Le dimanche 14 aout se concluait - au même moment où fusaient les bannières et drapeaux arc-en-ciel de la Fierté gay - le 1er Forum social mondial organisé dans un pays du Nord.
Né à Porto Alegre en 2001, ce rassemblement des organisations alter-mondialistes à travers le monde avait pour objectif de contrer l’influence du Forum économique du Davos. Dans le contexte du début des années 2000, marquées d’une part par le dogme de la pensée unique, de la «fin de l’histoire», et d’autre part, par la résilience d’un discours raciste voué à justifier de nouvelles guerres impérialistes notamment au Moyen-Orient, revendiquer un autre monde que celui du capitalisme triomphant pouvait arborer un caractère franchement progressiste.
Lors de la précédente édition, tenue à Tunis en 2013, le comité organisateur a décidé que l’édition de 2016 ait lieu à Montréal. Il ne fait aucun doute que les membres de ce comité ont été séduits par l’historique grève étudiante de 2012 et par le mouvement Idle No More, preuve que la mondialisation affecte aussi les peuples du «Nord», un point qui se défend aux vues de la conjoncture économique, politique et sociale actuelle.
Trois ans plus tard cependant, la lune de miel semble avoir décru: les organisations et individus du «sud» se sont plaints à maintes reprises avant même que ne soit lancé le coup d’envoi de la mobilisation des couts exorbitants associés au voyage. À cela s’est ajouté le marathon administratif pour obtenir un visa d’entrée au pays. D’ailleurs, les précédentes éditions (à l’opposé de celle-ci) comptaient sur un certain appui des autorités, ce qui facilitait la tâche aux participants.
Résultat: à deux jours du début du Forum, plus de 200 demandes de visas formulées par des militants palestiniens, asiatiques, africains et sud-américains avaient été refusées. Le problème n’avait rien de surprenant: dès le début, bon nombre d’organisations avaient critiqué le choix de Montréal pour cette raison. Parmi les personnalités refusées, on compte le Président du Syndicat des travailleurs postaux de Palestine dont l’organisation a enjoint les organisateurs du Forum à choisir un pays hôte «qui permette aux militants de tous les pays et de tous les profils sociaux de participer à l’évènement». À ce syndicaliste s’ajoute l’intellectuelle malienne Aminata Traoré (qui devait participer à l’une des grandes conférences), une des voix fortes du «féminisme» africain. Même si les services frontaliers se sont éventuellement ravisés, elle a préféré boycotter l’évènement en solidarité avec tous ceux qui n’ont pas été bienvenus au Canada.
Tel que prévu par les organisateurs donc, la très vaste majorité des participants au Forum (plus de 80%) provenait du Québec, ce qui n’est en rien différent des dernières éditions.
Malgré ces ratées, les organisations québécoises conviées n’ont pas boudé l’évènement pour autant. Conscients de la couleur locale du Forum, les participants se sont sans doute rappelé le succès - certes très mitigé - du Forum social des peuples organisé à Ottawa en 2014. Cette rencontre, à laquelle la Ligue de la jeunesse communiste avait d’ailleurs participé, avait permis aux mouvements sociaux de partout au pays de faire valoir leurs positions et de dégager, dans la mesure du possible, un plan d’action commun pour instaurer un changement à travers le Canada. Ce Forum social mondial à saveur nord-américaine aurait pu, dans un contexte pré-électoral aux États-Unis et de nouveau gouvernement au Canada, être l’occasion de discuter d’actions conjointes pour une campagne pour la dissolution de l’OTAN et le retrait de ses États-membres, pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre, pour mettre les multinationales au pas, affirmer notre solidarité avec les peuples tels que le peuple cubain, palestinien, saharaoui, brésilien ou encore avec les peuples africains qui se mobilisent contre le modèle néo-colonial qui leur est imposé.
On ne peut donc imputer la faible mobilisation au manque de participation internationale: ce n’est certainement pas pour cette raison que les syndicats ont été lents à s’engager dans le projet et à promouvoir l’évènement, ce n’est certainement pas pour cette raison non plus que la manifestation d’ouverture n’a compté que 2000 participants tout au plus - moins qu’une marche du 1er mai - avec l’absence notable des organisations étudiantes du Québec et du Canada. Ce n’est probablement pas non plus pour cette raison que les ateliers organisés durant les trois premiers jours de ce rassemblement - parfois se sommant jusqu’à plusieurs dizaines en même temps - ne comptaient que sur une vingtaine de personnes aux mieux et, au pire, sur deux individus seulement.
