Pour diffusion immédiate
Aujourd’hui, alors que le Comité permanent de la Chambre des communes
de la sécurité publique et la sécurité nationale commence son examen
article par article du Projet de loi C-51 (Loi antiterroriste, 2015),
sept des principales organisations de défense des droits humains du
Canada ont demandé à nouveau son retrait de l'ordre du jour.
Dès le début des audiences du Comité le 9 mars 2015, des témoins
experts représentant une vaste gamme de points de vue et d'opinions se
sont dits préoccupés par ce Projet de loi. À mesure que les Canadiens
comprennent mieux ce qu'il représente, on note une montée des
inquiétudes et de l'opposition du public, comme le montre le nombre
croissant des gens qui participent aux manifestations et qui signent des
pétitions et des lettres. Entre-temps, des éditoriaux et commentateurs
représentant toutes les tendances de l'échiquier politique continuent de
critiquer le C-51, ainsi que le cadre utilisé pour son examen au
Parlement.
Dès l'annonce du C-51, Amnistie internationale, l’Association des
libertés civiles de la Colombie-Britannique, l’Association canadienne
des libertés civiles, l’Association canadienne des avocats musulmans,
l’International Civil Liberties Monitoring Group, la Ligue des droits et
libertés et le Conseil national des musulmans canadiens ont déclaré que
les atteintes aux droits humains y étaient si nombreuses et qu'elles
étaient liées de façon si inextricable que son retrait s'imposait. Ces
organisations ont déclaré qu'avant toute reforme des lois sur la
sécurité nationale, il fallait d'abord en démontrer la nécessité de
manière convaincante et que si le gouvernement décidait d'aller de
l'avant, il devait le faire d'une façon totalement harmonisée avec la
Charte de droits et libertés et conformément aux obligations
internationales du Canada en matière de droits
humains.
« Toute loi qui accepte comme prémices qu'en réponse aux menaces
touchant la sécurité du Canada, il est pertinent et acceptable
d'accorder au SCRS des pouvoirs juridiques explicites qui l'autorisent à
violer la Charte des droits, et qui tente de donner un air de
légitimité à ce processus en donnant aux juges le pouvoir d'autoriser de
telles infractions à la Charte, eh bien, cette loi part sur un bien
mauvais pied », proteste Alex Neve, secrétaire général d'Amnistie
internationale Canada (section anglophone). « On ne peut défendre la
sécurité nationale en invitant des juges à se porter garants
d'infractions contre la Charte. Le Projet de loi C-51 fait fi de
l'importance primordiale des droits humains pour le maintien de la
sécurité nationale et pour cette raison, il doit être retiré. »
« Le Projet de loi C-51 mérite un débat authentique, approfondi et
sérieux. Malheureusement, ceux qui l'ont critiqué ont souvent été la
cible d'attaques partisanes mettant en cause leur volonté de protéger le
Canada du terrorisme. Il semble qu'on observe une fâcheuse tendance à
répondre à toute critique sérieuse du C-51 en attaquant la crédibilité
des porte-parole », déplore Carmen Cheung, conseillère juridique
principale de l’Association des libertés civiles de la
Colombie-Britannique. « Il ne fait aucun doute que liberté et sécurité
doivent marcher main dans la main et pour cette raison, l'efficacité du
C-51 à assurer la sécurité du public reste à démontrer. Nous croyons
que, compte tenu des graves dangers qu'il représente pour les libertés
civiles et les droits humains, ce Projet de loi doit être retiré. »
« Dans l'ensemble, les audiences du Comité n'ont offert qu'un bien
mince aperçu de la question, tout à fait inapproprié pour présenter aux
Canadiens – et même aux membres du Comité – une explication adéquate des
pouvoirs inédits proposés par le C-51, ainsi que pour montrer le
changement radical qu'il constitue par rapport au cadre législatif
actuel régissant les questions de sécurité nationale », déclare Sukanya
Pillay, avocate générale et directrice exécutive de l'Association
canadienne des libertés civiles.
« On demande aux Canadiens de faire confiance aux autorités et de
croire qu'elles ne permettront pas que les pouvoirs excessifs et la
portée démesurée du C-51 aient des effets néfastes pour les gens du
public qui respectent les lois, même si ces pouvoirs sont si étendus
qu'ils font le lit de toutes sortes de dérives. En fait, le C-51 ne
comporte aucune disposition juridique substantielle limitant celles-ci.
