mercredi 21 mai 2014

Nudité militante




Par Marianne Breton Fontaine

La question du mouvement des Femens est revenue sur la page du groupe Facebook sur l’égalité des genres et des sexes de la Ligue de la jeunesse communiste à quelques reprises. D’abord parce que ce mouvement a réussi à attirer l’attention des médias avec ses coups d’éclat, et ensuite parce qu’il existe une grande suspicion à son égard. Viktor Sviatski, cet homme hautement sexiste et dominateur derrière les Femens, mais rejeté en 2013 par le mouvement qu’il a créé, a largement contribué à discréditer ce groupe. Discrédit qui n’a fait qu’augmenter avec les nombreuses entrevues de Femen qui, se targuant d’apporter une nouvelle vague féministe, ne semblaient pas toujours savoir grand-chose du féminisme. Leur « exhibitionnisme » a été vu par certain-e-s comme la continuation de l’objectification du corps des femmes, à commencer par le fait que seules des jeunes femmes dans les standards de beauté normalisée semblent se prêter à cet exercice de nudité subversive.  

La critique est facile, mais au-delà du groupe lui-même, il faut constater que les Femen ont raison sur un point majeur : nos seins sont politiques. Au Québec, en plein débat sur la charte, les Femens qui se sont présentées à l’Assemblée nationale sein nu en scandant « Crucifix, décalisse! » étaient menacées d’être accusées d’exhibitionnisme, car montrer sa poitrine publiquement est considéré comme une offense pour les femmes — et seulement pour les femmes. Lorsque le mouvement Femen à fait son apparition dans le médias chez nous, les réactions de rejet ont été assez rapides, les analyses sont venues ensuite. C’est que leurs actions défient en effet des normes patriarcales bien intégrées. Dans la même veine, certaines personnes se sont insurgées du traitement de Facebook (et d’autres médias sociaux) aux photographies contenant des poitrines nues. Des images d’allaitement et relative aux traitements du cancer du sein ont entre autres été retirées, car considérées comme inappropriées, alors que les pages Facebook dégradant le corps des femmes comme un simple objet sexuel pullulent. Le corps des femmes est aujourd’hui mis à nu seulement lorsqu’on le chosifie, le commercialise. Et on n’ose pas voir le corps des femmes qui ne correspondent pas aux normes de beauté occidentales. Le fait que des femmes se réapproprient leur propre corps et l’image de ce corps est au contraire de plusieurs critiques anti-Femen un véritable acte de défiance fidèle au féminisme. Cette réappropriation doit s’étendre à tous les corps féminins. (Cela, sans transformer la nudité en obligation ou en une valeur morale supérieure bien entendu. Remplacer un code par un autre n'est jamais une réappropriation). Cela dit, on ne peut nier que le discours que les Femens attachent à ces actions est malheureusement lui, bien insuffisant. Il est malheureux en fait que la nudité comme arme militante ne soit principalement utilisée en ce moment que par le groupe Femen, et uniquement dans un contexte de relation aux médias. 

Sans entrer dans une nudité complète, en 2012, les étudiant-e-s en grève avaient défiés ce code moraliste et s’était présenté nu dans les Ma-nu-festation. Des femmes marchaient alors, poitrine nue, avec d’autres personnes plus ou moins vêtues. Cette action originale participait aussi à cette réappropriation nécessaire de notre corps dans un acte de défiance. La nudité n’est pas qu’exhibitionniste ou sexuelle, elle peut aussi être militante.

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