La mitigation du succès du Forum social mondial 2016 a certes été exacerbée par le fait qu’il ait été organisé dans le tétrasphère nord-ouest, soit dans le quart-monde développé, à un jet de pierre des entrailles de la bête impérialiste, mais il reste que la cause profonde des difficultés rencontrées provient sans doute de la formule même des forums sociaux mondiaux.
Effectivement, si, pour le peu que l’on se déclare contre la mondialisation (peu importe qu’elle soit culturelle, politique ou économique), on peut y entrer comme dans un moulin, il n’est en rien étonnant que des ateliers condamnant le droit à l’autodétermination du peuple Saharaoui habitant la dernière colonie d’Afrique endossés par l’impérialisme marocain ou alors que le FSM se refuse de soutenir la campagne de Boycott Désinvestissement Sanctions contre l’apartheid israélien. Il y a fort à parier que dans les mouvements pro-sionistes et pro-occupation marocaine, existe une frange alter-mondialiste comme il existe, dans le mouvement pour la Paix, une frange pacifiste qui refuse de condamner l’OTAN… Même des organismes comme Oxfam, l’impérialisme au visage humain, y sont les bienvenus. Les partis politiques cependant n’y ont pas droit de cité.
Né à Porto Alegre en 2001, ce rassemblement des organisations alter-mondialistes à travers le monde avait pour objectif de contrer l’influence du Forum économique du Davos. Dans le contexte du début des années 2000, marquées d’une part par le dogme de la pensée unique, de la «fin de l’histoire», et d’autre part, par la résilience d’un discours raciste voué à justifier de nouvelles guerres impérialistes notamment au Moyen-Orient, revendiquer un autre monde que celui du capitalisme triomphant pouvait arborer un caractère franchement progressiste.
Lors de la précédente édition, tenue à Tunis en 2013, le comité organisateur a décidé que l’édition de 2016 ait lieu à Montréal. Il ne fait aucun doute que les membres de ce comité ont été séduits par l’historique grève étudiante de 2012 et par le mouvement Idle No More, preuve que la mondialisation affecte aussi les peuples du «Nord», un point qui se défend aux vues de la conjoncture économique, politique et sociale actuelle.
Trois ans plus tard cependant, la lune de miel semble avoir décru: les organisations et individus du «sud» se sont plaints à maintes reprises avant même que ne soit lancé le coup d’envoi de la mobilisation des couts exorbitants associés au voyage. À cela s’est ajouté le marathon administratif pour obtenir un visa d’entrée au pays. D’ailleurs, les précédentes éditions (à l’opposé de celle-ci) comptaient sur un certain appui des autorités, ce qui facilitait la tâche aux participants.
Résultat: à deux jours du début du Forum, plus de 200 demandes de visas formulées par des militants palestiniens, asiatiques, africains et sud-américains avaient été refusées. Le problème n’avait rien de surprenant: dès le début, bon nombre d’organisations avaient critiqué le choix de Montréal pour cette raison. Parmi les personnalités refusées, on compte le Président du Syndicat des travailleurs postaux de Palestine dont l’organisation a enjoint les organisateurs du Forum à choisir un pays hôte «qui permette aux militants de tous les pays et de tous les profils sociaux de participer à l’évènement». À ce syndicaliste s’ajoute l’intellectuelle malienne Aminata Traoré (qui devait participer à l’une des grandes conférences), une des voix fortes du «féminisme» africain. Même si les services frontaliers se sont éventuellement ravisés, elle a préféré boycotter l’évènement en solidarité avec tous ceux qui n’ont pas été bienvenus au Canada.
Tel que prévu par les organisateurs donc, la très vaste majorité des participants au Forum (plus de 80%) provenait du Québec, ce qui n’est en rien différent des dernières éditions.
Malgré ces ratées, les organisations québécoises conviées n’ont pas boudé l’évènement pour autant. Conscients de la couleur locale du Forum, les participants se sont sans doute rappelé le succès - certes très mitigé - du Forum social des peuples organisé à Ottawa en 2014. Cette rencontre, à laquelle la Ligue de la jeunesse communiste avait d’ailleurs participé, avait permis aux mouvements sociaux de partout au pays de faire valoir leurs positions et de dégager, dans la mesure du possible, un plan d’action commun pour instaurer un changement à travers le Canada. Ce Forum social mondial à saveur nord-américaine aurait pu, dans un contexte pré-électoral aux États-Unis et de nouveau gouvernement au Canada, être l’occasion de discuter d’actions conjointes pour une campagne pour la dissolution de l’OTAN et le retrait de ses États-membres, pour la diminution des émissions de gaz à effet de serre, pour mettre les multinationales au pas, affirmer notre solidarité avec les peuples tels que le peuple cubain, palestinien, saharaoui, brésilien ou encore avec les peuples africains qui se mobilisent contre le modèle néo-colonial qui leur est imposé.