Or, c'est le devoir de nos parlementaires de rédiger des lois claires et
précises, assorties de mécanismes d'imputabilité appropriés, surtout si
la sécurité et la liberté sont en jeu. Pour ces raisons, ce Projet de
loi doit être retiré. »
« Nous avons insisté sur le fait que le Projet de loi C-51 est farci de
clauses qui violent la Charte des droits et d'autres dispositions des
lois canadiennes. Tel est le message qui a été répété maintes fois par
des sommités juridiques des milieux universitaires, d'anciens
parlementaires et de nombreux autres experts qui ont témoigné devant le
Comité. De plus, le gouvernement a refusé de divulguer les avis
juridiques qu'il a reçus de ses propres conseillers juridiques quant à
la conformité du Projet à la Charte, » note Ziyaad Mia, de l'Association
canadienne des avocats musulmans. « Pourquoi le gouvernement est-il
donc si déterminé à promouvoir des lois controversées qui seront sans
doute à l'origine d'une pléthore de litiges dont le règlement
nécessitera beaucoup de temps, et qui entraîneront presque certainement
l'invalidation de grands pans de celles-ci? Les Canadiens s'attendent à
mieux, et ils le méritent; ce Projet de loi doit être retiré. »
« Au tout début, les Canadiens ont manifesté un important appui au
C-51, car, selon la plupart de ses promoteurs, il s'agissait d'un
instrument qui donnait aux organismes canadiens d'application des lois
et de protection de la sécurité les pouvoirs nécessaires pour prévenir
le terrorisme », explique Roch Tassé, coordonnateur national de la
Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles. «
Or, cet appui populaire s'est dégonflé rapidement et de façon
spectaculaire à mesure que les hommes, femmes et jeunes gens de tout le
pays ont compris la signification du C-51, et ce, en dépit des efforts
du gouvernement pour le faire adopter à toute vapeur, notamment en
limitant la durée de la période d'examen et les occasions d'en évaluer
les véritables enjeux. Les appuis pour ces mesures draconiennes sans
précédent sont en chute libre, et il est clair que ce Projet doit être
retiré. »
« Parmi les nombreux et graves problèmes qui ont fait surface pendant
les audiences, il faut noter les inquiétudes des nations autochtones,
des groupes environnementaux, des milieux du travail, des organisations
de défense des droits humains et d’autres groupes, qui soutiennent que
le C-51 menace le droit de manifester au Canada, car il n'accorde une
protection explicite qu'à ceux qui participent à des manifestations
jugées « légitimes », constate Dominique Peschard, président de la Ligue
des droits et libertés. « À ceux qui s'inquiétaient de cette lacune
devant le Comité, le gouvernement répondait qu'ils étaient mal
renseignés et que ces nouveaux pouvoirs ne seraient jamais utilisés de
façon abusive. Or, ces promesses sonnent creux parce que de toute
évidence, le gouvernement ne semble pas vouloir mettre en œuvre un
robuste mécanisme de surveillance et d'examen susceptible
d'évaluer adéquatement l'efficacité et la légalité des activités de
sécurité nationale au Canada. Ce Projet de loi doit donc être retiré. »
« Compte tenu de l'impact disproportionné qu'ont eu les mesures de
sécurité et les lois antérieures sur les musulmans du Canada, il n'est
pas étonnant que ceux-ci craignent de devenir les victimes indirectes de
ce filet de pouvoirs illimités ou du partage sans restriction des
renseignements personnels, voire même d'être visés directement par des
mesures d'examen iniques », avertit Ihsaan Gardee, directeur exécutif du
Conseil national des musulmans canadiens. « Alors que le gouvernement
aurait dû tenter d'apaiser ces inquiétudes légitimes, nous avoir été
témoins de tentatives de marginalisation des musulmans canadiens et de
leurs institutions, ainsi que d'interprétations erronées à leur sujet.
En effet, pendant les audiences du Comité, au Parlement, dans les médias
et au cours d'événements publics, des élus, des sondeurs et d'autres
commentateurs de la scène politique ont vilipendé les
musulmans du Canada et les organisations qui les représentent. Nous
avons entendu des commentaires incendiaires, discriminatoires ou même
carrément faux concernant ces gens, leurs croyances ou leurs sympathies,
et nous avons été témoins de tentatives répétées d'amalgame de l'Islam
et des musulmans avec le terrorisme. Par de tels agissements, on a
exploité cyniquement les préjugés populaires et on a tenté de semer la
peur et la méfiance au sein du peuple dans le seul but de faire des
gains politiques. Ce Projet de loi ne peut que créer un faux sentiment
de sécurité, alors qu'il devrait jeter les bases d'un cadre de travail
facilitant une saine collaboration avec des communautés qui contribuent
déjà au maintien d'un Canada fort et sécuritaire. C'est pourquoi ce
Projet de loi doit être retiré. »