l’accès aux études. C’est pourquoi nous revendiquons également la mise en place d’une allocation étudiante.

Nous dénonçons également l’hypocrisie des gouvernements québécois et canadien. Alors que le précédent gouvernement Couillard a mis en place quelques limites à l’usage des stages non-rémunérés, il reste que ces mesures sont largement insuffisantes et ne pallient pas à la non-rémunération des stages. Seul le dernier stage obligatoire pour les enseignants (le 4e) est désormais rémunéré. Pour le reste, les sommes débloquées ne visent que 4000 étudiant.es et correspondent à des bourses plutôt qu’à une réelle rémunération qui pèserait sur l’employeur. Le nouveau ministre de l’Éducation quant à lui, se contente de commander des recherches pour savoir si certains stages doivent être rémunérés. Cette hypocrisie est d’autant plus flagrante que l’État québécois est l’un des principaux employeurs ayant recours aux stagiaires non-rémunérés.

À Ottawa, au printemps dernier, le gouvernement Trudeau a entériné la loi C-63 qui met fin aux stages rémunérés dans les industries de compétence fédérale seulement. En outre, cette loi permet le recours de stages non-rémunérés si ceux-ci s’inscrivent dans le cadre d’un programme d’études.

La forte mobilisation que génère le mouvement pour la fin des stages non-rémunérés semble indiquer que le mouvement étudiant québécois reprend son souffle. Cependant, alors que la question d’une grève générale illimitée en février 2019 est posée, il est inquiétant de remarquer que les deux plus grandes fédérations étudiantes du Québec ne sont pas impliquées dans la bataille et préfèrent négocier avec le ministre sur la question. Cette situation ressemble à plusieurs égards à celle qui a prévalu en 2008 où divisé, le mouvement de grève, malgré une forte mobilisation à la base, s’est soldé par un échec avec les Fédérations étudiantes (FECQ et FEUQ) qui ont négocié à part avec le gouvernement alors que l’ASSÉ s’est retrouvée seule à la rue.

Le succès de la campagne pour une grève des stages repose à la fois sur un travail régulier de plusieurs militant.es depuis deux ans, mais aussi sur un appétit de la part des étudiant.es à la mobilisation. Cette mobilisation depuis la base est essentielle au renforcement du mouvement étudiant québécois, en pleine mutation depuis au moins trois ans. Cependant, pour élargir la lutte aux syndicats et aux autres groupes progressistes, pour bâtir sur cette mobilisation à plus long terme et faire en sorte que le mouvement étudiant soit au coeur de l’action contre les mesures anti-populaires du gouvernement Legault, la capacité à bâtir un mouvement étudiant uni et militant est cruciale.

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