On ne peut donc imputer la faible mobilisation au manque de participation internationale: ce n’est certainement pas pour cette raison que les syndicats ont été lents à s’engager dans le projet et à promouvoir l’évènement, ce n’est certainement pas pour cette raison non plus que la manifestation d’ouverture n’a compté que 2000 participants tout au plus - moins qu’une marche du 1er mai - avec l’absence notable des organisations étudiantes du Québec et du Canada. Ce n’est probablement pas non plus pour cette raison que les ateliers organisés durant les trois premiers jours de ce rassemblement - parfois se sommant jusqu’à plusieurs dizaines en même temps - ne comptaient que sur une vingtaine de personnes aux mieux et, au pire, sur deux individus seulement.
La mitigation du succès du Forum social mondial 2016 a certes été exacerbée par le fait qu’il ait été organisé dans le tétrasphère nord-ouest, soit dans le quart-monde développé, à un jet de pierre des entrailles de la bête impérialiste, mais il reste que la cause profonde des difficultés rencontrées provient sans doute de la formule même des forums sociaux mondiaux.
Effectivement, si, pour le peu que l’on se déclare contre la mondialisation (peu importe qu’elle soit culturelle, politique ou économique), on peut y entrer comme dans un moulin, il n’est en rien étonnant que des ateliers condamnant le droit à l’autodétermination du peuple Saharaoui habitant la dernière colonie d’Afrique endossés par l’impérialisme marocain ou alors que le FSM se refuse de soutenir la campagne de Boycott Désinvestissement Sanctions contre l’apartheid israélien. Il y a fort à parier que dans les mouvements pro-sionistes et pro-occupation marocaine, existe une frange alter-mondialiste comme il existe, dans le mouvement pour la Paix, une frange pacifiste qui refuse de condamner l’OTAN… Même des organismes comme Oxfam, l’impérialisme au visage humain, y sont les bienvenus. Les partis politiques cependant n’y ont pas droit de cité.
C’est que les Forums sociaux mondiaux ne prennent pas parti…
Au-delà du jeu de mots, il reste que l’idée même selon laquelle il serait possible de changer le monde à l’aide d’ONGs et à coups de critiques vaseuses de la «mondialisation» (et non de l’impérialisme) - une notion floue et définie par idiosynchrasies - a fait son temps. Les mouvements sociaux conviés en 2001 à Porto Alegre ont certainement apprécié, dans le contexte de l’époque, cette bouffée d’air. Aujourd’hui, les plus combatifs d’entre eux ont tôt fait d’en percevoir les limites et se tournent vers d’autres horizons. En effet, il n’est plus tellement question de se répéter qu’un autre monde est possible, nécessaire. L’heure est plutôt à la mobilisation: que faire pour bâtir ce monde à la hauteur de nos attentes?
Les Forums sociaux ne peuvent certainement pas répondre à cette question s’ils refusent de poser la question de la prise de pouvoir politique en interdisant formellement les partis politiques. Ils ne peuvent non plus y répondre s’ils refusent de s’attaquer à l’impérialisme et en acceptent même des représentants en leur propre sein. Sans déclaration finale, quelles propositions d’actions peuvent être formulées pour les prochaines années?
Avec un tel évènement, nos dirigeants peuvent dormir sur leurs deux oreilles… D’ailleurs, comble du comble, le Canada, un pays impérialiste, a même financé le FSM!
Au-delà du jeu de mots, il reste que l’idée même selon laquelle il serait possible de changer le monde à l’aide d’ONGs et à coups de critiques vaseuses de la «mondialisation» (et non de l’impérialisme) - une notion floue et définie par idiosynchrasies - a fait son temps. Les mouvements sociaux conviés en 2001 à Porto Alegre ont certainement apprécié, dans le contexte de l’époque, cette bouffée d’air. Aujourd’hui, les plus combatifs d’entre eux ont tôt fait d’en percevoir les limites et se tournent vers d’autres horizons. En effet, il n’est plus tellement question de se répéter qu’un autre monde est possible, nécessaire. L’heure est plutôt à la mobilisation: que faire pour bâtir ce monde à la hauteur de nos attentes?
