Le problème du viol dans l'armée américaine a longtemps été passé
sous silence et continue d'ailleurs à l'être, raconte le quotidien
britannique The Guardian, pointant la présence d'une culture de l'ignorance et de la confidentialité chez les militaires.
C'est
l'histoire de Kate Weber, violée, après un bal, par un officier qui
l'avait conduite vers l'issue de secours d'un bâtiment pour soi-disant
lui parler de son travail; c'est aussi celle de Rick Tringale, qui a
subi un viol collectif dans son dortoir lors de ses premières semaines
d'entraînement. On estime que 37% des agressions sexuelles dans l'armée
sont commises sur des soldats. Pour Mic Hunter, auteur de l'essai Honor Betrayed: Sexual Abuse in America's Military, cité par Newsweek, ce sont bien souvent des héterosexuels qui commettent ce type d'agressions, non par pulsion sexuelle, mais pour «remettre les gens à leur place». Dans ce cas, «l'agression sexuelle n'est pas une question de sexe, mais de violence».
En février, 17 membres militaires et vétérans ont porté plainte contre le Pentagone (via une class action) pour protester contre le «fléau»
des violences sexuelles pratiquées dans l'armée américaine et ont
particulièrement visé les anciens secrétaires d'Etat Robert Gates et
Donald Rumsfeld pour avoir toléré, ignoré voire encouragé implicitement
la poursuite de telles pratiques.
En 2005, face à la médiatisation
de certaines histoires de viol et l'accroissement du nombre de femmes
dans l'armée, le Congrès avait demandé au département de la Défense de
réfléchir aux mesures à mettre en place pour une meilleure prévention de
telles pratiques, ce qui donna lieu à la création du Sexual Assault Prevention and Response Office.
En 2007, le département de la Défense avait signalé 2.200 cas de viols
dans l'armée; le nombre a augmenté à 3.158 en 2010 (soit un viol toutes
les 3 heures) et une femme sur 3 a déclaré avoir expérimenté une forme
de violence sexuelle, allant du harcèlement au viol. Ce nombre est deux
fois supérieur à la moyenne de la population féminine civile américaine,
chez qui on répertorie un traumatisme d'ordre sexuel pour une femme sur
6.
Dans une enquête, un journaliste d'Al-Jazeera estimait en octobre 2011 que de nombreux cas de viols étaient généralement classés,
faute de preuves ou d'informations concordantes et que seulement 8% des
agresseurs supposés étaient réellement poursuivis. En dépit des 15
millions de dollars mobilisés, le Government Accountability Office, qui
évalue le suivi des politiques publiques, a estimé en 2008 que peu de choses avaient été accomplies en la matière.
Pourquoi
l'armée faillirait-elle à protéger ses soldates des intentions
malveillantes de leurs collègues? Pour Kira Mountjoy-Pepka, directrice
de Pack Parachute, association défendant les droits des victimes de «military sexual trauma»
(terme retenu par le département américain des vétérans pour qualifier
les agressions ou harcèlements sexuels subis par les membres de
l'armée), la non-judiciarisation de ces affaires s'inscrit dans la
doctrine juridique qui a suivi l'arrêt Feres v. United States,
après lequel la Cour suprême américaine a rendu difficile toute
poursuite engagée contre l'armée, laquelle tend à être placée à
l'extérieur de la sphère du droit du travail.
Une désillusion pour ces femmes qui «aspiraient à des longues carrières dans l'armée et croient en leur mission» et qui, faute d'avoir reçu l'écoute nécessaire à la suite de leurs traumatismes post-viol, «sont conduites à démissionner ou à prendre leur retraite plus tôt car elles n'ont pas su surmonter leurs souffrances», relève Sandra Park, avocate auprès de l'American Civil Liberties Union (ACLU) interrogée par IPS News. The Guardian mentionne l'existence de sites comme mydutytospeak.com permettant aux victimes de viols de partager leurs expériences.
Photo: Des officiers de l'armée américaine à la conférence sur les femmes servant en Irak United States Forces Iraq via Flickr CC License by
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