Les Forums sociaux ne peuvent certainement pas répondre à cette question s’ils refusent de poser la question de la prise de pouvoir politique en interdisant formellement les partis politiques. Ils ne peuvent non plus y répondre s’ils refusent de s’attaquer à l’impérialisme et en acceptent même des représentants en leur propre sein. Sans déclaration finale, quelles propositions d’actions peuvent être formulées pour les prochaines années?
Avec un tel évènement, nos dirigeants peuvent dormir sur leurs deux oreilles… D’ailleurs, comble du comble, le Canada, un pays impérialiste, a même financé le FSM!
Sans illusions, mais présents
Qu’à cela ne tienne, la Ligue de la jeunesse communiste ainsi que le Parti communiste du Québec ont décidé, sans illusions, d’utiliser le Forum social mondial comme plate-forme pour accroitre leur visibilité auprès des mouvements sociaux du Québec. «Au cours de la semaine, nous avons distribué plusieurs centaines de tracts et journaux en plus de tenir une table politique à l’entrée du Forum social. Nous avons ainsi pu engager plusieurs conversations intéressantes et créer de nouveaux contacts», nous dit Marianne Breton-Fontaine, membre du Comité central exécutif de la Ligue de la jeunesse communiste du Canada.
La LJC-Q a de plus organisé une conférence sur la paix et l’anti-impérialisme, une occasion de promouvoir le 19e Festival mondial de la jeunesse et des étudiants qui se déroulera à Sotchi en octobre 2017. Cette conférence a pu compter sur la participation de deux représentants du front Polisario qui ont exposé la situation à laquelle est confronté le peuple saharaoui après plus de 40 ans d’occupation marocaine illégale.
Adrien Welsh, animateur de la discussion, en a profité pour réaffirmer les liens profonds de solidarité entre la Jeunesse communiste du Canada et la jeunesse du front Polisario (UJSARIO): «nous sommes liés par un combat commun, une cause commune: en finir avec l’impérialisme qui, du Sahara à Ramallah et de Kuujjuaq à Caracas, perpétue la guerre, la mort et la destruction. Nous dénonçons par ailleurs le Forum social mondial pour avoir permis dans son enceinte une conférence vraisemblablement organisée par le palais de Rabat afin de déverser une propagande mensongère contre combattants de la Liberté du Sahara occidental. Nous réaffirmons notre solidarité sans faille avec le peuple et la jeunesse saharaouis et leurs seuls représentants légitimes, le front Polisario et l’UJSARIO. Notre solidarité ne s’arrête pas aux mots: nous sommes prêts à nous mobiliser et être les dignes ambassadeurs - car pour le moment, le Canada est l’un des seuls pays au monde à n’avoir aucune relation diplomatique avec le Sahara occidental - du Sahara occidental souverain. Nous réclamons la tenue du référendum sur le droit à l’autodétermination du Sahara occidental tel que proposé par l’ONU, la libération des prisonniers politiques de Gdeim Izik. Alors que le Canada s’apprête à signer un accord de libre-échange avec le Maroc, nous devons nous mobiliser afin de nous assurer qu’a minima, la souveraineté du Sahara occidental y soit reconnue afin d’empêcher que des entreprises minières (comme c’est le cas en ce moment) pillent les ressources de phosphate de cette nation nord-africaine. Ṣaẖarāwi, Ṣaẖarāwīya, īdi f-īdak ẖaṭṭa l-ẖuriya! (Saharaoui, Sharaouie, mains dans la main jusqu’à la liberté!)
Le Parti communiste, invité par le journal People’s Voice, a quant à lui organisé une conférence sur la nécessité de construire un front populaire rejoignant tous les exploités du Canada à commencer par les travailleurs, les étudiants, la jeunesse, les femmes, les petits producteurs agricoles, les peuples autochtones, bref rejoignant tous ceux qui, des dires de Liz Rowley, chef du parti, «sont affectés par le capitalisme». De fait, «nous partageons tous un même intérêt: faire fléchir le pouvoir des grandes compagnies. Certes, il ne s’agit pas encore du socialisme, mais en nous mobilisant tous ensemble pour une démocratie avancée, pour l’égalité nationale, pour la gratuité scolaire et le renforcement des services publics entre autres, la nécessité de rompre avec le capitalisme s’imposera d’elle-même. Au point où nous en sommes, il ne reste qu’à choisir son camp. Nous, communistes, avons choisi depuis bientôt 100 ans le camp des exploités, de ceux qui n’ont rien à perdre autre que leurs chaines. Nous savons que le chemin sera sinueux, long et tortueux, mais nous sommes plus nombreux et dans l’unité, nous pouvons et nous allons gagner.»